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Le rituel des funérailles (Aśvalâyana-Grhyasûtra 4.1)
Le texte ici traduit est tiré du Traité de Rituel Domestique (Grhyasûtra) de l'école Aśvalâyana (du Rig Veda). Il donne l'essentiel des rites accompagnant l'incinération du cadavre d'un homme de bonne caste. On remarquera d'une part que cette crémation est assimilée à un sacrifice, avec préparation d'une aire sacrale, installation des feux de l'agnihotra, etc. ; et d'autre part qu'elle est suivie d'une collecte des cendres que l'on enterre ensuite dans une urne placée sous un tumulus. Cette dernière pratique est extrêmement archaïque comme le sont des rites tels que celui de la veuve se couchant sur le bûcher auprès du corps de son époux, ou de l'installation auprès de celui-ci des instruments caractéristiques de son activité terrestre (l'arc d'un noble, les ustensiles rituels, etc.). Ce cérémonial (crémation, collecte des ossements, installation de l'urne dans un mausolée) est encore scrupuleusement suivi en Asie du Sud-Est, pays de civilisation indienne (surtout au Laos, au Cambodge, en Thaïlande).
(trad. Jean Varenne)
1. Préparatifs.
Lorsque quelqu'un vient de mourir, on doit choisir une pièce de terre inclinée vers le sud, ou le sud-est ; .d'aucuns disent vers le sud-ouest:
Cet emplacement doit avoir la longueur d'un homme aux bras levés, la largeur d'une toise, et la déclivité doit atteindre une aune. Il doit être ouvert dans toutes les directions, et herbu. Toutefois si des épineux ou des plantes à la sève pareille à du lait y poussent il faut les arracher. De plus l'eau ne doit pas y stagner. On coupe tous les poils du cadavre : cheveux, barbe, etc., ainsi que les ongles ; on le baigne, on le pare ; et l'on prépare de l'herbe sacrificielle, du lait caillé et du beurre fondu en quantités suffisantes. Le beurre et le caillé seront mêlés pour obtenir ce " beurre moucheté " que l'on utilise dans les oblations dédiées aux Mânes. On transporte alors les trois feux sacrificiels et les ustensiles rituels du décédé, vers le champ crématoire. Le corps suit, porté en cortège par le plus grand nombre possible d'adultes, hommes et femmes en groupes séparés. On peut aussi, selon certains, transporter le cadavre dans un char tiré par des boeufs.
Au pied gauche du cadavre ainsi porté, est attachée une vache, ou une chèvre. Si l'on choisit une chèvre, il faut qu'elle soit d'une seule couleur. Certains disent qu'elle doit être noire. La peau de cet animal femelle servira à couvrir le cadavre pendant la crémation. Les gens de la famille suivent : ils portent leur cordon sacrificiel noué autour de la taille, ont les cheveux défaits. Les plus âgés sont en avant, les plus jeunes en arrière.
2. Rites préliminaires.
Lorsque le cortège arrive au champ crématoire, celui qui se charge des rites funéraires tourne par trois fois autour de l'emplacement choisi, de la droite vers la gauche, puis il l'asperge d'eau bénite au moyen d'une branche de śamî en récitant la stance que voici :
" Ecartez-vousm ! partez ! allez-vous-en d'ici !
Les Mânes ont préparé cet endroit pour lui,
Yama lui donnera un séjour de repos
paré de jours, d'eaux et de nuits ! "
Au coin sud-est du champ crématoire, sur un tertre, on place le foyer Offertoire, au nord-ouest le Dominical, au sud-ouest le Méridional. Ensuite, l'officiant prépare entre les feux le bûcher funéraire.
Sur le bûcher on place de l'herbe sacrificielle et la peau d'une antilope noire, la fourrure vers l'extérieur, puis on y installe le corps du défunt que l'on a transporté là en passant au nord du Dominical. Le cadavre est disposé sur le bûcher couché sur le dos de façon à avoir la tête au sud, le visage tourné vers l'Offertoire. A droite du bûcher on attache la vache ou la chèvre et l'on invite la femme du défunt à se coucher près de lui sur le bûcher.
Immédiatement, le frère du défunt, ou, à défaut, un de ses élèves, ou encore un domestique âgé, invite l'épouse à se relever en récitant la stance que voici :
" Lève-toi, femme ! viens au monde des vivants !
