<---  Accueil de la section sur les Ecritures hindoues  Accueil du site "L'hindouisme"  ---->

 

© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg

 

Le rituel du mariage (Śânkhâyana-grhya-sûtra 1.6)

 

 

Voici le rituel du mariage selon le Traité du Rituel Domestique (grhyasûtra) de l'école Śânkhâyana du Rig-Veda.  La traduction est de Jean Varenne, dans Le Veda, ed. Jean Varenne.

Les cérémonies du mariage sont nombreuses et variées, différant beaucoup selon les écoles (et donc selon les Traités Védiques où sont consignés les rites à accomplir). Mais ces variations concernent seulement des détails, le schéma général restant le même. Les moments principaux qui " font " le mariage sont trois : 1) d'abord la demande présentée par les garçons d'honneur du fiancé aux parents de la jeune fille. Le consentement accordé est sanctionné par un rite et dès lors le mariage est virtuellement accompli (il y aurait veuvage si le fiancé mourait après les fiançailles ; aussi celles-ci précèdent-elles de quelques heures, en principe, la cérémonie nuptiale). 2) Lorsque le garçon saisit la main de la_fille c'est le mariage proprement dit (en sanskrit mariage se dit panigrahana, " prise de la main "). 3) Mais celui-ci doit comporter obligatoirement l'enlèvement processionnel, en voiture, de la jeune femme du foyer de ses parents à celui de son époux (ceci est si important que le mot le plus courant pour " mariage " est vivâha " fait d'emmener en voiture ").

On remarquera qu'aucun prêtre n'est nécessaire : c'est le fiancé qui officie pour lui-même et celle qu'il épouse. Il peut, à la rigueur, se faire aider (ou remplacer dans les récitations) par un officiant dont il paie les services, mais seulement dans la mesure où il n'est pas capable lui-même de prononcer correctement les formules védiques.

Tel qu'il est décrit ici le cérémonial reste encore utilisé, pour l'essentiel, dans l'Inde d'aujourd'hui.

 

1. Les fiançailles.

2. Préparatifs des Fiancés

3. Réception du Fiancé.

Lorsque le prétendant a été baigné et qu'il a assisté au sacrifice de bon augure, on le conduit à la demeure de sa fiancée.  

4. Oblations préliminaires.

Le fiancé cependant se rend au foyer familial et la jeune fille l'y rejoint. Se tenant derrière lui, elle pose sa main sur son épaule, et il verse trois libations en prononçant chacune des trois grandes exclamations liturgiques : " Bhur ! Bhuvas ! Svar ! " Il verse ensuite une quatrième libation en les prononçant toutes les trois ensemble. En effet, à moins qu'une prescription particulière en décide autrement, chaque fois que l'on offre un sacrifice pour la bonne Fortune il faut procéder de la sorte, avant et après le sacrifice proprement dit. Son père, ou son frère, pointant une épée sur sa tête, verse avec la cuiller sacrificielle une oblation sur la jeune fille. Celle-ci est assise, regardant vers l'est, et l'Oblateur lui fait face, tourné qu'il est vers l'ouest. Ceci s'accomplit en récitant la stance que voici :

" Règne  sur ton beau-père !

et sur ta belle-mère !

et sur ta belle-sœur !

et sur tous tes beaux-frères ! "

 

5. Rites matrimoniaux: la saptapati

Alors le prétendant saisit avec sa main droite la main droite de sa fiancée en récitant la stance que voici :

" Je prends ta main pour l'heureuse fortune !

 pour qu'avec moi, ton époux, tu vieillisses ! 

Bhaga, Savitar, Aryaman, l'Abondance te donnent à moi,

 pour que tu tiennes la maison. "

Ils restent ainsi, mains jointes, paumes en haut, lui

debout regardant l'ouest, elle assise tournée vers l'est, cependant qu'il récite à voix basse :

" Ebranle-la, Pûshan, cette femme très bonne, 

en elle les humains répandront leur semence. 

Puisse-t-elle, consentante, ouvrir ses deux cuisses *

et nous, qui voulons bien, y glisser notre membre ! "

 

" On fit d'abord tourner autour de toi

 Sûrya et tout son cortège, Agni !

 rends-la à son époux, Agni

en tant qu'épouse, et donne-lui des fils ! "

(...)

