Cours du 7 novembre 2011

 

1ère heure: Le personnel du sanctuaire: prêtres, prêtresses et prostituées sacrées

 Fonction sacerdotale et fonction royale

A l'origine, fonction sacerdotale et fonction royale étaient confondues.

C'est pourquoi dans maintes civilisations primitives (="sans écriture") on a peine à distinguer le roi du prêtre . Ainsi les Incas péruviens cumulaient les deux fonctions, de même les rois suméro-babyloniens (les rois sumériens étaient grands-prêtres, de même aussi Melkisédék (Gen 14/18). L'empereur de Chine en tant que fils du Ciel exerçait également des fonctions sacerdotales. Aujourd'hui encore, l'empereur du Japon est grand-prêtre de la religion shinto.

 Le roi, dans l'ancienne Rome avait lui aussi d'importante responsabilités sacerdotales. Mais comme il était soumis à d'innombrables tabous lui venant de sa fonction sacerdotale, il en était handicapé dans des fonctions publiques. Ce qui explique que très tôt dans l'ancienne Rome on sépara les deux fonctions. Cependant, le grand-prêtre continua de porter le titre de rex sacrorum ("roi des actes sacrés").

 Prêtre, sorcier et prophète

Le prêtre est à différencier du sorcier et du prophète.

Le sorcier s'occupe des puissances impersonnelles, tandis que le prêtre est serviteur d'un ou de plusieurs dieux. En outre, le prêtre est en relation régulière, institutionnalisée avec la divinité, par opposition au prophète qui a une relation spontanée avec la divinité, d'où la tension entre la fonction sacerdotale et la fonction prophétique dans certaines religions.

 Le prêtre médiateur entre l'homme et Dieu

  1. Le prêtre est représentant de la divinité.
  1. Il transmet la volonté divine par l'interprétation des rêves, la mantique, les oracles, et l'interprétation des textes sacrés.
  2. Il distribue par les sacrements la grâce divine
  3. Il récite les formules sacrées révélées par la divinité
  4. Il guérit les maux du corps et de l'âme.
  1. Parallèlement, le prêtre représente les hommes devant Dieu, transmet leurs sacrifices, leurs offrandes, leurs prières. Largement répandue est la croyance que l'homme ne peut pas accéder directement à la divinité, mais qu'il a besoin d'un prêtre.
  2. Les prêtres ont souvent des fonctions secondaires de gardiens de la culture.
  1. spécialistes du droit et juges
  2. spécialistes de l'écriture dont les prêtres sont souvent les inventeurs
  3. spécialistes scientifiques: astronomes, historiens.

Dans certains cas, on aboutit à la formation de véritables castes sacerdotales, qui constituent pour ainsi dire un Etat dans l'Etat: ainsi dans l'Amérique pré-colombienne (les Incas), en Inde (les brahmanes), en Egypte et en Mésopotamie, dans la Rome ancienne et dans l'ancien Israël (tribu de Lévi).

Mais il y a aussi des religions sans prêtres.

L'islam: l'imam dirige la prière, le muezzin appelle à la prière, les oulémas et les fouqahas sont des spécialistes de droit et d'éthique. Mais il n' y a aucun spécialiste qui ait une fonction médiatrice.

 

2ème heure: Le bouddhisme

Les vies du Bouddha

Les sources bouddhiques sur la vie du Bouddha (et ses vies antérieures) sont surabondantes. En Inde, on a moins qu’ailleurs le sens de l’histoire. Les textes bouddhiques n’ont pas pour visée principale d’écrire l’histoire historique du Bouddha, au sens où nous l’entendons aujourd’hui. L’existence du Bouddha, telle que nous la présentent les sources bouddhiques palies est profondément mythologisée. Il n’est pas facile de démêler l’historique du mythologique. Rappelons qu’en histoire des religions le mythe n’est pas une fable, mais un récit qui a trait aux origines, ce qui s’applique particulièrement bien ici.

Ainsi les sources bouddhiques nous affirment-elles que le futur Bouddha, le Bodhisattva, a choisi pour son incarnation Shuddodhana et Mâyâ comme parents. Ce qui veut dire que le Bouddha a eu la pleine maîtrise de son destin.

C’est aussi un discours sur la préexistence du Bouddha. Car le Bouddha, pour le bouddhisme, a eu, comme chacun d’entre nous, de multiples incarnations antérieures.