Viens çà ! ne reste point étendue près de lui !
Te voici comme une épouse à qui son mari
saisit la main, voulant la prendre auprès de lui ! "
Si le défunt était un kshatriya on place son arc sur le bûcher auprès de lui et, de la même façon, on l'en retire immédiatement en récitant la stance que voici :
" Je prends l'arcm de la main du mort,
pour la victoire, et le prestige, et la vaillance !
Là où tu es, et nous ici,
triomphons de toute attaque, de toute embûche ! "
L'arc est alors brisé et ses morceaux sont répandus sur le bûcher.
On place ensuite sur le corps du défunt les ustensiles rituels310, de la façon que voici : dans la main droite la cuiller principale, dans la gauche la cuiller subsidiaire, à son côté droit le glaive de bois, à son côté gauche la louche de l'agnihotra ; sur sa poitrine on place la louche permanente, sur sa tête les récipients, sur ses dents les cinq pierres à presser le soma, et de chaque côté de son nez les deux petites cuillers ; sur ses deux oreilles, on place les deux plats à gâteau et sur son ventre la coupe d'argile ; sur ses organes génitaux, on place la cheville de bois et sur ses cuisses les deux morceaux de bois qui servent à allumer les feux du sacrifice ; sur ses jambes le mortier et le pilon, et sur ses pieds les deux vans. Si le défunt ne possédait qu'un seul des ustensiles qui doivent être déposés en double exemplaire, on le briserait, de façon à en avoir deux morceaux. D'autre part tous ceux des instruments déposés sur le cadavre qui présentent une cavité doivent être emplis de beurre moucheté.
Cependant le fils du défunt conservera pour lui les deux pierres de meule et ceux des ustensiles rituels qui sont faits de cuivre, de fer ou de terre cuite.
3. Sacrifice animal.
On tue alors la vache ou la chèvre et l'on en retire l'épiploon que l'on dépose sur le visage du défunt, en récitant la stance que voici :
" Revêts-toi de ceci comme d'une cuirasse ;
contre Agnim couvre-toi des graisses de la vache
de peur qu'agressif, dévorant, il ne te prenne,
Agni, le Dieu ardent, qui désire brûler ! "
On retire également de l'animal sacrifié les deux reins et on les place dans les deux mains du cadavre, le rein droit dans la main droite, le rein gauche dans la main gauche. Ce faisant, on récite la stance que voici :
" Evite les deux chiens, les fils de Saramâ
corps bigarrés, quatre yeux ! Va par le droit chemin !
va jusque chez ceux-là qui t'attendent là-bas,
les Mânes qui festoient au palais de Yama ! "
Sur le cœur du défunt on place également le cœur de l'animal sacrifié, et certains disent qu'il faut y placer aussi deux boulettes de riz.
Enfin l'on dépèce la victime et on la démembre. Chacune des portions ainsi obtenues est placée sur la portion correspondante du corps du défunt que l'on recouvre ensuite de la peau de l'animal.
Les eaux rituelles sont alors amenées cependant que l'on récite la stance que voici :
" Ne la renverse pas, Agni, cette coupe
qu'aiment les Dieux, les hommes, buveurs de soma !
Les Dieux boivent dans cette coupe ;
les immortels y puisent leur ivresse ! "
L'officiant ploie le genou gauche et offre quatre oblations dans le foyer Offertoire, en prononçant les formules que voici :
" Pour Agni, Svâhâ !
Pour Kâma, Svâhâ !
Pour le Monde, Svâhâ !
Pour Bonne-Grâce, Svâhâ ! "
Il offre ensuite une cinquième oblation qu'il verse sur la poitrine du défunt, en prononçant la formule que voici :
" En vérité, tu naquis de ceci !
De ceci maintenant tu renaîtras ! Un tel !
Dans le Monde de la Lumière ! Svâhâ ! "
4. La crémation.
Ceci fait, l'officiant donne l'ordre de raviver les trois feux tous ensemble et l'on dit que si la flamme de l'Offertoire atteint la première le corps du défunt, celui-ci atteindra le Monde de la Lumière et y prospérera, tout comme son fils prospérera ici-bas ; si la flamme du Dominical atteint la première le corps du défunt, celui-ci atteindra le Monde Intermédiaire et y prospérera, tout comme son fils prospérera ici-bas ; si la flamme du Méridional atteint la première le corps du défunt, celui-ci atteindra le Monde des Mânes et y prospérera, tout comme son fils prospérera ici-bas ; enfin si les flammes des trois feux atteignent ensemble le corps du défunt cela signifie pour lui le plus grand bonheur possible.
