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La religion arabe traditionnelle 

 

© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université de Strasbourg

 

Il s'agissait d'un polythéisme, ou plutôt d'un hénothéisme (du grec "hen"= "un", par opposition à "monos" = "un seul") au niveau de chaque tribu, dans ce sens que chaque tribu avait une divinité particulière, différente de la divinité de la tribu voisine. Cependant les statuettes représentant ces divinités semblent avoir été rassemblées au sanctuaire central de l'Arabie, la Ka'ba, ce qui est le signe d'une certaine unité.

Pierres et arbres sacrés

Comme dans toute l'aire sémitique, on utilisait des pierres cultuelles (ar. nasb, pl. ansâb, hébreu: massebôt, cf. Gen. 35.14). Ce sont des pierres dressées, sur lesquelles on versait le sang des victimes immolées aux divinités.

Le "culte" des arbres sacrés ne différait guère de celui pratiqué un millénaire auparavant en terre de Canaan (cf. chêne de Mamré). Attention: on n'adorait pas les arbres en eux-mêmes, mais la Force qui se manifeste en eux. Un arbre dans le désert est un miracle perpétuel, presque une hiérophanie. De nos jours encore en terre d'islam, certains arbres sont considérés comme la demeure des walî-s ("saints") dans la religion populaire.

Les arbres et les animaux du haram (zone sacrée autour des temples) étaient considérés comme sacrés, donc comme intouchables.

 Divinités

Selon la Tradition islamique (Bukhârî, Sahîh 64.48.7), il y avait 360 statuettes représentant autant de divinités au moment où il reconquit La Mecque en 630.

Ba'l ("seigneur, maître du lieu") était le nom générique donné par Sémites de l'Ouest (= "Baal" dans la Tora) aux divinités locales, surtout dans les milieux agraires. Cité dans Coran 37.125 à propos d'Elie.

Les divinités mentionnées dans le Coran sont:

en Coran 71.23: Wadd, Suwâ', Yagûth, Ya'ûq, Nasr,

en Coran 53.19-20: Manât, al-Lât, 'Uzzä

Wadd avait son sanctuaire à Dumat al-Djandal. C'est la forme arabe d'Adad, dont le nom est attesté en Mésopotamie, dès l'époque pré-sargonique (- 2450). Cette divinité était représentée ainsi selon Ibn al-Kalbî: "c'était une statue d'homme dont la taille était des plus grandes; on y avait sculpté deux vêtements, l'un enveloppant la statue, l'autre suspendue aux épaules. Il était ceint d'une épée et portait un arc sur l'épaule; il tenait entre les mains une courte lance, surmontée d'un étendard, et un carquois contenant des flèches"

Suwâ' était la divinité des Hudhaylites. Le nom vient de la racine arabe sw', qui signifie "être lâché et paître librement". C'était donc particulièrement la divinité protectrice des animaux égarés.

Yaghûth était la divinité des Madhhidj. Le nom est l'inaccompli du verbe ghâtha ("donner la pluie, venir au secours"). L'ancienneté de ce nom est attestée dans la Genèse, où il désigne l'un des fils d'Esaü, ancêtre des Edomites. Gen 36.5,14,18, I Chr 1.35, sous la forme de Ye'ûsh. Yagûth était représenté sous la forme d'un lion.

Ya'ûq est l'inaccompli de la racine 'wq ("retenir"). C'était la divinité qui retenait ou rassemblait l'eau de pluie, pour la distribuer ensuite où elle voulait. Représentée peut-être sous la forme d'un cheval.

Nasr était la divinité des Himyarites. Peut-être représentée sous la forme d'un vautour.

Les divinités de La Mecque

Elles sont citées en Coran 53.19-20. Ce sont toutes des déesses, à part Allâh.

Manât (ou al-Manât): était à l'origine la divinité des 'Aws et des Khazridj, puis elle est devenue pan-arabe.

Une autre forme de ce nom est conservé en Esaïe 65.11: Menî.

Il s'agit de la racine sémitique mnw ou mny qui signifie "compter, partager, compter les jours de la vie", d'où l'arabe maniyya ('la mort") et minä ("sperme"). On trouve la même racine avec le lême sens en Daniel 5.25: mené' mené' téqèl u parsîn (phrase araméene signifiant: "compté, compté, pesé, divisé").

C'était la déesse de la Fortune.

