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Motion

 

Commission scientifique de 13/06/97

 

I.

 

 

La commission scientifique de la Faculté de Théologie Protestante tient tout d’abord à souligner :

que l’existence d’une Faculté de Théologie est compatible avec le principe de laïcité entendue comme principe d’égale reconnaissance des convictions religieuses et de leur expression publique ;

que cette reconnaissance ne concerne pas inconditionnellement toutes les églises ou communautés religieuses mais celles qui elles-mêmes reconnaissent les valeurs sous-tendant la laïcité (tolérance, critique des sources des traditions et des prétentions nominatives exclusives etc).

 

La Commission observe :

que le principe d’égale reconnaissance a jusqu’à présent profité aux seuls grands courants historiques, protestant et catholique, du christianisme occidental ;

qu’aucune raison valable ne peut être opposée à son application à d’autres traditions, en particulier aux traditions musulmanes ;

que refuser d’envisager une telle application serait limiter la portée de la référence à la laïcité, la réduire à n’être que l’expression de conflits et de compromis historiques datés, la condamner du coup à des utilisations opportunistes ;

qu’un tel refus contribuerait – par refus de faire accéder groupes et traditions musulmans à l’espace public – au renforcement des processus communautaristes qu’on a quelque raison de percevoir comme un danger pour la conception républicaine de la citoyenneté.

 

La Commission tient en outre à rappeler que l’existence d’une Faculté de Théologie, à en juger à partir de l’exemple alsacien, dépend de deux conditions principales :

la reconnaissance par la puissance publique de " cultes reconnus " et d’autorités religieuses représentatives ;

la dissociation des rôles de transmission et de contrôle étroit des traditions religieuses, rôles naguère souvent confondus. La laïcité a été rendue possible par cette dissociation. En retour, elle a conféré une légitimité scientifique à l’étude, non seulement de ces traditions, mais encore des groupes qui s’en réclament.

 

A la lumière de l’expérience des Facultés de Théologies existantes, il serait donc possible d’affirmer que la création d’une Faculté de Théologie musulmane requiert :

qu’il y ait une ou des autorités musulmanes reconnues, et que celles-ci souhaitent la création d’une telle faculté de théologie (sinon, un département d’islamologie suffit) ;

que ces autorités reconnaissent que leurs traditions sont légitimement objectivables, conformément aux procédures universitaires admises, et qu’il leur est avantageux que certains de leurs membres participent à ce travail d’objectivation, en vue d’en faire bénéficier le plus grand nombre possible de leurs membres.

 

Concernant les modalités de mises en place d’une Faculté de Théologie musulmane, la Commission s’interroge sur la " faisabilité " prochaine d’un projet de filière complète, à partir d’une première années de DEUG. Elle s’interroge en particulier sur la modicité des moyens envisagés par le rapport Trocmé : ne peut-on craindre qu’une institutionnalisation trop légère ne se trouve pas facilement " déstabilisés " par différents compétiteurs ou groupes de pression ? Elle s’interroge en outre sur le choix des professeurs de théologie musulmane : ceux-ci, en l’état actuel, ne sauraient avoir été formés nulle part ailleurs qu’à l’étranger. Quelles garanties avoir quant à leur compétence universitaire, quand, sans doute, fait encore largement défaut une communauté de théologiens musulmans intégrée au champ universitaire et capable de contrôler le travail de ses membres ?

 

 

II.

 

Compte tenu de ces diverses observations et interrogations, la Commission estime :

qu’il serait plus judicieux d’envisager d’abord la mise en place d’une formation doctorale. Outre qu’on résoudrait ainsi le problème de la formation des " formateurs ", on se donnerait le temps de réfléchir à la mise en place d’un dispositif plus complet d’enseignement et de recherches.

Qu’il incombe à la Faculté de Théologie Protestate, si on le lui demande, d’apporter son concours à l’élaboration et à la mise en œuvre de tout projet ayant pour but de faire une place universitaire à la Théologie Musulmane.

 

La Commission tient à rappeler à ce propos :

que plusieurs des démarches disciplinaires et méthodologies ainsi que des enseignements préconisés par le rapport Trocmé font partie du cursus de formation des étudiants en théologie protestante ;

que l’accueil et l’encadrement d’étudiants désireux de bénéficier de nos enseignements et de participer à nos groupes de recherche ne soulève aucun problème de principe ;

que des enseignants de la Faculté de Théologie Protestante pourraient collaborer voire participer à la mise en œuvre du projet Trocmé dès lors que leur contribution aurait été définie dans le cadre d’un accord entre le Doyen de la Faculté et le Président de l’Université, ceci afin de ne pas paraître empiéter sur les compétences de nos collègues non théologiens, d’une part, et de ne pas risquer d’affaiblir inconsidérément le potentiel d’enseignement et de recherche de la Faculté de Théologie Protestante, d’autre part.

