Le Courrier du Geri, Revue d'islamologie et de théologie musulmane

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 L' empire islamique de Ouaddaï ( au Tchad ancien) )

 

                                                  Abakar MAHAMAT-ZENE *

 

HISTORIQUE

 

La colonisation a des causes économiques, politiques et stratégiques multiples, qui débordent le cadre du présent travail. Néanmoins, elles furent tantôt invoquées et tantôt tues par les puissances coloniales; au sein desquelles, en marge de ces causes, se développa un discours dominant, surtout au XIXème siècle; discours spécifiquement colonial, présentant, notamment, l'Afrique; comme un continent "vierge" de toute civilisation et qu'il leur incombait, par conséquent, de civiliser et de "défricher".

 Cependant, ce discours ne résiste pas à un rappel rapide des réalités. Le continent africain; recouvre une superficie de 30 millions 310 mille de km2, soit le 1/5ème de la surface du globe, avec une population de 500 millions, soit 11% de la population mondiale. L'Afrique a connu des civilisations anciennes, antérieures à l’ère chrétienne, comme celles de l'Egypte pharaonique, du Haut-Congo , du Bassin du Tchad; et du Bassin du Niger; sans compter plusieurs autres, réparties aux quatre coins du continent. Les premiers explorateurs européens; en apportent le témoignage irréfutable.

 Ainsi, lorsque Vasco de Gama; vers (1469-1524) et ses compagnons mirent le pied sur le littoral de l'.i.Afrique Orientale; (1488-1489), ils découvrirent une véritable tradition maritime, à savoir des bateaux, des cartes de navigation et des boussoles, ainsi que des instruments pour mesurer la longitude et la latitude.

 De même, au .i.Moyen Âge;, les .i.commerçants européens; auraient été stupéfaits en découvrant des routes extrêmement longues, aménagées et bordées d'arbres, pour assurer aux usagers une protection contre le soleil, avec des services d'entretien régulier. Ils relevèrent également l'existence de champs richement exploités et de véritables centres urbains, régis par de puissants monarques et comme on n'en trouvait pas en .i.Europe ;même.

 Selon A. , B. Davidson rapporte que l'état de la sécurité, dans l'Afrique Centrale; (.i.Kanem-Bornou;), était meilleur que celui que trouvait le voyageur en Europe (1)

 Sur le plan politique, l'ancienne .i.Afrique ;a connu de nombxreux Etats, notamment le .i.Ghana (2) à l'ouest, qui est apparu dès les premiers siècle de l'ère chrétienne (3) ou le .i.royaume de Songaï;. Dans le centre de l'.i.Afrique;, plusieurs Etats et principautés ont vu le jour, comme les .i.royaumes yorouba et ibo;, les .i.principautés haoussa; et l'.i.Empire de Kanem-Bornou;. Dans l'est du continent, mentionnons les .i.Etats de ‘Alwa, Maqarra (4) Kourdoufan, Darfour;, ainsi que l'.i.Ethiopie; et la .i.Somalie;. Le nord et le sud ont également été des berceaux de plusieurs Etats. Dans l'ensemble de ces Etats, le gouvernement s'exerçait sur des bases consensuelles et le prince se pliait à l'avis de ses conseillers.

 L'administration et la loi y avaient atteint un haut degré d'organisation. Ainsi, le divorce n'était accordé que pour des raisons fortement valables, tandis que les veuves et les orphelins bénéficiaient de soutiens multiples. Concernant la propriété, elle était connue sous ses deux formes, privée et publique. Il existait même une structure de communications postales, ainsi que l'équivalent du passeport, consistant en un bâton portant, gravé, l'emblême de la tribu du voyageur il semble aussi que la collecte des impôts et le prélèvement des taxes douanières étaient régis par des règles précises et que, dans certains royaumes, ont été découvertes des statistiques démographiques élaborées.

 Concernant l'.i.économie;, l'.i.agriculture africaine; était généralement florissante, du fait de l'abondance des eaux et des structures d'irrigation. De même, on y exploitait intensivement les ressources naturelles en métaux, extrayant les plus grandes quantités de .i.zinc;, de .i.cobalt;, de .i.cuivre ;et d'.i.or; dans le monde. En outre, l'ancienne .i.Afrique ;produisait le tiers du .i.chrome ;et le cinquième du .i.manganèse ;mondiaux, ainsi que du .i.fer;, de la .i.bauxite;, du .i.charbon;, du .i.pétrole ;et de l'.i.uranium;. A ce sujet, W.E. Abraham établit un parallèle entre l'Afrique et les deux grandes puissances du XXème siècle (les .i.U.S.A. ;et l'ancienne .i.U.R.S.S;.).

 L'Afrique a également connu, depuis la haute antiquité, les échanges commerciaux avec l'.i.Inde; et la .i.Chine;, contrairement à l'.i.Europe; qui ne les a connus sur une vaste échelle qu'au XVème siècle.

 Les premières tentatives européennes modernes d'entrer en rapport avec le .i.continent africain; sont dues aux Portugais .i.Henri le Navigateur; (1394-1460) et .i.Vasco de Gama;. Elles se sont interrompues avec la découverte de l'.i.Amérique;, puis elles ont repris avec l'Ecossais .i.James Bruce;, qui découvrit les sources du .i.Nil ;en 1770. A partir de 1816, les .i.Britanniques ;s'intéressèrent au .i.Bassin du Niger;, avec .i.Hugh Clapperton

.A partir de la deuxième moitié du XIXème siècle : la pénétration politique et la constitution de colonies destinées à fournir les .i.matières brutes; nécessaires à la .i.révolution industrielle;.