 Les naissances antérieures du Bouddha 

Les Jâtaka

Les Jâtaka sont un texte assez tardif (rédaction finale au + 5ème S.), mais dont la tradition est assez ancienne. Ce texte,classique, assigne au Bouddha 557 naissances antérieures (en fait la série des naissances antérieures du Bouddha est infinie, mais pour des raisons de commodité évidente, on s’en tient à 557 naissances antérieures…)

Ces biographies s’occupent en détail des existences antérieures du Bouddha, où il jeta les fondements karmiques de sa montée progessive vers la bouddhéité. Comme on ne peut remonter indéfiniment le cours du temps; l'hagiographie se borne donc à remonter dans les naissances antérieures du Bouddha seulement jusqu'au moment où le Bodhisattva (futur Bouddha) prit la décision, aux pieds du Bouddha Dîpankara, de devenir à son tour un Bouddha. Cela prit, nous disent les textes traditionnels, 4 asamkyeya. Un asamkhyeya étant une période de temps incommensurable: si une montagne en fer était touché une fois par siècle par une étoffe de mousseline, cette montagne serait érodée avant qu'un asamkhyeya n'arrive à son terme.

Dans le livre des Jâtaka, on nous présente 557 récits où le Boddhisattva agit en tant que poisson, grenouille, pigeon, perroquet, cygne, faisan, paon, singe, gazelle, lion, chacal, porc, lièvre, serpent, candâla, voleur, matelot, artisan, coiffeur, commerçant, fils de roi, ministre, prêtre et ascète, et en tant que divinité hindoue (Indra, Brahmâ), son principe karmique passant de vie en vie.

Le livre des Jâtaka comprend trois parties:

  1. La première partie traite de la maturation progressive du Bodhisattva de son existence en tant que Sumedha jusqu'à son existence en tant que Vishvantara, et sa renaissance finale dans le ciel de Tushita.
  2. La deuxième partie traite de la vie de Gautama Buddha (le Bouddha historique) jusqu'à son Eveil.
  3. La troisième partie traite des détails de la vie du Bouddha en tant que Bouddha.

Sumedha

Il y a quatre asamkhyeya et des centaines de milliers d'ères cosmiques (une ère cosmique vaut plusieurs milliards d'années), il y avait une ville nommée Amaravatî. Là habitait un brahmane nommé Sumedha, d'ascendance noble du côté paternel comme du côté maternel, beau et affable. Il se consacrait uniquement à la théologie (la science du Brahman). Lorsque, après la mort de ses parents, il hérita d'un grand patrimoine, il fit don de ses trésors, renonça au monde et devin un ermite dans l'Himalaya. Là, il parvint à la connaissance supérieure.

Alors qu'il survolait la ville de Ramanaka, il vit comment les habitants décoraient la ville pour recevoir dignement le Bouddha (de l'époque) Dîpankara. Il formula alors la pensée suivante: "Il ne convient pas qu le Bienheureux marche dans la saleté de la rue". Il défit alors ses cheveux, déploya son habit et se coucha par terre. En lui alors apparut le souhait de devenir lui-même un jour un Bouddha et de n'entrer dans le nirvâna qu'après avoir sauvé beaucoup d'êtres de l'océan des existences.

Lorsque Dîpankara arriva, il marcha sur la tête de l'ascète Sumedha et le vit couché dans la saleté. Il reconnut "cet ascète ambitionne la bouddhéité". Et il annonça: "Dans 4 asamkyeya et 100 ères cosmiques naîtra un Bouddha nommé Gautama". Lorsque Sumedha entendit cette promesse, il fut rempli de joie, et les gens qui avaient entendu la parole de Dîpankara dirent: " En vérité, l'ascète Sumedha est la semence et le germe d'un futur Bouddha".

Vishvantara

La dernière incarnation humaine du Bodhisattva avant de devenir Gautama fut Vishvantara, fils de roi, qui avait fait vœu de ne jamais refuser une demande. Quand il mourut, il renaquit parmi les dieux du ciel de Tushita.

Lorsque le temps fut arrivé, où un nouveau Bouddha devait apparaître, les dieux des 10.000 systèmes cosmiques se rassemblèrent et s'adressèrent au futur Bouddha: " Vénérable, vous avez pratiqué les dix perfections, ne les pratiquez pas pour atteindre le rang d'un Indra, d'un Mâra, d'un Brahmâ ou d'un souverain universel, mais dans l'effort vers l'omniscience d'un bouddha, pour vaincre le monde. Maintenant le temps de la bouddhéité est venu ! "

Alors le Bodhisattva observa le monde pour trouver le temps convenable, le continent convenable, le pays convenable, la famille convenable, la mère convenable pour sa dernière incarnation.

  1. Le Bodhisattva choisit une période cosmique où la vie de l'homme dure jusqu'à 100 ans, car dans les périodes cosmiques où la vie dure 100.000 ans, les gens ne sont pas exagérément préoccupés par les problèmes de la naissance, du vieillissement et de la mort.
  2. Le Boddhisattva choisit la terre.
  3. Et sur la planète terre, l'Inde du Nord, car c'est là que sont apparus tous les Bouddhas.
  4. Il choisit la caste des princes (kshatriya), car c'est elle qui était à l'époque la plus honorée.
  5. Il choisit pour mère Mâyâ, parce que durant ses existences antérieures, elle avait, durant 100.000 périodes cosmiques, mené une vie conforme aux lois morales.

