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L'Ahim ou non-nuisance, et le végétarisme

 

© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg

 

Ahim est souvent traduit par non-violence. En fait, ce terme signifie exactement non-nuisance à l'égard de tous les êtres vivants, ou respect de la vie sous toutes ses formes. La racine sanskrite est hims ("nuire") avec le privatif "a". 

L'ahimsâ est fondé sur une injonction védique : mâhimsyât sarva-bhutâni ("qu'on ne nuise à aucun être vivant" ! ).

Dans le védisme, la forme la plus ancienne de la religion hindoue, on sacrifiait parfois des animaux, mais ils passaient auparavant par un processus de divinisation et on considérait que leur âtman ("leur âme") rejoignait directement l'Absolu ou Brahman (sur ce sujet voir ici au chapitre II ). Par la suite, on ne fit plus que des offrandes végétales. Le lait était une offrande très appréciée, d'où la sacralité de ce breuvage dans l'hindouisme, la sacralité de la vache et de tous les animaux. Dans l'Inde traditionnelle, un brahmane n'était rien sans sa vache, car elle lui donnait  l'offrande aux dieux la plus aimée.

Le svadharma (le genre de vie propre)  des brahmanes (1) inclut le végétarisme, le brahmane étant appelé à mener une vie austère et absolument pure. Certains brahmanes sont non seulement végétariens, mais végétaliens, c-à-d qu'ils ne consomment aucun produit d'origine animale (oeufs etc.)

D'une manière générale, les Upanishads (1) (2) ,  déjà (à partir du 6ème s. av. notre ère), soulignent que animaux et êtres humains sont frères, puisque tous hébergent en eux l'âtman et de ce fait sont les sanctuaires du Brahman (voir ici en B1). C'est précisément parce que tous les êtres vivants sont le sanctuaire du Brahman, qu'il n'y a pas en Inde de temple du Brahman comme il y a des temples de Vichnou ou de Shiva  (voir ici  à la fin du § B 1).

Par la suite, le végétarisme s'est répandu dans les autres classes, et est devenu la norme de l'alimentation humaine en Inde.

Le maître spirituel hindou contemporain, Jiddu Krishnamurti (1895-1986) a pu dire dans un passage de son Dernier Journal:

Nous tuons si facilement, non seulement les animaux destinés à notre alimentation, mais encore ceux que nous massacrons inutilement, par divertissement — on appelle cela un sport. Tuer un cerf, parce que c'est la saison, équivaut à tuer son voisin. On tue les animaux parce que l'on a perdu contact avec la nature, avec les créatures qui vivent sur cette terre. On tue à la guerre au nom de tant d'idéologies romantiques, nationalistes ou politiques. Nous avons tué des hommes au nom de Dieu (in Dernier Journal, 1997, p. 161).

Le bouddhisme a développé une notion semblable à partir de la notion de maitrî, ou bienveillance qu'il s'agit d'avoir à l'égard de tout être vivant ( voir ici, sous "décision correcte", deuxième branche du chemin octuple).

Le jaïnisme (religion indienne fondée par un contemporain du Bouddha, Mahâvîra)  insiste tout particulièrement sur la non-nuisance. Les moines jaïns se reconnaissent au masque qu'ils portent sur la bouche pour éviter d'avaler des insectes, et au balai qui  sert à leur ouvrir le chemin sans écraser d'insecte  (sur la crainte de nuire à des insectes dans l'hindouisme, voir ici  au § "pourquoi sacrifier").

La notion d'ahim a été reprise en Europe notamment par Albert Schweitzer (1875-1965) sous le terme allemand d' Ehrfurcht vor dem Leben ("respect impérieux de la vie"): 

" L’homme n'est éthique que lorsque la vie en elle-même, aussi bien celle des plantes que celle des animaux lui est sacrée, comme celle des hommes, et lorsqu'il se dévoue pour porter aide à une vie qui est en danger ". 

Voir aussi: Gandhi, Krishnamurti  Violence et non-violence dans la Bhagavad-Gîtâ

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Bibliographie générale de l'hindouisme

Introduction: L'unité de l'hindouisme les croyances fondamentales, Chronologie. Autour de la notion de brahman  

Les Ecritures: Le Veda  (hymne à Agni, hymne cosmogonique,   l'Ascète), Les Upanishads (Brihadâranyaka-Upanishad, Katha-up, Maitry-up, Shvetâshvatara-up  Yogatattva-up) 

La Bhagavad-Gîtâ: la problématique, violence et non-violence, le message, chant 2, chant 4, Krishna Vichnou 

La divinité: Dieu et les dieux,   le Brahman, Vichnou (Krishna), ShivaAgni

Notions védiques fondamentales: les quatre classes, les quatre buts de la vie, les quatre étapes de la vie, les  3 naissancesla quadruple dette   les cinq grands sacrifices quotidiens  | L' agnihotraLe rta ou dharma | L'ahim (non-violence) et le végétarisme

Ascèse et renoncement:   Le renoncement (samnyâsa), le tapas (ascétisme), le prânâyama (rétention du souffle)

Le maître dans les Upanishads

La création du monde  Les périodes cosmiques  La réincarnation 

 Les systèmes philosophico-religieux ou Darshanas: le sâmkhya, le yoga, le vedânta (le Kevala-advaïta ou non-dualisme absolu,  Shankara, Râmânuja et le non dualisme qualifié)

Le rituel:    la samdhyâ, la pûjâ, la journée d'un brahmane, les cinq grands sacrifuces quotidiens, la crémation, les sacrements

Grands maîtres contemporains: Shrî Râmakrishna, Shrî Aurobindo, Krishnamurti, Gandhi

Le temple

La Mahâ Kumbh Melâ

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