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La parabole du mauvais jardinier (v. 32-44) de la sourate 18

© Ralph Stehly, Professeur d’histoire des religions, Université de Strasbourg  

 

Parabole se dit en arabe mathal, ce qui correspond à l'hébreu mashal.

La parabole des jardins (encore appelée parabole du mauvais jardinier) dont le propriétaire est fier et qui ensuite sont détruits est présente dès la première période mecquoise: 68.17-32.

Il y a de nombreuses paraboles dans le Coran dont la plupart sont très brèves.

En 43.56: parabole des Egyptiens et du Pharaon qui se noient en poursuivant les juifs. Au verset suivant (43.57) il est dit que Jésus est un exemple (mathal).

2.264: l'Homme est à la ressemblance d'un rocher couvert de terre

16.112-113: parabole de la Cité Perverse

36.13-32: parabole des citadins impies

16.75-76: parabole du serviteur

22.73: parabole des mouches

29.41: parabole de l'araignée

36.78-82: parabole des ossements

 

Texte de la parabole du mauvais jardinier (trad. Denise Masson)

32  Propose leur la parabole de deux hommes: nous avions donné, à l'un d'entre eux, deux jardins de vignes que nous avions ensuite entourés de palmier et séparés par des champs cultivés. 

33. Les deux jardins donnaient leur récolte, sans que rien n'y manquât et nous avions fait jaillir un ruisseau entre les deux jardins

34. Un des hommes récolta des fruits; il dit à son compagnon avec lequel il conversait: « Je suis plus riche que toi et plus puissant aussi, grâce à mon clan ».

35. Coupable envers lui-même, il entra dans son jardin et il dit: « Je ne pense pas que ceci périsse jamais;

36. je ne pense pas que l'Heure se dresse; et si je suis ramené vers mon Seigneur, je ne trouverai rien en échange, qui soit préférable à ce jardin »

37. Son compagnon avec qui il conversait lui dit: « Serais-tu ingrat envers celui qui t'a créé de poussière, puis d'une goutte de sperme, et qui, ensuite, t'a donné forme humaine ?

 38. Mais lui, il est Dieu, mon Seigneur ! Je n'associe personne à mon Seigneur.

 39. Si tu avais dit en entrant dans ton jardin: « Telle est la volonté de Dieu ! Il n'y a de puissance qu'en Dieu !... ». Si tu me vois moins pourvu que toi en biens et en enfants,

40. mon Seigneur me donnera peut-être bientôt quelque chose de meilleur que ton jardin contre lequel il enverra les foudres du ciel. Ton jardin deviendra alors un sol dénudé,

 41. ou bien encore, l'eau qui l'arrose disparaîtra dans la terre et tu ne pourras plus la retrouver ». 

42. Sa récolte fut ravagée et le lendemain matin, il se tordait les mains en songeant aux dépenses qu'il avait faites: les treillis qui soutenaient les vignes étaient détruits. Il dit: « Malheur à moi ! Je n'aurais jamais dû associer personne à mon Seigneur ! » . 

43. Aucun parti ne le secourut contre Dieu et il ne fut pas secouru.

 44. La protection, en pareil cas, ne dépend que de Dieu, la Vérité: c'est lui qui est le meilleur pour récompenser et pour donner une fin à toute chose.

 

Dans cette parabole , la pensée avance aussi par une série d'oppositions, certaines assez subtiles.

A. Il s'agit de deux hommes dont l'un a deux vignes.

B. L'un des hommes (v. 34-36) tient un discours où il se vante de sa richesse et où il NIE la doctrine de la résurrection et de la sanction dernière des actes par Dieu, et le caractère périssable des choses de ce monde.

A ce discours s'oppose en un crescendo fort subtil celui de son interlocuteur.

a) discours au degré 2: c'est la pure confession de foi du verset 38

b) discours au degré 1: c'est aussi une confession de foi (cette fois envers le Dieu créateur), mais teinté d'un reproche (v. 37)

     c) discours au degré 0: c'est la confession de foi négative des versets 39 et 40 où le bon jardinier suggère à son vis-à-vis ce qu'il aurait fallu dire.

Le châtiment immédiat en ce monde est décrit aux v. 41 à 44. L'opposé, la récompense immédiate du jardinier reconnaissant, reste IMPLICITE. De même que le corollaire, le châtiment différé de l'ingrat (qui est suggéré brièvement dans le passage précédent et qui sera abondamment décrit dans la parabole suivante).