Puis le Bodhisattva prit congé des divinités du ciel Tushita.

Le récit de la naissance

Selon Majjhima-Nikâya 123 (III p. 123, Pali Text Society), lorsque le Bodhisattva quitta la communauté des dieux au ciel Tushita et qu’il entra dans le sein de sa mère (sous la forme d’un éléphant blanc, disent certains textes), alors apparut une lumière brillante, plus brillante encore que la splendeur des dieux.

Les textes nous présentent la conception du futur Bouddha comme " immaculée ", car ses parents vivaient dans la chasteté absolue.

La biographie de Gautama Bouddha (début)

                                       

 

      

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                                                                                                                                                                                Le berceau du bouddhisme se trouve dans le nord-ouest de l'Inde, là où il y a le cercle

 

[ Dans les langues indiennes, "c" se prononce "tch", "ç" est le son de l'allemand "ich", proche du "ch" français]

 

La seule chose sur laquelle toutes les sources bouddhiques sont d’accord, c’est que le Bouddha est entré dans le nirvâna (c-à-d est mort) à l’âge de 80 ans.

Pour le reste, il y a deux chronologies, une chronologie longue et une chronologie courte. Une partie des sources place le nirvâna du Bouddha 218 ans avant l’avènement de l’empereur Açoka (- 268), donc en – 486, et sa naissance en – 566. D’autres sources placent le nirvâna du Bouddha en – 368. Les historiens occidentaux adoptent en général la chronologie longue, avec des variations de détail : nirvâna en – 483 ou – 478, et naissance en – 563 ou – 558. Nous adoptons ici la chronologie de Louis RENOU : - 558 à – 478.

Le nom du fondateur du bouddhisme est Siddhârta Gautama Çâkyamuni Buddha. Siddhârtha est le prénom, c-à-d le nom donné par les parents au futur Bouddha. Gautama est en quelque sorte son nom de famille : = " issu de la famille des Gotama ". Çâkyamuni signifie ascète silencieux (muni) du clan des Çâkya. Buddha est le surnom qui lui sera donné après l’Illumination Intérieure (bodhi) et signifie " celui qui est passé par l’illumination intérieure " ou "l'Eveillé". Le clan Çâkya était un clan de la classe des princes (ksatriyas). Son père s’appelait Çuddhodana    (" nourriture pure ") et dirigeait une petite principauté dans l’Uttara-Kosala, dans le Teraï népalais, avec pour capitale Kapilavastu (aujourdh’hui sur la frontière indo-népalaise, mais du côté népalais). Çuddhodana avait deux épouses Mâyâ Gautamî et Mahâprajâpatî Gautamî, sœur de Mâyâ.

La naissance eut lieu dans une localité voisine, au jardin de plaisance de Lumbinî (aujourd’hui Rummindei). Sept jours après la naissance de Siddhârta, sa mère meurt. Il est ensuite élevé par la sœur de sa mère, Mahâprajâpatî Gautamî,  deuxième épouse de son père.

Consulté à l’âge de 16 ans sur le choix pour lui d’une épouse, Siddhârtha Gautama se serait résolu au mariage, dont il n’était nullement désireux, seulement pour suivre l’exemple des Bouddha du passé. Les traditions varient sur son mariage ou sur ses mariages et sur les noms et les généalogies de ses épouses. Il semble qu’il en ait eu au moins trois. Siddhârtha Gautama eut un fils, Rahula. Les mariages du futur Bouddha embarrassent notablement les textes monastiques, ce qui paraît garantir leur authenticité.  

Les quatre rencontres

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Selon les textes traditionnels, Çuddhodana couvait son fils et le chambrait, et lui interdisait toute sortie hors du domaine royal. Néanmoins, malgré les précautions de son père, Siddhârta Gautama réussit à sortir du palais paternel. Il fit alors quatre rencontres décisives. D’abord, il rencontra un vieillard décrépi, puis un malade, puis un mort qu’on emportait vers le bûcher crématoire, et enfin un religieux. Il y a donc ici irruption de la vulnérabilité du moi et de l’horizon inéluctable de la mort dans la conscience de Siddhârtha Gautama.

Interrogeant son cocher, le Siddhârtha Gautama apprit que personne ne pouvait échapper à la loi de la vieillesse, de la maladie et de la mort, et chaque fois il aurait fait détourner son char du palais, méditant sur l’emprise inexorable de la douleur.