'Uzzä (ou al-'Uzzä) était la déesse des Qoréicdh, la tribu de Mohammed. Son temple se trouvait près de La Mecque, près de trois grands acacias sacrés. Il y avait un oracle et une pierre creuse (ghabghab) recueillait le sang des victimes immolées. Un haram, zone sacrée, l'entourait. C'est une racine sémitique que l'on retrouve dans l'hébreu 'oz ("la force"). C'était une déesse de la fécondité.

Al-Lât était peut-être le féminin d'Allâh. C'était une divinité pan-arabe, adorée à La Mecque, Tâ'if, à Pétra, à al-Hîra, à Alep et à Pamyre.

Allâh est la contraction d'al-ilâh ("le dieu"). Dans ilâh, âh est un suffixe. Le terme originel est donc Il qui correspond à l'hébreu El, lequel désigne aussi la divinité. La racine est 'wl ou 'yl qui connote l'idée de primauté en sémitique. Cf. l'arabe awwal ("premier") et l'hébreu ayil (="bélier", celui qui dirige le troupeau"). Comme le français "dieu" (avec une minuscule !), c'était un terme générique qui pouvait s'appliquer à toute divinité invoquée. Les différents dieux n'étaient en général pas invoquées sous leur nom particulier, mais par le terme générique d'Allâh. On disait donc souvent, par exemple, quand on s'adressait à al-'Uzzä: ô Allâh !, et non ô al-'Uzzä, comme en latin on pouvait dire : o deus ("ô dieu !") pour s'adresser à Jupiter.

( Sur Allâh dans la théologie islamique voir ici.)

 Au 6ème siècle de notre ère, il y avait déjà en Arabie une situation nettement hénothéiste qui tendait à un monothéisme.

Ainsi les trois déesses al-Uzzä, al-Manât, et al-Lât étaient séjà considérées comme subordonnées à Allâh. Elles étaient considérées comme les filles d'Allâh.

Les sanctuaires

Le sanctuaire principal était déjà la Ka'ba, ce qui signifie "cube" en arabe, car elle est de forme cubique.

C'est un sanctuaire très ancien, dont on ne peut donner une datation précise, situé au cœur du Hédjaz à la jonction des routes caravanières, sur une colline, dans un environnement rocheux. Elle a l'architecture typique des temples sémitiques: cella carrée (comme le Saint des Saints du Temple de Jérusalem), orientée sur l'axe des points cardinaux, parvis rectangulaire bordé de galeries, avec pierre sacrée (la Pierre Noire) à l'angle irakien (sud-est), déambulatoire (le matâf), une source sacrée (le source de Zemzem), avec une zone sacrée (le haram). Elle comprend un mur semi-circulaire (le hidjr); au nord-ouest. L'ensemble est orienté vers le nord-ouest, c-à-d Jérusalem. Déjà avant l'islam, elle était recouverte d'une kiswa, un drap noir, tendant à lui donner son aspect primitif de tente (cf. l'Arche de l'Alliance qui était aussi abritée sous une tente).

Selon Ibn al-Athîr (Kâmil 2.192) et Bukhârî, Sahîh 64.48.7), il y avait 360 statuettes à l'intérieur. Selon Ibn Sa'd, il y avait également des fresques (probablement sur les piliers) représentant Hubal, la divinité tutélaire de La Mecque, confondue avec Abraham, Marie, mère de Jésus portant son enfant sur les genoux (une espèce de Pietà), des anges et des prophètes.

Il y avait déjà aussi un pèlerinage, très ancien, organisé dans sa dernière forme par 'Amr ben Luhayy. Ce pèlerinage s'appelait déjà le hajj. Le mot arabe est issu d'une racina sémitique signifiant "tourner autour", que l'on retrouve aussi en hébreu et en araméen; c'est l'hébreu hag ("fête").

D'après la mythologie arabe, La Mecque est le nombril de la terre et l'endroit à partir duquel elle a été étendue en cercles concentriques. La Ka'ba occupe l'emplacement, sur lequel Dieu avait fait dresser une tente pour Adam, lorsqu'il fut chassé du Paradis. L'édification du sanctuaire est attribuée soit à Adam, soit à Abraham. Le Coran (2.127) en affirme l'origine abrahamique.

Pour aller plus loin: 

Toufic Fahd, Le panthéon de l'Arabie centrale à la veille de l'hégire, 1968

 

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