Cours du 21 mars 2013



La Bhagavad-Gîtâ (suite de l'introduction)

 La mise en scène: violence et non-violence

  La BhG se déroule dans une atmosphère guerrière. Elle s'ouvre au chant I par le tableau de deux armées face à face, en ordre de bataille. On pourrait s'en étonner, parce que l'Inde est traditionnellement associée à l'idée de non-violence.

En fait, la relation de l'hindouisme à la violence est plus complexe.

La non-violence (ou plus exactement la non-nuisance, ahimsâ) est plus précisément le devoir des brahmanes, et des seuls brahmanes. Certes, cet idéal s'est étendu à l'ensemble de l'Inde à la suite de l'appropriation de l'idéal des brahmanes par des couches plus larges de la population. Mais il y a une classe, la deuxième classe, qui a, au contraire, un devoir de violence, c'est celle des kshatriya, des princes, de ceux qui détiennent le pouvoir politique.

Si l'Inde a connu très peu de conflits religieux à l'intérieur de l'hindouisme, c'est précisément à cause de cette stricte séparation des rôles: la politique aux kshatriya-s, et le rite aux brahmanes. Les brahmanes n'ont jamais détenu à aucune époque le pouvoir politique, ni ne l'ont recherché. Le seul pouvoir dont ils ont joui, c'est le pouvoir religieux.

 Les deux armées face à face sont celle des Kaurava, dirigée par Dhritrarâshtra, et celle des Pândava, dirigée par Arjuna.

 L'origine du conflit

 Le Mahâbharata raconte les hauts faits du roi Bharata (ancêtre éponyme de l'Inde, qui se dit Bhârata) et de ses descendants jusqu'aux trois fils du roi Vicitravîrya: Dhritarâshtra (D) (l'aîné), Pându et Vidura.

C'est D qui est l'aîné. C'est donc lui qui normalement aurait dû monter sur le trône. Mais il souffrait d'une grave infirmité. Il était aveugle. Et, donc, en raison de sa cécité, le pouvoir échut à son frère cadet Pându (P).

P eut 5 ou 6 fils dont Arjuna, le héros de la BhG.

D, l'aveugle, eut paradoxalement une fécondité remarquable: il eut 100 fils (les kshatriya étaient polygames !) dont Duryodhana.

Mais D n'a jamais accepté la prééminence de son jeune frère (P), et éleva ses fils dans la détermination qu'ils règneront un jour sur le monde à la place des Pândava. D tenta même d'attenter à leur vie et à celle de leur mère Prithâ ou Kuntî. Mais les complots de D furent déjoués grâce à Krishna.

Krishna tenta d'apaiser le conflit entre les K et les P. Ne pouvant éviter la bataille, il tente de la contrôler. Il ordonne à ses armées de rallier l'un des camps, tandis que lui-même ira à l'autre en tant que conseiller. Les P et Arjuna choisissent Krishna et les armées de Krishna rejoignent Duryodhana.

Il s'agit donc d'une lutte fratricide à deux niveaux: d'une part les K et les P descendent du même ancêtre, d'autre part Krishna combat contre sa propre armée. Par ailleurs, Arjuna et Krishna sont cousins.

 

Le Chant II de la Bhagavad-Gîtâ

Le chant II aborde les thèmes suivants:

1) L'immortalité de l'âme

2) La nécessité de renoncer au fruit de l'action

3) L'équanimité qui doit être recherchée par le yoga

4) Le devoir d'état ou svadharma

Immortalité de l'âme (âtman) et sa transmigration:

Ces corps ont une fin. L'âtman qui s'y incarne est éternel, indestructible, incommensurable (2.18)

Jamais l'âtman ne naît ni ne meurt. Il n'a pas été, il ne sera pas à nouveau. Lui qui est inné, nécessaire éternel, primordial, on ne le tue pas quand on tue le corps (2.20)

De même que dans un corps donné, enfance, jeunesse, vieillesse échoient en succession à une âme incorporée, de même acquiert-elle successivement d'autres corps (2.13)

A la façon d'un homme qui a rejeté des vêtements usagés et en prend d'autres, rejetant son corps usé, voyage dans d'autres qui sont neufs (2.22)

Renoncer au fruit de l'action:

Tu es commis à agir, mais non à jouir du fruit de tes actes. Ne prends jamais pour mobile le fruit de ton action: n'aie pas d'attachement non plus pour le non-agir (2.47)

Celui qui, dépris de tout, n'éprouve ni joie ni haine voilà celui qui est confirmé en Sagesse (2.57)

Equanimité et yoga:

Etabli dans ce yoga, fais ce que tu dois faire, ô Dhanamjaya, sans te permettre aucun attachement, l'âme égale dans le succès et l'insuccès. L'équanimité, voilà ce que l'on appelle le yoga (2.48)

Le svadharma

Et considère aussi ton svadharma: tu ne saurais t'en écarter en tremblant, car, pour l'homme de guerre (= le kshatriya), selon la loi sacrée de son état, il n'est pas de bien supérieur à la bataille (2.31)

La bhakti  (1): ne se soucier que de Krishna

Il faut donc maîtriser les sens, en se concentrant et en se maintenant dans la discipline du yoga et ne se soucier que de Moi (2.61)

 

Bibliographie

Traductions de la Bhagavad-Gîtâ

- trad. E. SENART, 1967

- trad. A.-M. ESNOUL et Olivier LACOMBE, coll. Sagesses 9, 1976 (avec des notes nombreuses et intéressantes)

- trad. A.C. Bhaktivedânta Swami Prabhupâda, coll. Les Grands Classiques de l'Inde, 1981 (avec un commentaire du Maître).

Etude

Surendranath Dasgupta, A History of Indian Philosophy, 1961-65