La parabole du mauvais jardinier est l'une des plus longues du Coran. Elle traite du thème du châtiment immédiat de l'impie, défini comme celui qui ne réfère pas l'origine de sa richesse à Dieu (" qui est ingrat ", v. 34), celui qui ne voit pas la deuxième dimension de son existence, celle de la transcendance.

Ce qui est vilipendé ici, c'est l'aplatissement de l'existence au seul horizon humain. L'enjeu symbolique dans le Coran, c'est le dépassement d'un horizon borné, vers un dépassement perpétuel de tout ce qu'offre la Vie immédiate (arabe dunyâ " la vie de ce bas-monde ").

L'incroyance, c'est aussi mettre l'homme (" le clan ", v. 34), là où il faudrait mettre Dieu, c'est refuser de voir la dimension transcendante de l'existence humaine.

v. 35 " coupable envers lui-même " ou " injuste envers lui-même ", dans la mesure où le mauvais jardinier attire sur lui le châtiment divin, ici le châtiment immédiat, donc il se fait du tort à lui-même.

V. 36  " je ne pense pas que …. " est le discours que le Coran met dans la bouche des incroyants et des polythéistes confondus. Ils pensent en effet que les biens terrestres sont éternels. C'est un discours ambigu, puisqu'il admet l'existence d'un Seigneur, mais non celui de la dimension eschatologique de l'existence. 

   v. 37: la polémique porte comme souvent sur la procréation et sur le lien que le Coran établit entre la première création et la résurrection à la fin des temps. Cf. 32.7-9, 23.12-14, 22.5, 40.67, 35.11, 75.35-40, 55.45, 86.5-7, 82.7, 87.2. C'est Dieu qui nous a créés à travers la procréation, nous ne sommes que des instruments entre les mains de Dieu. C'est Dieu qui est créateur y compris dans la procréation. La procréation est une création par procuration, et c'est Dieu qui nous donne cette procuration.

     v. 38: confession de foi qui insiste sur l'unité de Dieu. Associer quelqu'un à Dieu dans le processus créateur, ne pas croire en la résurrection, ne pas voir Dieu à l'oeuvre dans la vie est donc considéré implicitement comme de l'associationnisme, shirk, c-à-d du polythéisme. La foi a contrario, c'est donc ne voir personne d'autre à l'oeuvre dans la création que Dieu (sur la notion de Dieu créateur dans l'islam voir ici et ici). 

    v. 40  " Quelque chose de meilleur " en ce monde ou dans l'autre monde, est probablement une allusion au Jardin par excellence, c-à-d le Paradis. Il y a donc opposition entre le Jardin pérenne et le jardin de ce monde qui peut être, de par la volonté de Dieu, un bien éphémère. 

    v. 42: " Je n'aurai dû associer personne à mon Seigneur ". L'attitude du mauvais jardinier est donc considérée comme de l'associationnisme. Associer mentalement l'oeuvre de l'homme à l'oeuvre de Dieu là où il ne convient de voir que l'oeuvre de Dieu, telle est donc la définition implicite du polythéisme dans le Coran. Être monothéiste, c'est par voie de conséquence voir Dieu et Dieu seul à l'oeuvre dans la vie et dans l'histoire.    ------>

 

Sources:

Traductions du Coran

1) en français: Denise Masson (coll. Folio), Régis Blachère (préférer l'édition de 1949 avec classement des sourates par ordre chronologique) , Hamidullah, Jacques Berque, Sami Aldeeb (sourates par ordre chronologique)

2) en allemand: Rudi Paret (Kohlhammer)

Commentaires du Coran en langue arabe:

Commentaire du Coran par Tabarî

Commentaire du Coran par Râzî

  Site de la fondation Âl al-Bayt  (Jordanie)  sur les sciences coraniques: http://www.altafsir.com (nombreux commentaires classiques)

Commentaires du Coran (en langues européenne)

Le Coran, trad. H. BOUBAKEUR (comporte un commentaire)

Der Koran, Übersetzung von Rudi PARET, Kommentar und Konkordanz, Kohlhammer, Stuttgart

Muhammad ASAD, The Message of the Qur'ân, translated and explained by, Dubai, 2003

Maurice GLOTON, Une approche du Coran par la grammaire et le lexique, 2500 versets traduits- lexique coranique complet, Albouraq, Beyrouth, 2002

 

 

 

 

 

 
 

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