 Celle-ci commença en Grande-Bretagne;, donnant une nouvelle impulsion à la .i.politique coloniale;. La période comprise entre 1870 et 1914 fut celle d'un grand essor économique, notamment en .i.Grande-Bretagne;, en .i.France ;et en .i.Allemagne;. Entre ces trois puissances, une concurrence se fit jour, afin de conquérir les marchés commerciaux et écouler leur production industrielle et s'assurer des sources de matières premières. L'.i.Afrique; semblait toute désignée pour répondre à ces besoins. Aussi, attira-t-elle les financeurs et les .i.capitalistes européens;, par ses ressources naturelles et démographiques et sa main-d'œuvre peu coûteuse. A ce sujet, la .i.Grande-Bretagne; appela à cesser la .i.traite des esclaves;, estimant qu'il était plus rentable d'exploiter cette main-d'œuvre dans les colonies même.

 Afin d'asseoir leur présence dans les diverses régions d'implantation, les .i.puissances coloniales; se sont gagné, dès le début, l'amitié des rois et des chefs de tribus locaux; et ce, au moyen de traités privilégiés ou en achetant certains ports entre 1891 et 1897.

 

Hormis les trois principales .i.puissances coloniales; (.i.Grande-Bretagne;, .i.Allemagne ;et .i.France;) qui ont nourri des ambitions au Tchad, d'autres pays d'.i.Europe; se sont illustrés par une .i.politique coloniale; active en .i.Afrique;.

 

Le .i.Portugal ;: au début du XVème siècle, les .i.explorateurs portugais; furent les premiers à fouler le sol africain, à l'est du continent, qui se trouvait sous le contrôle de l'actuel .i.sultanat d'Oman;. Ils furent également les pionniers de la découverte du sud de l'Afrique et dominèrent, à l'ouest, le .i.Libéria;, l'.i.Angola; et la .i.Guinée Bissau;. De même, ils tentèrent de conquérir le .i.Congo ;entre les XVIème et XVIIIème siècles.

 La .Belgique ;: les ambitions coloniales de ce pays se manifestèrent avec le roi .i.Léopold 1er; (1790-1865), mais ce fut son fils .i.Léopold II; (1835-1909) qui les concrétisa. En 1865, dès son accession au trône, tenant compte de l'exiguïté du territoire belge, il tourna ses regards vers l'.i.Asie;, puis vers l'.i.Afrique;. En 1878, il fonda la .i.Société d'Etudes du Haut-Congo; et, l'année suivante, il prit à son service l'explorateur britannique .i.Henry Morton Stanley; (1841-1904) qui avait tenté, mais en vain, de convaincre le .i.gouvernement britannique; de se lancer dans cette conquête.

La Belgique;, de ce fait, entraîna en quelque sorte l'.i.Europe; dans la "course aux colonies" et, avec l'appui des .i.Etats-Unis;, elle obtint des autres puissances de garder la mainmise sur le .i.Congo;.

 L'.Espagne; : la .i.couronne espagnole; se contenta de quelques îles à l'ouest de l'.i.Afrique;, comme celle de .i.Fernando Poo; en .i.Guinée Equatoriale;, avec certaines régions de l'.i.Afrique du Nord;, comme le .i.Sahara marocain;. En outre, les vélléités espagnoles se heurtèrent aux .i.Portugais ;au .i.Libéria ;et en .i.Ethiopie;.

 L'.i.Italie; : après avoir occupé la .i.Libye ;(1912), ce pays obtint de la .i.France ;une partie du nord du Tchad, la bande d'.i.Aouzou;. De même, il conquit une grande partie de la .i.Somalie ;et, réussit, sous .i.Mussolini;, à annexer l'.i.Ethiopie; pour une courte période.

 Si les différentes .i.entreprises coloniales; se sont heurtées à des résistances locales, il faut souligner que, dans la majorité des cas, les puissances occupantes ont bénéficié de la collaboration des chefs africains. Les raisons de cette attitude nous semblent multiples et ne relèvent pas simplement du désistement de souveraineté. D'une part, ces chefs ignoraient tout des intentions colonialistes. D'autre part, la .i.traite des esclaves; a annihilé toute vélléité de résistance chez eux, car, outre le profond sentiment de crainte qu'elle leur inspira à l'égard des Blancs, elle les poussa à participer activement à la traite, leur aliénant, en retour, l'opinion africaine. A ce sujet, W.E. Abraham juge que la proportion de désistement "n'est ni claire ni dissimulée".

 

L'opposition des populations à la .i.pénétration coloniale; est rapportée par la quasi-totalité des sources, mais son impuissance, du moins au début, peut s'expliquer par plusieurs facteurs, notamment : la soumission des souverains et des chefs aux nouveaux arrivants; les luttes incessantes et inexpiables qui les opposaient les uns aux autres; la .i.traite des esclaves;, qui, pendant cinq siècles, avait décimé les populations; l'affaiblissement considérable de la propriété privée, qui les conduisit à renoncer à se battre; l'exode des tribus, qui leur enleva tout sentiment d'appartenance à une terre; l'infériorité de l'armement; etc.

 Le .i.colonialisme;, qui avait trouvé une .i.Afrique ;relativement prospère et civilisée, la laissa spoliée. La .i.traite des esclaves; a contribué à l'anéantissement de nombreux arts et métiers, dont les dépositaires ont péri dans les guerres ou les rafles. Les villages et les agricultures incendiés et détruits au cours de ces rafles, ont donné un coup d'arrêt à l'urbanisation et au développement de l'.i.économie;. En outre, le .i.colonialisme ;a créé une profonde fracture entre l'.i.Afrique pré-coloniale; et l'.i.Afrique post-coloniale; et mis fin aux structures socio-économiques existantes.

