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A PROPOS DU PROJET DE CREATION DUNE FILIERE DE THEOLOGIE MUSULMANE A STRASBOURG
En guise dexergue, rappelons une évidence : lIslam est la deuxième religion de la France, ce qui fait de ce pays comme lont affirmé certains observateurs une "puissance musulmane". · La population de confession musulmane actuellement dâge scolaire est en accroissement continu; un pourcentage prévisible de cette population recevra une formation universitaire. Dores et déjà, il existe une forte demande de ces personnes pour suivre un cursus de théologie musulmane. La faculté pressentie contribuerait très certainement à intégrer les immigrés de confession musulmane dans les valeurs de la République française, cest-à-dire dans le cadre de la véritable laïcité. · Mais noublions pas quon ne peut plus assimiler lislam en France à une religion dimmigrés, puisque les convertis de souche française sont de plus en plus nombreux : eux-mêmes et leurs enfants ont le droit détudier leur religion sans avoir à émigrer dans quelque pays musulmans. · Par ailleurs, nous pouvons attester que beaucoup d étudiants originaires de pays musulmans souhaitent accomplir ou compléter leur formation théologique en France, notamment pour y trouver un espace de réflexion que ne garantit pas toujours le régime en place chez eux. · Il existe un troisième type de public intéressé par la création dune faculté de théologie musulmane : ce sont les non-musulmans croyants ou non -, qui désirent étudier lislam dans un lieu où ils trouveraient un enseignement à la fois de haut niveau et empreint douverture et desprit critique. · Soulignons ici que la théologie moderne ne consiste pas à distiller un catéchisme, mais à proposer une réflexion scientifique sue les dogmes et les sciences religieuses. Dans Le Monde du 25/03/19989, M. Arkoun interpellait déjà en ces termes nos dirigeants : " Jen appelle aux responsables français : il faut créer un espace dexpression scientifique de lislam. Celui-ci se sent exclu. Il ne peut pas continuer à sexprimer uniquement dans la rue. ( ) Il ny a pas à lheure actuelle de voix assez autorisée pour exprimer à la fois les espérances légitimes des musulmans et les évolutions exigées par la modernité intellectuelles ". · Pourtant, les instances les plus officielles reconnaissent à présent quil est urgent de prendre à nouveau en compte la dimension religieuse et spirituelle de lhomme. LEurope est sur ce point plus avancée que la France, comme en témoigne le programme très actif financé par lUnion, ayant pour titre Donner une âme à lEurope. Le projet de la faculté de théologie musulmane sinscrit bien évidemment dans cette perspective. Notons à ce propos que lévacuation du fait religieux hors du champ universitaire constitue un particularisme française, et que notre pays devra dans ce domaine saligner sur ses partenaires. Restons dans la dimension européenne pour remarquer que le statut privilégié de Strasbourg au sein de lespace européen est à même dattirer un important effectif détudiants étrangers dans la faculté de théologie musulmane (Strasbourg vient directement après Paris pour le nombre des étudiants étrangers quelle abrite en ses murs). Les raisons du choix de Strasbourg sont suffisamment exposés ailleurs, mais rappelons que notre ville dispose à la Bibliothèque Nationale Universitaire dun CADIST de Sciences Religieuses. · Quant à lopportunité de favoriser lémergence dun islam à la française, elle apparaît immédiatement pour que lon considère lHistoire. L dogme de lislam est pour plus souple que daucuns ne limaginent, car il va à lessentiel : lUnicité divine. Se déroulant autour de cet axe, les modalités de la pratique islamique fluctuent en fonction des terroirs qui ont accueilli lislam ; doù la diversité des rites juridiques, des écoles théologiques et des voies spirituelles quenglobe lislam. De fait, le principe de la " divergence ", appliqué dans certaines sciences islamiques, témoigne du pluralisme qui a toujours traversé lislam. Celui-ci sest donc adapté aux cultures dans lesquelles il pénétrait : lislam noir nest pas lislam balkanique, ni lislam indonésien ou chinois. · En ce qui concerne lislam français, il importe quil se dégage de toute ingérence étrangère, quelle soit séoudienne, algérienne, marocaine ou autre. La France doit produire elle-même ses propres élites musulmanes, composées à la fois de Français originaires de pays musulmans et se convertis. Or, la meilleure façon dassurer à ses élites une formation islamique intelligente et sintégrant dans la laïcité républicaine consiste naturellement à leur fournir un enseignement universitaire pris en charge par lEtat. Nous avons ici le gage dune transparence souhaitée par tous les protagonistes. Linfluence de ces élites ne pourrait être bénéfique sur les diverses structures musulmanes locales (mosquées, associations ). · Cette influence devrait également sexercer sur le large public. Comme le note la revue Islam de France - dont le titre même résume notre propos -, " la communauté musulmane de France est en état de ghetto intellectuel et de sous-développement médiatique ". De 4 à 5 millions de personnes dont la moitié sont des citoyens français) voient leur culture, leurs croyances et leur spiritualité trop souvent dépréciées ou réduites à des stéréotypes par de "grands" médias ". Le projet de la faculté de théologie musulmane répond à ce besoin de faire connaître lislam réel, et non celui que sécrètent les fantasmes des uns ou des autres. · Il est bien connu, en effet, que " lhomme est ennemi de ce quil ignore ". On ne peut donc que rejeter en bloc les arguments sécuritaires invoqués à loccasion de lélaboration de ce projet. Il est temps de lever lostracisme latent ou affiché contre lislam, qui a pris la relève chez certains de lantisémitisme davant-guerre. Confondre islam et islamisme revient à confondre christianisme et inquisition, amour de la patrie et fascisme, etc. A titre dexemple, les soufis, les mystiques de lislam sont beaucoup plus nombreux en terre musulmane que les " islamistes " ; pourquoi les médias occidentaux nen parlent-ils pas, malgré le travail à la fois spirituel et social quils accomplissent dans la société, malgré la lutte quils mènent contre ces mêmes " islamistes ", malgré, enfin, leur apport à la spiritualité universelle ? Chacun peut donc se convaincre de la pertinence de la création dune faculté de théologie musulmane en France, pour peu quil soit bien intentionné et quil ne cède pas à dobscurs réflexes de fermeture sur soi.
Michel BARBOT Eric GEOFFROY Institut des études arabes et islamiques, Université des Sciences Humaines, Strasbourg Hindouisme Judaïsme Bouddhisme Christianisme Islam Histoire des Religions Sinica
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