Lorsqu'il a achevé formules suivantes :

 

" Ce que tu es, moi je le suis !

 et toi tu es ce que je suis ! 

je suis le Ciel, et toi tu es la Terre ! 

je suis la Stance, et toi la Mélodie ! 

suis-moi toujours fidèlement ! 

Marions-nous ici ! 

 

Engendrons une descendance !

 Trouvons de nombreux fils ensemble,

 et qu'ils atteignent la vieillesse ! "

 

A ce moment, il emplit d'eau un nouveau récipient, en prononçant les grandes exclamations liturgiques : " Bhûr ! Bhuvas ! Svar !

(...)

La Saptapati  (=rite des sept pas autour du feu)

Enfin, au nord-est du foyer, le mari fait faire sept pas à son épouse en prononçant les formules que voici :

" Fais un pas pour la force !

deux pas pour la puissance !

trois pas pour la prospérité !

quatre pas pour la longueur de vie !

cinq pas pour le bétail !

six pas pour les saisons !

sept pas pour être mon amie ! "

Il efface alors les sept traces de pas en les aspergeant d'eau puisée dans la stheya. Ce faisant, il récite les trois stances que voici : 

" Vous, les Eaux qui réconfortez,

apportez-nous la force,

la grandeur, la joie, la vision ! "

" A votre suc très bénéfique

faites-nous part ici,

telles des mères consentantes ! "

" Oui, nous servirons celui

vers la maison de qui vous nous incitez,

vous, les Eaux, qui nous engendrez •' "

 

6. Départ des époux

Vient pour. elle le moment de quitter la maison de ses parents,  au moment de le faire, et tandis qu'elle pleure, on récite les quatre stances que voici (...)

 

7. La procession matrimoniale

L'épouse, alors, s'approche du char qui va l'emmener. Avec du beurre fondu, elle fait une onction à l'essieu, récitant la stance que voici  (...)

" Ils ont banqueté, ils se sont enivrés : pour nous

 les Dieux aimés ont secoué l'arbre d'abondance ! 

Nous chantons les Marut qui brillent par eux-mêmes,

 inspirés, d'une façon toujours nouvelle ! "  

(...)

8. Les époux arrivent à leur foyer

Enfin lorsque l'on arrive au foyer des nouveaux époux on récite les sept stances que voici :

" Heureuse ici par les enfants que tu auras

, veille en ce foyer pour ton œuvre de maîtresse ; 

mêle ton corps à celui de l'époux 

et jusqu'à la vieillesse échangez des discours ! "

 

" Enlève et donne ta tunique ! 

Partage ton bien entre tes brahmanes ! 

Telle une amulette vivante, 

l'épouse entre chez son époux."

 

"Ton corps deviendrait laid

et rayonnant le mal

si ton époux, de ta tunique,

voulait couvrir son propre membre ! 

 

Cette -femme porte bonheur : 

venez près d'elle et voyez-la ! 

Faites-lui bons cadeaux, et

retounez chez vous !

Elle est acre, crochue, pourvue d'épines, 

comme un poison, on ne peut la manger : 

le brahman seul, qui connaît Sûryâ 

mérite d'avoir la tunique !

On la coupe et on la découpe,

 on la déchire, la tunique !

 contemplez la beauté de Sûrya, 

le brahman seul les purifie !

 

Restez ici tous deux ; ne vous séparez pas ! 

et vivez, tous les deux, pleine durée de vie,

 jouant avec vos fils et vos neveux, 

vous plaisant ensemble à votre foyer ! "

Une peau de buffle, cependant a été installée devant le seuil près du feu domestique qui, pour l'occasion, a été sorti de la maison. Sur cette peau ils prennent place tous deux. La femme est derrière son mari, lui tenant l'épaule, et lui, regardant vers l'est, offre un sacrifice en récitant les formules que voici :

" Par Agni,

par celui des mondes qui est la Terre,

 par celui des Veda qui est le Rgveda, 

oui, par ce Dieu, 

je te donne la paix, Une telle ! Svâhâ ! "