 

Gilbert Vincent, vice-doyen,

Faculté de Théologie Protestante, Strasbourg

 

Note a m. le professeur albert hamm,

Président de l’Université des sciences humaines de Strasbourg

 

A PROPOS DU RAPPORT TROCME

 

 

Monsieur le Président, cher collègue,

 

 

1. Nous tenons à vous faire savoir que nous sommes favorables, sans grave réserve quant au fond, deux propositions du Rapport Trocmé concernant la création d’un module de sciences religieuses en licence et d’un DEUG de théologie musulmane. Si certains aspects de ce Rapport ne nous semblent pas avoir été encore suffisamment instruits, notamment en ce qui concerne la seconde proposition, l’une et l’autre, bien distinctes et non nécessairement solidaires, nous paraissent égalemnt opportunes et réalisables à Strasbourg, dans le cadre de l’USHS.

 

2. En outre, les deux objectifs proposés nous paraissent avoir une certaine urgence en France, et revêtir une signification qui dépasse les frontières de notre pays. Il serait regrettable que les réticences ou objections nées de la médiation prématurée et des imperfections du Rapport, et renforcées par un légitime sentiment d’embarras voire d’incertitude devant la complexité des enjeux, n’empêchent ou ne retardent indéfiniment la réalisation de ce double projet. L’USHS laisserait alors passer une chance, selon nous.

3. L’urgence sociale, culturelle et politique, de créer un DEUG de théologie musulmane paraît encore supérieure à celle de créer un module de sciences religieuses. Ce dernier semble plus facile à lancer, mais quand bien même l’USHS ne le ferait pas, d’autres universités pourraient le faire de manière tout aussi signifiante , me^me si notre université paraît tout indiquée pour prendre initiative dans ce domaine où elle présente une exceptionnelle abondance de spécialistes. En revanche, c’est à Strasbourg que la création d’un DEUG, puis, éventuellement, d’une faculté de théologie musulmane pourrait trouver à la fois sa meilleure possibilité concrète, et son maximum de signification, en raison de l’existence, unique en France, des deux facultés de théologie d’état de l’USHS.

4. Nous souhaitons donc la création d’un DEUG de théologie musulmane à Strasbourg. Mais cela implique à nos yeux qu’il fasse sans tarder, de la part de collègues compétents de l’USHS (et d’experts extérieurs ?), l’objet d’une véritable étude de faisabilité, où seront mieux précisés son rattachement institutionnel et ses procédures de fonctionnement et de régulation, non sans reprise et développement des consultations avec les milieux musulmans.

5. La création d’un DEUG de théologie musulmane ne nous paraît pas réductible à celle d’un simple département d’islamologie. Sans minimiser l’importance des autres aspects de la culture arabo-musulmane, c’est bien d’une formation théologique qu’il s’agit, et c’est elle qui constituerait une première en Europe et aurait du sens, alors qu’une approche exclusivement scientifique, qui imposerait d’emblée aux musulmans de France des règles épistémologiques qui ne se sont dégagées que lentement dans l’épistémè occidentale, et ne sont toujours pas imposées en totalité aux facultés de théologie chrétienne, serait de moindre portée, dans la mesure où l’université française compte déjà sept département d’études arabes et d’islamologie.

6. L’opportunité de cette création ne nous paraît pas devoir se jauger uniquement ni d’abord à l’accueil que les musulmans pourront lui réserver. Se retrancher derrière leurs dissensions, voire exclure a priori cette création en arguant des éléments de l’islam les moins ouverts à une pleine reconnaissance de la laïcité républicaine et les plus négatifs à l’égard des non-musulmans, reviendrait à enfermer l’islam français dans une vision étriquée du monde moderne dont la laïcité universitaire française doit précisément l’aider à se libérer. Nous pensons qu’il l’attend. La majorité des musulmans français respectent le pacte républicain. Les risques de trouble de l’ordre public qu’une telle création entraînerait ne nous paraissent pas tels qu’il faudrait s’en inquiéter au point de renoncer à ce projet par prudence.

7. Si, comme nous le croyons souhaitable, une telle faculté de théologie musulmane devait naître, nous insisterons pour que toutes les garanties soient prises afin que son fonctionnement respecte scrupuleusement les règles qui s’appliquent à tout institut de l’université française, notamment en ce qui concerne les critères de recrutement des enseignants et d’inscription des étudiant(e)s, le financement exclusivement national de cette institut , et le contenu rigoureux et critique de l’enseignement qu’il se proposerait de délivrer et délivrera effectivement.

8. La complexité des problèmes soulevés est à la mesure des enjeux. Il y va, entre autres, d’une conception évolutive et cohérente de la laïcité. Les raisons qui ont conduit l’Etat à recréer la faculté de théologie protestante puis à la conserver en dépit des lois sur la laïcité, et, s’agissant de la faculté de théologie catholique, à reconduire le concordat passé entre l’Allemagne et le saint-Siège, ne sont pas radicalement différentes de celles qui l’invitent aujourd’hui à envisager la création d’une faculté de théologie musulmane, et, tout autant, d’une faculté de théologie juive : non plus en dépit, mais à cause même de la laïcité. Celle-ci pourrait ainsi faire la preuve qu’elle est un concept susceptible de s’adapter à la situation nouvelle de la société française.

Croyez, Monsieur le Président, à notre vive estime.

Strasbourg, le 27 mars 1997

 

F. Beospflug, G. Adler, Fr. Blanchetière, M. Deneken, Fr. Dunand, J.-G. Heintz, Y. Labbé, Ph. De Robert, J.-M. Salamito, R. Stehly.

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