Selon B. Davidson, les .i.Portugais ;ont trouvé dans l'.i.Afrique de l'est; des peuples prospères et avancés; leur barbarie y mit fin. De son côté, W. E. Abraham qualifie les missionnaires de "criminels", du fait des actes de destruction dont ils se sont rendus coupables. En effet, prétextant que les .i.Africains ;vouaient un culte à leurs œuvres d'art, ils en ont détruit un nombre considérable, tandis que de rares pièces y échappaient. Ajoutons à cela que les Blancs qui s'installaient dans les .i.colonies ;étaient, dans la plupart des cas, des gens de moralité douteuse ou en délicates se avec les lois de leurs pays.

 L'.i.Etat islamisé; de l'.i.ensemble kanemi; est celui de .i.Ouaddaï;. Cette islamisation eut lieu au XVIème siècle et le principal artisan en est un Arabe d'origine abbaside, venu de .i.La Mekke;, nommé .i.‘Abd al-Karîm b. Sâlih; (ou Sulayh ou, encore, Gâmi‘).

 

 L'OUADDAÏ

.a.Historique

 

Dès l'antiquité, .i.Ouaddaï ;a été successivement gouverné par plusieurs tribus, mais l'Etat n'émergea qu'à partir du XVIème siècle, lorsqu'il fut islamisé sous la houlette de .i.‘Abd al-Karîm b. Sâlih; b. Gawda b. Sulayh et de ses compagnons, tels que .i.‘Utmân at-Targamî;, .i.Muhammad ‘Alî Ishâq;, .i.Muhammad Dînâr;, .i.Mu’min; (de la tribu des .i.Masâlît;), le chef de la tribu des .i.Marfa ;et .i.Dûl Walad Bannân al-Gallâbî;. Tous les membres de ce groupe séjournèrent dans un centre islamique de la ville de .i.Badîrî;, à .i.Baguirmi;, distante de 10 kilomètres de la capitale .i.Mâsînyâ;. Ils s'y imprégnèrent des .i.préceptes de l'islam; et des principes de sa propagation, avant de se rendre à Ouaddaï.

 Là, ils découvrirent un Etat constitué d'un ensemble de .i.tribus animistes;, au sein duquel dominaient les .i.Arabes Toundjour;. Parmi les tribus les plus importantes, mentionnons .i.Abou Sounoun;, .i.al-Mâlânqa;, .i.al-Mâdâba;, .i.al-Mâdala;, etc. Concernant l'origine de ces tribus, nulle source historique ne la précise. Toutefois, leur lien avec les .i.Abbassides ;est clairement établi, par le biais de ‘Abd al-Karîm. Bien que l'origine arabe de ce dernier soit mise en doute par un groupe d'historiens, de notre côté, nous penchons pour l'hypothèse inverse, à savoir qu'il descend soit de la tribu de .i.Fazâra;, soit de .i.Qurays;, de la lignée d'.i.al-‘Abbâs b. ‘Abd al-Muttalib; (oncle du Prophète).

Dans ce sens, M. b. ‘Umar at-Tûnisî affirme qu'à son arrivée à .i.Ouaddaï;, il s'enquit de l'origine abbasside des tribus autochtones. On lui répondit qu'à la suite de l'entrée des .i.Mongols ;à .i.Bagdad;, les .i.Abbassides ;s'étaient enfuis en .i.Egypte ;et que, lorsque ce pays tomba sous la domination des .i.Mamelouks;, ils s'éparpillèrent dans les contrées avoisinantes. Certains partirent pour le .i.Higâz; et, parmi eux, se trouvait ‘Abd al-Karîm, grand-père du fondateur de l'.i.Etat islamique de Ouaddaï;, qui avait un fils appelé Sâlih. Les habitants du .i.royaume soudanais de Sinnâr;, en pèlerinage, rencontèrent ce dernier et s'enthousiasmèrent devant sa science. Aussi, l'invitèrent-ils à Sinnâr; il les y accompagna, puis il poursuivit son voyage jusqu'au mont .i.Abou Sounoun;, au .i.pays de Ouaddaï;; en outre, ce dernier est également connu sous le nom de "pays de Sulayh". Sâlih les invita alors à embrasser l'.i.islam;; son appel trouva un écho favorable et les gens de Ouaddaï le nommèrent sultan en 1030/1620.

 Le nouveau sultan mobilisa les peuples de Ouaddaï et mena le .i.gihâd ;contre les .i.Toundjour;, jetant les bases de l'.i.Etat de Ouaddaï;.

 Une seconde hypothèse étaye encore l'origine abbasside de ces tribus. Des sources rapportent que cette descendance s'est établie par le biais de Gâmi‘ (soit Sâlih ou Sulayh) qui s'était marié à la fille du souverain de Ouaddaï, nommée .i.Gidayya ;(ou .i.‘Â’isa;); le fruit de leur mariage fut ‘Abd al-Karîm, qui assit l'.i.Etat islamique de Ouaddaï; sur des bases définitives et stables. C'est à partir de ce noyau familial que la descendance abbasside s'est multipliée à Ouaddaï.

 ‘Abd al-Karîm b. Sâlih b. Gawda b. Sulayh, appelé également Mugaddid al-islâm (Rénovateur de l'islam), entama son .i.gihâd;, s'appuyant sur les autochtones qui avaient embrassé la foi nouvelle, ainsi que sur les .i.Arabes;, notamment les .i.Mahriyya;, les .i.Mahâmîd;, les .i.Nawala;, les .i.‘Irayqât;, etc. A leur tête, il conduisit la révolte contre les gouverneurs toundjour de Ouaddaï, dirigés par .i.Dâwud al-Murayn;. Celui-ci, ayant péri dans une bataille, ‘Abd al-Karîm prit le pouvoir et l'exerça de 1635 à 1655. Son règne fut marqué par un combat incessant contre les .i.animistes;.