Cependant que le corps se consume sur le bûcher, l'officiant récite la stance que voici :
" Va ! va par les chemins anciens
que suivirent nos premiers pères !
Les rois Yama et Varuna
qui s'enivrent ici, tu les verras ! "
5. Rites conclusifs.
Lorsque le corps est consumé, l'officiant récite la stance que voici :
" Ces vivants que voici se séparent des morts !
L'offrande aux Dieux nous fut aujourd'hui bénéfique :
nous allons au-devant de la danse et des rires
étendant devant nous notre durée de vie ! "
Ceux qui assistaient à la crémation tournent ensuite autour du champ, de la droite0 vers la gauche, puis s'éloignent sans se retourner.
Lorsqu'ils arrivent à un étang, ils s'y plongent une seule fois puis en sortent et prennent de l'eau dans leurs
mains. Ils laissent couler cette eau en disant : " Un tel, de tel et tel clan, de telle et telle famille, cette eau est pour toi ! " et ce sont les noms du défunt qu'ils prononcent à ce moment. Ils changent alors de vêtements rejetant les anciens vers le nord, puis restent assis au bord de l'eau jusqu'à ce que, la nuit tombée, les étoiles, deviennent visibles. Certains disent même que l'on peut rentrer à la maison, au crépuscule, alors qu'une petite partie du disque solaire est encore visible. Rentrés chez eux, en cortège, les jeunes en avant, les plus vieux en arrière, ils touchent une pierre, le foyer, de la bouse de vache, des grains d'orge frits, du sésame, et de l'eau.
Cette nuit-là on ne doit point faire de cuisine et l'on se nourrira de mets achetés ou préparés à l'avance. De même durant trois jours on s'abstiendra de sel, et si l'on veut, l'on peut durant douze jours s'abstenir de distribuer des aumônes, et d'étudier le Veda si celui qui est décédé était le père, la mère, ou le maître.
6. Enterrement de l'urne funéraire.
Les onzième, treizième ou quinzième jours de la quinzaine sombre321 qui suit la date de la crémation on procède au rassemblement des ossements, que l'on placera dans une urne mâle322 sans marques particulières si le défunt était un homme, dans une urne femelle sans marques particulières si le défunt était une femme. Les ossements sont recueillis par des personnes âgées, en nombre auspicieux, hommes ou femmes, mais non ensemble.
L'officiant tourne par trois fois autour du champ crématoire, de droite à gauche et_l'asperge d'eau bénite au moyen d'une branche de sami, en récitant la stance que voici :
" Plante fraîche qui rafraîchis,
joyeuse qui nous réjouis,
joins-toi donc à cette grenouille !
Anime cet Agni ! "
Les os doivent être ramassés et déposés dans l'urne, sans faire de bruit, en utilisant seulement le pouce et le quatrième doigt, d'abord ceux du pied, puis, en remontant, ceux de la tête en dernier.
Lorsqu'on les a tous ramassés et lavés dans un van, on place l'urne qui les contient dans un trou fait en un lieu où les eaux ne confluent point, excepté les eaux de pluies, et l'on récite la stance que voici :
" Va sous cette Terre, ta mère
aux vastes séjours, aux bonnes faveurs !
douce comme laine à qui sut donner,
qu'elle te garde du Néant ! "
L'officiant jette alors de la terre dans le trou et le comble en répétant deux fois la stance que voici :
" Forme voûte pour luim et ne l'écrase point ;
reçois-le Terre, accueille-le !
Couvre-le d'un pan de ta robe
comme une mère protège son fils ! "
Il couvre ensuite le tertre funéraire d'un tesson, en récitant la stance que voici :
" Je soutiens la Terrew au-dessus de toi :
Plaçant ceci, puissé-je ne point te blesser !
Puissent les Mânes t'étayer de leurs piliers,
et que Yama, pour toi, construise une demeure ! "
Ceci fait, l'officiant et ceux qui assistaient à la cérémonie s'en vont, sans se retourner, se baignent et offrent, en temps voulu, un sacrifice aux Mânes.
Source:
Le Veda, ed. Jean Varenne
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