Majjhima-Nikâya 6.3

" Si quelqu'un disait, ô Mâlunkyâputta: je ne veux pas mener d'existence sainte avec le Maître, aussi longtemps que le Maître ne m'aura pas expliqué, si le monde est éternel ou non etc…, cet homme mourrait, ô Mâlunkyâputta, avant que je ne lui ait tout expliqué.

C'est comme si un homme avait été blessé par une flèche fortement empoisonnée et que ses amis et parents aient demandé à un médecin de venir, et que le blessé disait: Je ne me laisserai pas extraire cette flèche, avant que je ne sache par qui j'ai été blessé: un kshatriya, un brahmane, un vaiçya ou un shûdra. Ou qu'il disait: je ne me laisserai pas extraire cette flèche, avant que je ne sache, quel prénom et quel nom de famille porte le tireur, s'il est de taille grande, petite ou moyenne…, si son visage est de couleur noire, sombre ou jaune…, s'il vient de tel ou tel village, de telle ou telle bourgade, de telle ou telle ville…, ou avant que je ne sache, si l'arc par lequel j'ai été blessé était un arc châpa ou un arc kondanda, ou avant que je ne sache si la corde de l'arc était d'origine animale ou provenait d'un bambou ou était faite de chanvre, si le bois de l'arc provenait d'une plante cultivée ou sauvage, ou s'il était décoré avec les plumes d'un vautour, d'un héron ou d'un faucon, ou s'il était entouré, ou s'il était entouré avec un tendon de bœuf, de buffle, de cerf ou de singe… ou avant que je ne sache si c'était un arc ordinaire ou pourvu d'un crochet ou si c'était une flèche en fer, si elle avait la forme d'une dent de veau ou d'une feuille de laurier-rose. Cet homme, ô Mâlunkyâputta, mourrait, avant qu'il ne sache tout cela.

Car, ô Mâlunkyâputta, la vie sainte ne dépend pas de l'opinion qu'on a de l'éternité du monde. La vie sainte ne dépend pas non plus de l'opinion qu'on a de la non-éternité du monde. Que l'on soit d'opinion que le monde est éternel ou pas, renaissance, vieillesse et mort sont choses sûres. Sûrs sont également les soucis, les plaintes, le désespoir, dont j'annonce l'anéantissement déjà dans ce monde.

C'est pourquoi, ô Mâlunkyâputta, laisse inexpliqué, ce que je n'ai pas expliqué. Et que n'ai-je pas expliqué ? Je n'ai pas expliqué si le monde était éternel ou pas…si un Tathâgata continue d'exister après la mort ou n'existe plus. Et pourquoi, ô Mâlunkyâputta, n'ai-je pas expliqué cela ? Parce que cela n'est d'aucun profit, ne conduit pas à la vie sainte, ni au renoncement au monde, ni à l'absence de passions, ni à la sérénité, ni à la connaissance salvatrice, ni à l'illumination intérieure, ni au nirvâna, c'est pourquoi je ne l'ai pas expliqué.

Et qu'ai-je expliqué, ô Mâlunkyâputta ? J'ai expliqué la douleur, l'origine de la douleur, la victoire sur la douleur, et le chemin qui mène à la victoire sur la douleur (1). Voilà ce que j'ai expliqué. Parce que cela, ô Mâlunkyâputta, est d'un grand profit, et conduit à la vie sainte, ay renoncement au monde, à l'absence de passions, à la sérénité, à la connaissance salvatrice, à  et au nirvâna. Voilà pourquoi je l'ai expliqué. C'est pourquoi, ô Mâlunkyâputta, laisse inexpliqué ce que je n'ai pas expliqué, et considère comme expliqué ce que j'ai expliqué. "

Ainsi parla le Maître, et l'honorable Mâlunkyâputta approuva avec empressement ces propos.

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