 En dépit de sa force, ‘Abd al-Karîm continua à payer la .i.gizya ;au .i.royaume de Darfour;, comme les .i.Toundjour ;avaient pris coutume de le faire auparavant. A sa mort, ce fut .i.Ya‘qûb ‘Arûs; qui lui succéda. Le sultan de Darfour, .i.Ahmad Bakr;, le pressa de s'acquitter de la .i.gizya;; le souverain de Ouaddaï se prépara à le faire, accompagnant la gizya d'une princesse, selon l'usage établi. Cependant, avant le départ de la caravane, un jeune, du nom de .i.Kirdî ;ou .i.Tâgûtâ;, prit la parole et accusa les gens de Ouaddaï de lâcheté. Le souverain admira son courage, annula les préparatifs de départ de la gizya et envoya un message au .i.sultan de Darfour;, disant, en substance : "Si vous voulez la gizya, vous n'avez qu'à la collecter vous-même!"

 Aussitôt, il leva une armée et attaqua Darfour, enfonçant les frontières avec une grande rapidité; il atteignit le .i.mont Marra; et ouvrit deux fronts, sur les versants est et ouest de la montagne, infligeant plusieurs défaites à l'armée adverse. Celle-ci entreprit une contre-attaque et encercla les troupes de ‘Arûs, mais ce dernier parvint à se dégager et à regagner son territoire. A la suite de ces événements, un traité fut signé entre les deux parties, les engageant à ne pas violer les frontières et faisant totale abstraction de la gizya qui tomba dans l'oubli.

 Par la suite, ‘Arûs, dont le règne coincida avec celui de nombreux .i.sultans de Darfour;, ne cessa de faire la guerre à ces derniers. Ainsi, il réussit à tuer le .i.sultan Mûsä b. Sulaymân; et fit prisonnier l'.i.émir ‘Umar;, car les deux avaient trahi leurs engagements et attaqué .i.Ouaddaï;. ‘Arûs les défit, et incarcéra le second à .i.Abû Kindî; où il mourut et fut enterré, sous le règne du .i.sultan Gûda; (1747-1795), surnommé .i.Harîf at-Tîmân;, as-Sâlih, as-Sarîf ou, encore, Muhammad Sûlây. Considéré comme le continuateur de l'œuvre de ‘Abd al-Karîm, il jouit de la considération et du respect de ses sujets.

 La première véritable confrontation entre .i.Gûda ;et .i.Darfour ;est due au fait que, après le décès de ‘Umar en captivité, son frère .i.Abû l-Qâsim, sultan de Darfour;, envahit le royaume, prétextant le désir de prier sur la tombe du défunt. Gûda s'opposa avec succès à l'invasion, avec, à sa droite, .i.Aqîd (chef militaire) ar-Râsid; et, à sa gauche, .i.Sa‘îd, ‘Aqîd al-Ga‘âtina;. Ce dernier joua un rôle décisif dans la victoire, attaquant hardiment l'ennemi et le décimant, au prix du tiers de ses effectifs et de sa propre vie.

 Durant son règne, Gûda organisa huit campagnes contre les .i.animistes;, au sud de Ouaddaï. De même, il repoussa les frontières occidentales de l'Etat, au détriment du .i.sultan Mîlî;, suzerain du souverain de .i.Bornou;, annexant une grande partie de .i.Kanem; et la confiant à .i.Qarfâ, ‘Aqîd al-Bahr;. Selon les sources, le règne de Gûda s'étendit sur 40 ou 46 ans et fut suivi de celui de ‘Abd al-Karîm (1805-1813), surnommé .i.Sâbûn;. Celui-ci se distingua de ses prédécesseurs par sa sagesse, n'hésitant pas, par exemple, à envahir .i.Baguirmi;, au cours de la deuxième année de son règne, afin de châtier son souverain ‘Abd ar-Rahman, coupable d'avoir pris pour épouse sa propre fille .

 De même, il fut conduit à annexer le .i.Dartama ;(au sud et à l'est de .i.Ouaddaï;) et à lui imposer la .i.gizya;, car ses souverains avaient, pendant une longue période, mené une politique agressive contre le jeune .i.Etat islamique;. .i.Sâbûn ;envoya contre ce pays 7000 soldats du côté des montagnes et 5000 du côté de la plaine. Cependant, son règne fut de courte durée, car il trouva la mort au cours d'un voyage à .i.Dûkûrî;, ville proche de la capitale .i.Ouara;, après avoir été blessé d'une flèche à l'épaule, par des pillards qu'il avait pris en chasse. Malgré ce règne éphémère, Sâbûn laissa un héritier (l'aîné de six enfants), assurant la pérennité du pouvoir et, surtout, il traça une route internationale d'une grande importance stratégique et commerciale, reliant la capitale à .i.Tripoli; et à la .i.Méditerranée;.

 Après sa mort, le royaume connut une lutte pour le pouvoir qui dura 30 ans. Ce fut .i.Muhammad Sarîf; (1843-1858), qui parvint à stabiliser la situation. Au cours de sa deuxième année de règne, il dut faire face à une révolte populaire, car il avait bénéficié du soutien de .i.Darfour;. Aussi, monta-t-il une expédition à l'est du .i.Lac Tchad;, contre les rebelles retranchés sur .i.îles Karka; et réprima le mouvement, laissant libre champ à ses lieutenants, afin qu'ils capturent des .i.esclaves ;en grand nombre. Soulignons, à cet égard, que Ouaddaï s'était toujours illustré par la .i.traite des esclaves;.

 En outre, lors de sa dixième année de règne, il envahit le .i.Dartama ;dont le sultan, .i.Muhammad Nûr b. Sulaymân;, montrait des vélléités d'insoumission à l'égard de .i.Ouaddaï;. Muhammad Sarîf le destitua et le remplaça par son frère Ibrâhîm. Par ailleurs, aboutissement du long contentieux existant entre Ouaddaï et .i.Bornou;, il envahit ce dernier, après une manœuvre de diversion. Il fit croire aux .i.troupes de Bornou; qu'il se drigeait vers .i.Baguirmi;, mais, arrivé devant le .i.Chari;, il le franchit en direction de .i.Kousseri;. Ayant mis .i.sayh ‘Umar;, fils de .i.Muhammad al-Amîn;, devant le fait accompli, il lui proposa de se retirer contre une forte somme d'argent.