Dans une quatrième rencontre, Siddhârtha Gautama vit un religieux et comprit à sa vue qu’il pouvait exister dans la sérénité religieuse un remède à la douleur.

A ce moment-là, un fils lui naîtra, Rahula. Siddhârtha Gautama l’aurait jugé comme un lien de plus qui l’attacherait au mode, mais cette naissance, en fait, justifiait mieux, dans les idées du temps, son départ pour la vie religieuse, sa postérité étant assurée.

 

Le Grand Départ (en – 529, à 29 ans)

En sanskrit mahâbhinishkramana, en pali mahâbhinikkhamana, en tibétain mngon-par-‘byung-ba-chen. C’est un événement comparable à l’Exode du peuple juif ou à l’hégire de Mohammed.

Siddhârtha Gautama était alors âgé de 29 ans. A la date anniversaire de sa naissance, de nuit et en secret, quoique ayant demandé l’autorisation de son père (selon le Lalitavistara) et après avoir jeté un dernier coup d’œil sur son épouse et son fils endormis (selon la Nidânakathâ), il aurait enfourché son cheval Kanthaka et se serait enfui avec son écuyer Chandaka.

Le religieux itinérant

Il devient alors un religieux itinérant (sanskrit: samnyâsin ou bhikshu) et recevant l’hospitalité d’étape en étape. Il gagne Vaiçâlî et se met à l’école d’un maître brahmanique (son guru) Ârâda Kâlâma. Puis il se rend à Râjagriha, capitale du Maghada (au nord de l’Inde). Le roi du Magadha Bimbisâra s’intéressa au nouveau religieux qui s’était installé sur une colline proche et venait quêter sa nourriture en ville. Bimbisâra se rend à la colline et séduit par Siddhârtha Gautama lui aurait offert, selon les textes traditionnels, la moitié de son royaume.

Il ne se laisse pas tenter et refuse. Il devient ensuite disciple de Rudraka Râmaputra, qu'il quittera peu après. Déjà, s'était formé autour de lui in groupe de 5 disciples: Âjñata Kaundinya, Bhadrika, Vâshpa, Açvajit et Mahânâman. Puis il se dirige vers Gâyâ et se fixe non loin à Uruvilva, près de la rivière Nairañjanâ (aujourd'hui Lilañj) en un site plaisant et calme, propice aux exercices religieux.

 

Les austérités et leur abandon (6 ans)

 

 

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Dès lors va s'ouvrir une période qui se terminera six ans après le Grand Départ, période pendant laquelle Siddârtha Gautama se livrera à la plus formidable ascèse, à la manière des autres grands muni indiens, devenant ainsi le Çâkyamuni ("l'ascète silencieux du clan des Çâkya").

Selon Theravâdin, Sutta (M.N., t. 1, p.242-247), il se livra à des exercices respiratoires yoguiques extrêmes. Ces exercices commencent par l'occlusion complète de la voie buccale en serrant les dents et en pressant la langue contre le palais avec une énergie telle que la sueur sort des aisselles Puis la voie nasale est fermée à son tour, mais la pression interne du souffle fait éclater les tympans. Puis congestion de la tête et céphalées, coliques et accès de fièvre. Mais Siddhârta Gautama demeure imperturbablement maître de son corps et de sa pensée.

Puis il se livre à un jeûne à mort: "J'eus cette pensée: il faut que je pratique un jeûne complet…Tout à fait semblable à une ligne de boule, ainsi était devenue mon épine dorsale…J'en étais arrivé à ce que la peau de mon ventre adhère à mon épine dorsale sous l'effet du jeûne ".

Puis il se rend compte de l'inanité de cette ascèse extrême: " Par ces exercices ascétiques intenses, je n'atteins pas une excellence en la vision et la connaissance vraiment saintes qui soit supérieure à la condition humaine. Existerait-il donc, en vérité, une autre voie de l'É veil ?". Il abandonne donc ces austérités: " Est-ce bien en pratiquant l'absence de désir et en abandonnant les choses mauvaises que j'obtiendrai le bonheur ? Ce n'est certes pas à cause des souffrances que j'inflige à mon corps que j'obtiendrai ce bonheur. A présent, ne vaut-il pas mieux pour moi manger un peu de riz bouilli et de bouillie de grains grillés pour acquérir des forces suffisantes" (Dharmaguptaka, Vinaya (T. 1428, p. 781a).Il se lève alors très affaibli, et, ses vêtements étant tombés en loques, il prend le linceul d'un cadavre, le lave dans un étang et le façonne en robe de moine. Il part en quête de nourriture. Ses cinq disciples considèrent comme une défaillance impardonnable son abandon du jeûne; ils le quittent pour se rendre à Bénarès.