 

" Par Vayu, 

par celui des mondes qui est l'Air,

par celui des Veda qui est le Yajurveda,

oui, par ce Dieu,

je te donne la paix, Une telle ! Svâhâ ! "

 

" Par Sûryâ,

par celui des mondes qui est le Ciel,

par celui des Veda qui est le Sâmaveda,

oui, par ce Dieu,

je te donne la paix, Une telle ! Svâhâ ! "

 

Par Candra,

par celui des mondes qui est les Orients,

par celui des Veda qui est le Brahmaveda

oui, par ce Dieu,

je te donne la paix, Une telle ! Svâhâ ! "

 

On peut, si l'on veut, remplacer ces formules par la suivante :

" Cette démone en toi qui tuerait ton mari, 

qui ferait ton malheur, qui tuerait ton beau-frère, 

qui tuerait celui quel qu'il soit qui t'aimerait, 

je lance ici contre elle une malédiction ! "

Mais si l'on choisit cette dernière formule il faut la répéter quatre fois : d'abord en la faisant précéder de l'exclamation " Bhûr ! " puis de " Bhuvas ! " puis de " Svar ! ", enfin des trois exclamations ensemble " Bhur ! Bhuvas ! Svar ! ". Les formules sont toujours suivies de l'exclamation " Svâhâ ! " et du nom de l'épouse " Une telle ! ".

Prenant alors un peu de beurre oblatoire il pratique une onction sur les yeux de sa femme en récitant la stance que voici :

" Aie bon œiï ! ne tue point l'époux !

Porte chance au bétail ! aie bon esprit ! sois belle !

Donne des fils ! aime les Dieux ! sois bonne !

Sois le bonheur de nos bestiaux et de nos hommes ! "

Après cela il touche le bout des cheveux de sa femme en récitant les trois stances que voici  (...):

Enfin, ce qui reste de beurre oblatoire, il le verse sur la tête de son épouse, en récitant le plus vite possible les quatre stances que voici, qu'il fait suivre de l'exclamation : " Svâhâ ! "

" Les Aśvin, médecins divins,

puissent-ils nous apporter le bonheur.

Qu'ils nous sauvent de la violence et des écueils ! "

" Qu'Agni et les Agni nous donnent le bonheur,

 que le Soleil pour nous réchauffe le bonheur, 

que le Vent vente pour nous bonheur, protection !

Sauvez-nous, Âditya, des maladies, 

 des dangers, des pensées cruelles,

 séparez-nous de la détresse ! "

Alors, ils se lèvent et le mari fait franchir le seuil à son épouse cependant que l'on récite les deux stances que voici :

" Restez ici tous deux ;

 ne vous séparez pas !

et vivez tous les deux pleine durée de vie

, jouant avec vos  fils et vos neveux,

vous plaisant ensemble à votre -foyer ! "

" Indra, Dieu généreux, que cette femme

ait, par toi, des fils et bonne fortune !

Dépose en elle, Indra, dix fils

et que l'époux lui soit comme un onzième fils ! "

 

9. Rites conclusifs

(...)

Cette nuit-là et durant les deux nuits qui suivront, c'est-à-dire durant les trois jours qui suivent le mariage, ils doivent rester chastes, ne pas dormir dans un lit mais à même le sol, ne consommer que duriz bouilli et du lait caillé et, au total, rester dix jours sans quitter leur nouveau foyer. A chaque fois qu'ils prennent riz et lait caillé ils récitent les trois stances que voici (...)

Au soir du quatrième jour le mariage est consommé après que l'époux a offert en oblation un brouet cuit dans l'écuelle d'argile servant aux rites familiaux. Les oblations, au nombre de sept plus une oblation supplémentaire dédiée à Agni Svishtakrt, sont accompagnées des sept formules que voici :

(...)

Source:

Le Veda, ed. Jean Varenne,

 

Bouddhisme  Christianisme  Hindouisme  Islam  Judaïsme    Phénoménologie religieuse  |  Islam-Occident / Dialogue islamo-chrétien  | Le yoga

 

 

Francité