 Cependant, Bornou était engagé dans une guerre contre le .i.sultan de Zinder;, province qui s'était rebellée contre le pouvoir central. ‘Umar adopta, alors, une politique d'atermoiement qui lui permit de lever une armée pour conjurer le danger. Les deux armées s'affrontèrent entre la capitale .i.Kouka ;et .i.Kousseri ;et la victoire revint à .i.Muhammad Sarîf,; permettant à .i.Ouaddaï ;d'étendre son influence sur .i.Bornou;, pendant une brève période. Sur ce point, S. Arslân affirme que Ouaddaï ne gagna rien à l'affaire. Pour notre part, nous considérons que le sultan de Ouaddaï a réalisé ses objectifs, puisque, après sa victoire, Bornou dut payer la somme exigée, à savoir 8000 thalers.

 Après cet événement, Muhammad Sarîf rentra dans sa capitale, assurant à son pays 4 ans de paix totale, à laquelle mit fin la révolte de la .i.tribu de Kûdây;, menée par .i.Sayh al-Hayrân;. La .i.bataille de Drûba; mit fin à cette révolte, bien que le sultan de Ouaddaï souffrît d'un début de cécité. Toutefois, une épreuve supplémentaire l'attendait, avec la révolte des .i.tribus de Mîbî et de Ouaddaï;, qui incitèrent un membre de la famille régnante, Ahmad ‘Alî, à convoiter le pouvoir suprême. Certaines sources indiquent que, pour mieux défendre son trône, Muhammad Sarîf transféra la capitale à .i.Abéché;, avant de leur livrer une .i.bataille décisive à Gâkân;, dont il sortit victorieux.

 Concernant ce transfert de la capitale, il conviendrait de relativiser la cause tactique avancée par les auteurs. En réalité, Abéché était devenue un carrefour important sur les voies commerciales et un foyer culturel réputé; ce qui a fort bien pu pousser Muhammad Sarîf à en faire sa nouvelle capitale. Le sultan mourut soudainement et, pratiquement fou, selon certaines sources. Quoiqu'il en fût, il laissa un Etat fort, après avoir annexé les .i.royaumes de Darkouti et Darrougna;.

 Après le décès de Muhammad Sarîf, le pays connut une longue période de troubles et de luttes intestines, ponctuée d'une série de règnes éphémères. Le dernier de ces souverains, .i.Ahmad Gazâlî b. ‘Alî;, fut destitué par son oncle .i.Muhammad Sâlih b. Yûsuf; (1902-1911), surnommé .i.Dûdmurra;. Toutefois, il continua la lutte pendant 9 mois, au bout desquels eut lieu la .i.bataille de Oum Dam; (1902) où il fut défait. Un dignitaire du nom de Abû l-Fadl entreprit des démarches de conciliation et réussit à rétablir la concorde. Cependant, .i.Muhammad Asîl b. ‘Abd al-Mahmûd;, frère de Ahmad b. ‘Alî, refusa de s'incliner et, à la tête de 300 soldats, il partit à .i.Fort-Lamy; et s'allia aux .i.Français;. Dûdmurra entreprit alors de faire crever les yeux de Ahmad Gazâlî et fit exécuter son adjoint Saraf ad-Dîn, en dépit de leur reddition. Cet acte lui valut d'être lâché par ses alliés goranes, zaghawa et arabes d'.i.as-Salâmât;, ainsi que par de nombreux autres appuis, tels que les .i.ulémas d'Abéché;.

 

De leur côté, les Français suivaient l'évolution de la situation avec un grand intérêt; ils doublèrent Asîl et envoyèrent un certain .i.Gorral-Chandi;, dans l'intention de réconcilier les deux parties, afin de contrôler .i.Ouaddaï ;sans guerre. .i.Dûdmurra ;refusa ces tentatives, en dépit des conseils de .i.‘Abd al-Haqq Muhammad as-Sanûsî at-Targamâwî;, le premier ‘âlim du royaume; il alla même jusqu'à l'emprisonner et ordonna la mise à mort de l'émissaire français, suscitant l'opposition de .i.Aqîd al-Ga‘âtina;.

 L'émissaire revint à .i.Fort-Lamy;, pendant que Dûdmurra prenait l'initiative des combats contre les troupes françaises. Il attaqua la garnison de .i.Mao ;à .i.Kanem ;(1905), mais il fut repoussé jusqu'à .i.Amlayyûnâ;, située à 75 kilomètres à l'est d'Abéché. Les .i.Français ;et leurs alliés poursuivirent la contre-attaque et, le 20/4/1907, ils prirent aux .i.Sanûsî;, alliés de .i.Dûdmurra;, les villes nordiques de .i.Wâyinâ ;et .i.Wâwî ;et bombardèrent .i.Aïn Galakka;, dans la région de .i.Borkou;. En 1908, après l'arrivée des .i.troupes françaises; à .i.‘Urâna;, de nombreux affrontements eurent lieu et tournèrent à l'avantage des assaillants. Les .i.Sanûsî ;prirent alors conscience du danger et se préparèrent à une guerre de longue haleine. Le 8/5/1908, les Français attaquèrent Aïn Galakka et parvinrent, après un premier échec, à la prendre.

 A la suite de leur victoire, ils réalisèrent que .i.Dûdmurra ;était séparé de son allié nordique. Ils marchèrent sur .i.Abéché;, ouvrant deux fronts simultanés. Il s'écoula un an avant leur entrée dans la capitale (2/6/1909) et la remise du pouvoir à .i.Muhammad Asîl;; un an ponctué de batailles, les plus importantes étant : celle de .i.Dacodji;, à .i.Darbilal;, celles de .i.Birkat Fâtima; et .i.Bahr as-Salâmât;, celles de .i.Aboudjou ;et .i.Abou Hatta;, celles de .i.Abou Khouta; et .i.Abou Goudam;, celles de .i.Oum Timan; et de .i.Fatrah;. Cette dernière précéda l'entrée des .i.troupes françaises; à .i.Abéché;, mais, grâce à la résistance opiniâtre de ses lieutenants, .i.Dûdmurra ;parvint à s'échapper et se retira dans les .i.montagnes de Kabka;, d'où il poursuivit la lutte pendant deux ans.

 Là, il s'allia à .i.‘Alî Dînâr;, sultan de .i.Darfour;, .i.Tâg ad-Dîn,; sultan de .i.Masalât ;et .i.as-Sanûsî Abakar;, sultan de .i.Darkouti;. De même, il chercha à joindre ses alliés sanûsî du nord et souleva les chefs des tribus, alimentant l'insurrection contre la présence française. Le 21/10/1911, à l'issue de la .i.bataille de Darmasalit;, il tomba entre les mains du .i.colonel Largeau; et fut incarcéré à .i.Fort-Lamy;.

 b. La délimitation géographique

 Ouaddaï est situé à l'est du Tchad actuel. Quant aux frontières de l'.i.Etat islamique;, dont la capitale était .i.Ouara;, elles s'étendaient jusqu'au .i.Tibesti;, au nord; jusqu'à .i.Kanem;, à l'ouest; .i.Baguirmi;, au sud; .i.Salâmât;, .i.Darkouti;, .i.Darrougna;, .i.Darmasalat ;et .i.Dartama;, au sud-est; .i.Darfour;, à l'est.

 

.c. L'.organisation politique

 L'.i.Etat de Ouaddaï; avait une assemblée de 8 sages qui étaient, pour la plupart, des .i.ulémas ;et des juges et dont les pouvoirs étaient étendus, puisque toute décision du souverain devait obtenir leur aval. Seul le .i.sultan Sâlih; (1795-1805), surnommé .i.Darra;, fit mettre à mort les .i.ulémas;, dès son accession au trône et gouverna en despote. Aussi, cette phase fut-elle marquée de troubles et de luttes internes et se termina par la prise du pouvoir par .i.‘Abd al-Karîm Sâbûn; qui rétablit l'assemblée dans ses prérogatives.

 Par ailleurs, le souverain portait plusieurs titres, tels que Amîr al-Mu’minîn (Commandeur des Croyants), Halîfa (Calife), Imâm, Sultân, etc. Il était le chef suprême des forces armées, suivi hiérarchiquement par les officiels suivants :

 • Le .i.Garma;, ministre de la Défense et successeur provisoire du sultan en cas de décès de celui-ci, en attendant qu'un nouveau souverain soit désigné;

 • .i.Aqîd al-Mahâmîd;, gouverneur des .i.Arabes d'al-Mahâmîd;, des .i.Zaghawa bidayyât; et des .i.Goranes;; sorte de ministre du Commerce et des Douanes, investi de pouvoirs militaires, responsable des caravanes commerciales, de la perception des taxes d'entrée sur le territoire et des relations avec les Etats d'.i.Afrique du Nord;;

 • .i.Aqîd al-Ga‘âtina;, gouverneur des .i.Arabes ga‘âtina;, des .i.Arabes daqâqira;, des .i.Madago ;et des régions de .i.Hadjarai ;et d'.i.ad-Daqana;; sorte de ministre des Finances, secondé par plusieurs officiers, investi de pouvoirs militaires, chef de la municipalité d'.i.Abéché;, responsable du Trésor de l'Etat et de la collecte des impôts;

 • .i.Aqîd as-Salâmât;, gouverneur des .i.Arabes d'as-Salâmât;, d'une partie des .i.Arabes d'al-Mahâmîd;, des régions de .i.Darrougna ;et de .i.Darkouti;; sorte de ministre des Ressources et des Mines, investi de pouvoirs militaires, en charge de la capture des .i.esclaves ;et de l'interception des marchandises telles que l'ivoire et les plumes d'autruche;

 • .i.Aqîd Guerri; , sorte de secrétaire général, rédacteur du courrier royal, secondé par des administrateurs ayant pour chef le .i.Kam Kalak; , responsable direct des chefs de tribu suivants : Lawân, Halîfa, Sayh (pour les Arabes); Sultân, Malik, Bilâma, Imâm (pour les non Arabes). Ces chefs jouissaient de pouvoirs étendus, limités par les lois de l'Etat;

 • .i.Aqîd al-Bahr;, gouverneur des .i.tribus goranes Kréda; et des populations voisines de .i.Bahr al-Gazâl;, de .i.Moïto ;et de .i.Kanem;;

 • .i.Aqîd al-Hizâm;, gouverneur des .i.Arabes al-Hizâm; et des .i.Zaghawa ;vivant dans sa circonscription;

 • .i.Aqîd az-Zabada;, gouverneur des .i.Arabes az-Zabada; et de ceux du bassin d'.i.al-Fitrî;;

 • .i.Aqîd al-Mayâqina;, gouverneur des .i.Arabes al-mayâqina;, des .i.Misîriyya ;et des .i.Banû Halba;;

 • .i.Aqîd al-‘Alâwina,; gouverneur des .i.Arabes mîsîriyya-s-sûd;;

 • .i.Aqîd ar-Râsid;, gouverneur des .i.Arabes ar-Râsid; et d'autres tribus de la région de .i.Hadjarai;;

 • .i.Aqîd al-Muhlâya;, responsable du ravitaillement de l'armée et des .i.chevaux;;

 • .i.al-‘Aqîd Sanmalak;, responsable des portes d'entrée du palais royal, au nombre de deux : une porte, à l'est, réservée aux femmes; et une porte à l'ouest, réservée aux hommes;

 • .i.Aqîd al-Haras al-Malakî;, chef de la garde royale, responsable de son budget et de son administration.

 Outre ces hauts fonctionnaires, l'Etat disposait également d'un corps de responsables appelés .i.al-Umanâ’;, sorte d'agents de renseignements et de sécurité, en majorité des princes proches du souverain :.i.‘Aqîd as-Saoây; ou .i.Dolot;, exécutant du supplice de l'énucléation, infligé, sur ordre du sultan, aux princes séditieux ou trop ambitieux; .i.Aqîd ad-Dabâba;, gouverneur de la région du même nom; .i.Aqîd al-Batha;, responsable de cette région; .i.Aqîd as-Sabâh;, également responsable de sa région.

 En outre, il existait une assemblée consultative constituée par : les .i.ulémas;, 4 .i.Kam Kalak; appartenant à la famille régnante, en plus de .i.Aqîd al-Mahâmîd;, ‘.i.Aqîd al-Bahr,;.i.Aqîd as-Salâmât; et ‘.i.Aqîd al-Haras al-Malakî;, des ministres et de l'.i.imâm d'Abéché;.

 Enfin, entre tous les responsables susmentionnés et le souverain, il y avait un intermédiaire obligé, appelé .i.Koursi;.

 

d. La vie économique

 Le .i.royaume de Ouaddaï; s'est distingué par une .i.économie; prospère, du fait de sa place géographique avantageuse. Les .i.commerçants européens;, notamment les .i.Andalous;, y venaient par .i.Tripoli;; les .i.Africains du nord; et de l'ouest, par le .i.Sahara ;et .i.Kanem ;et ceux de l'est et du sud, par le .i.Congo Belge; et le .i.Congo Français;, en passant par .i.Baguirmi;; les .i.Arabes ;et les .i.Indiens;, par le grand .i.port de Sawâkin; (dans le .i.Soudan égyptien;), en passant par .i.Darfour;; les .i.Egyptiens;, en empruntant la voie commerciale de .i.Darb al-Arba‘în;.

 De même, .i.Abéché;, constituait une plaque tournante pour les commerçants et les pèlerins de l'.i.Afrique de l'ouest; et un lieu d'intenses échanges, tant pour l'importation que pour l'exportation. Les .i.Gallâba;, essentiellement, importaient toutes sortes de tissus de coton et de soie, le sucre, le thé, les parfums, le savon, les jouets, les récipients de cuivre, les armes, en quantité, de .i.Turquie ;via .i.Tripoli; et des lampes, dites "orientales", d'.i.Egypte;.

 Concernant les exportations, il fournissait le sel à .i.Darfour;, toutes sortes d'animaux, notamment les espèces sauvages et les fauves, l'ivoire, la plume d'autruche, les céréales et, surtout, les .i.esclaves;. Dans ce domaine, .i.Ouaddaï ;disposait de troupes spécialisées dans la capture et les premier pays importateurs étaient la .i.Libye ;et l'.i.Egypte;, ce dernier achetant annuellement près de 15000 esclaves. Il convient de souligner que ce chiffre est officiel et n'inclut pas le trafic illégal, reconnu comme plus important. Les consuls de .i.Grande-Bretagne; et de .i.France ;à .i.Tripoli ;rapportent qu'un convoi clandestin de 3000 esclaves arriva de Ouaddaï à .i.Gâlû ;(Libye) et que 1000 d'entre eux furent acheminés de là vers l'Egypte. De son côté, le consul britannique en .i.Egypte ;note que 500 .i.esclaves;, comprenant 200 femmes et provenant de Ouaddaï via .i.Koufra ;et Gâlû, furent vendus en .i.Egypte ;le 2/10/1891.

 .Ouaddaï ;était également réputé pour la confection des textiles et des cuirs, le travail de la poterie et l'extraction du fer, aussi bien du sous-sol du pays que de .i.Oumdourman ;au .i.Soudan;. Ce fer servait à fabriquer des épées, des pelles et des cuirasses dont les prix défiaient toute concurrence, notamment européenne. Dans le domaine de l'.i.agriculture;, la production comprenait une grande variété de céréales.

 e. La justice

 L'exercice de la .i.justice ;à Ouaddaï était identique à celui de .i.Kanem-Bornou; et de .i.Baguirmi;, reposant sur le .i.droit islamique;, avec, toutefois, une légère différence. Ainsi, à .i.Abéché;, le sultan lui-même pouvait dire la justice; et les juges de la capitale en faisaient naturellement autant, mais sans s'en référer à lui. Dans les autres circonscriptions, il existait deux niveaux juridictionnels : le .i.maire de village (mandjak ); ou le chef de tribu; et l'.i.aguid,; en tournée ou dans sa résidence, entouré des lettrés et des .i.faqîh ;.

 

.f. La vie socio-culturelle

 La population de .i.Ouaddaï ;était constituée de groupes différents, des points de vue linguistique et social. En revanche, l'ethnie ouaddaï strictement comprise parlait le .i.bura mabang ;. C'est avec la .i.pénétration arabo-islamique; que cet ensemble hétéroclite s'unifia et adopta la .i.langue arabe;.

La .i.culture arabe; a atteint son apogée grâce aux nombreuses écoles qui s'y trouvaient, notamment à .i.Abou Sounoun;, .i.Chacayoun;, .i.Cacha ;et .i.Cadjacar;, cette dernière étant réputée pour les .i.sciences coraniques; et religieuses. De nombreux facteurs sont à l'origine de ce développement culturel :

 - L'élément arabe était plus important à .i.Ouaddaï ;qu'à .i.Kanem-Bornou; et à .i.Baguirmi;, tant au niveau des gouverneurs que du peuple.

- Le fait qu'.i.Abéché; constituait un noeud de communications terrestres et accueillait des .i.ulémas ;et des propagateurs. Les sources écrites rapportent que des ulémas y vinrent du .i.royaume des Fung; (au .i.Soudan;) et déployèrent une intense activité. Parmi eux, figurent .i.Abû Zayd ‘Abd al-Qâdir; et .i.Abû Surûr al-Fadlî;.

- Les pays arabes voisins, tels que l'.i.Egypte;, le .i.Soudan ;et la .i.Libye;, y envoyaient, à la suite des pèlerins, des .i.ulémas;, des propagateurs. En même temps, les pèlerins d'.i.Afrique de l'ouest; y faisaient halte et, souvent, y résidaient pour s'instruire ou envoyaient leurs enfants dans ses écoles primaires. Ces derniers poursuivaient, plus tard, leurs études supérieures à .i.al-Azhar;.

- Le rôle des .i.écoles coraniques; et le bénévolat des enseignants, ainsi que le rôle des mosquées dans l'instruction.

- Les efforts de certains sultans dans ce domaine, notamment .i.‘Abd al-Karîm Mugaddid al-Islâm;, Ibrâhîm, surnommé .i.Baraka ;et .i.Dûdmurra ;qui apporta un soutien particulier à l'instruction, non seulement à l'intérieur du royaume, mais, aussi, à l'extérieur. Ainsi, en 1908, il envoya un message à un célèbre commerçant égyptien, ‘Abdallâh al-Kahhâl, lui signalant l'envoi de 16 quintaux d'ivoire et lui demandant d'en distribuer le prix aux institutions religieuses du .i.Caire ;et du .i.Higâz;; ce qui fut fait par l'intermédiaire du commerçant Mahmûd Abû Dagâga et rapporta 575 guinées égyptiennes.

- Le dynamisme des confréries des .i.Soufis;, notamment la .i.confrérie tîgâniyya;, au milieu du XIXème siècle. De fait, les .i.mystiques soufis; se passionnaient pour la poésie, mémorisant et composant les vers. Selon I. S. b. Yûnis, "la Tîgâniyya est une confrérie de science et de savoir; ses membres comptaient parmi les éminents savants, véritables références en matière d'islam et de .i.sciences islamiques; dans leur pays".

- L'appui prodigué par le commun des gens et les commerçants à ces écoles, notamment celles des mosquées du sultan et d'.i.Oum Siyyego;, à .i.Abéché;. Soulignons que cet appui ne s'est jamais démenti, y compris dans les années soixante-dix, au bénéfice de l'.i.institut de Bustân al-‘Ârifîn; et celui des enseignants et que Abéché constitue toujours un foyer culturel fréquenté par les étudiants des pays voisins.

- Le fait qu'à leur tour, le étudiants de .i.Ouaddaï ;se rendaient dans les .i.instituts islamiques; du .i.Bassin du Nil;, d'.i.al-Azhar; et d'.i.Afrique du Nord;.

 Parmi les ulémas les plus réputés du Ouaddaï de l'époque pré-coloniale, mentionnons : .i.al-Faqîh Nûr Qâdî l-Qudât;, .i.Ahmad al-Qâdî;, .i.Ahmad Lamhandî;, .i.al-Wazîr Muhammad Gamîl;, .i.‘Alî Wlad Mihaydî;, .i.al-Faqîh al-Wâlî l-Baguirmâwî;, .i.al-Faqîh Mûsä ‘Aqîd az-Zabada;, .i.‘Abd al-Haqq Muhammad as-Sanûsî at-Targamâwî;, .i.al-Wâlî Sâhib al-Gâmi‘;, .i.al-Imâm al-Gazûlî;, .i.‘Abd al-Haqq ‘Alî;, .i.Bahrâm as-Sanûsî;, .i.‘Abdallâh Abû l-Guraysî;, .i.Hâmid al-Kamrâwî; connu sous le pseudonyme de Hirrîg as-Sâm, .i.Yûsuf ‘Abd as-Salâm;, .i.Mawlûd ‘Abd as-Salâm;, etc.

 

g. La capacité militaire

 La force militaire de l'.i.Etat de Ouaddaï; est incontestable, comme en témoignent son histoire et l'organisation de son administration. S. Arslân précise que Ouaddaï "était capable d'équiper 6000 cavaliers"; 7000, selon d'autres sources, ou, encore 15000. Nous pouvons rappeler, à cet égard, que Ouaddaï envoya 20000 soldats pour aider .i.Baguirmi;, lorsque ce royaume subissait l'invasion de .i.Râbih;.

 Outre cela, les .i.sources orales; affirment que Ouaddaï avait une armée de 70000 soldats placés sous les ordres du .i.Garma;, avec autant d'effectifs commandés par les autres .i.Aqîd.; Selon S. Arslân, lors de l'appel à l'enrôlement, le moindre village de Ouaddaï fournissait un contingent de 500 hommes armés.

 Ouaddaï ;apparaît, ainsi, comme un Etat fortement strucuré et doté d'institutions complexes. Toutefois, les dissensions internes, permanentes, s'ajoutant à une série d'autres facteurs, devaient aboutir à l'entrée des .i.troupes françaises; dans la capitale .i.Abéché;. En dépit de la résistance poursuivie par .i.Dûdmurra;, cela a marqué le début de la fin pour cet Etat. Nous pouvons en dire de même, en ce qui concerne les Etats de .i.Kanem-Bornou; et de .i.Baguirmi;.

 Aussi, l'investissement des capitales respectives de ces Etats, constitue-t-il le point de départ de la .i.colonisation française;, sachant que, d'une part, la .i.présence française; en .i.Afrique ;et au Tchad lui était antérieure et que, d'autre part, les .i.Britanniques ;et les .i.Allemands;, pour ne citer que les puissances les plus significatives, se trouvaient également en Afrique et s'intéressaient déjà au Tchad.

Francité