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Ralph StehlyUn traité d'éthique islamique: le Kitâb al-Kabâ'ir de Shams al-dîn al-Dhahabî  

Chapitre troisième: Les fautes graves contre les fondements de la religion (usûl ad-dîn)

 

 

5. - Mentir contre Dieu et Son Envoyé

Insulter un des compagnons du Prophète

Offenser les walî-s de Dieu

a - Le fondement scripturaire du mensonge contre. Dieu et Son Envoyé invoqué par Dhahabî est Coran 39, 61/60 ;

"Au jour de la Résurrection, tu verras ceux qui ont créé un mensonge contre Dieu, le visage enténébré".

Mais que faut-il entendre par mensonge contre Dieu ? Hasan comprend sous le terme de menteurs ceux qui disent ; "Si nous le voulons, nous le faisons ; si nous ne le voulons pas, nous ne le faisons pas", récusant ainsi le Décret. Indubitablement, ajoute Dhahabî, le mensonge contre Dieu et son Envoyé consiste dans le fait de rendre licite ce qui est interdit et d'interdire ce qui est licite. C'est une impiété sans nom.

***

Nous retrouvons donc ici a la base de cette kabîra, la même raison qui a conduit Dhahabî à classer les fautes précédentes parmi les kabâ'ir  le mensonge contre Dieu et Son Envoyé, autrement dit, ne pas reconnaître la validité des limites entre le licite et l'illicite telles qu'elles sont définies dans Sa Parole, est une atteinte aux décisions prises par Dieu sans aucune justification dans Sa souveraine liberté.

La définition est assez restrictive. D'autres, comme Ibn Battâ ' , ont donné à l'expression une portée plus générale: inventer des mensonges contre Dieu, c'est le faire par le détour d'une exégèse rationnelle et allégorique du Coran.

Dhahabî parle de kidhb. Le mot le plus généralement employé est sabb (insulte). L'insulte contre Dieu est impiété, sans conteste possible. Ibn Qudâma l'affirme sans ambiguïté :

"Quiconque insulte Dieu le Très-Haut est coupable d'impiété qu'il plaisante ou soit sérieux. Il en est de même pour quiconque se moque de Dieu le Très-Haut, de Ses signes , de Ses Envoyés ou de Ses Livres [...]. Il ne suffit pas pour celui qui se moque ainsi de revenir à l'Islam, il doit être puni de ta'zîr dans un but de dissuasion. Si la repentance ne suffit pas pour celui qui insulte le Prophète, a fortiori ne suffit-elle pas pour qui insulte Dieu".

 

Dans son Précis , Ibn Qudâma dit de même: "Qui [. . .] traite Dieu de menteur menteur ou l'insulte, [...} est un apostat".

L'apostat, comme on le sait, est puni de mort s'il ne répond pas positivement à l'invitation à la résipiscence 3 fois répétée.

Quant au tributaire qui insulte le Prophète, son insulte est effacée par sa conversion à l'Islam:

"Calomnier (qadhf) le Prophète , calomnier sa mère, c'est apostasier l'Islam, sortir de sa communauté. De même l'insulter (sabb) sans le calomnier. Tout cela est effacé par la conversion à l'Islam, parce que l'insulte de Dieu le Très-Haut tombe sous l'effet de l'acceptation de l'Islam. Il en est de même, a fortiori, pour l'insulte a 1'encontre du Prophète . On trouve en effet chez al-Athram la chose suivante: Dieu le Très-Haut a dit: "Un fils d'Homme M'a Insulté (shatama) alors qu'il ne convient pas qu'il M'insulte. Son insulte a consisté dans les paroles suivantes : "J'ai choisi un fils (3). Je suis pourtant l'Unique, 1'Impénétrable, Je n'engendre pas et Je ne suis pas engendré". (4) Il n'y a pas de divergence que la conversion à l'Islam du chrétien qui a proféré de telles paroles effacera sa faute""

b - Aucune citation coranique n'ouvre évidemment le chapitre sur l'Insulte a l'encontre des Compagnons. Ce sont deux hadîth tirés de Bukhârî qui en tiennent lieu:

"qui est hostile à un mien Ami (walî), Je lui déclare la guerre"

et

"N'insultez pas mes compagnons car, par Celui qui tient mon âme dans Sa main, si l'un d'entre eux dépensait en or la hauteur du mont Uhud, il n'atteindrait pas un mudd [de leurs mérites] , même pas la moitié"

 

Quiconque médit (ta'ana) d'eux ou les insulte (sabba) est sorti de la Religion et s'est écarté de la Communauté. En insultant les Compagnons, les médisants ne font certes qu'attaquer le chaînon intermédiaire de la Tradition, mais quiconque attaque ce chaînon attaque le fondement. Mépriser le transmetteur (nâqil), c'est mépriser la tradition transmise (manqûl). Cela est clair pour quiconque y réfléchit et est exempt d'hypocrisie (nifâq), de zandaqa et d'hérésie (ilhâd). D'ailleurs, selon un hadîth cité par Tabarânî, quiconque insulte les Compagnons est soumis à la malédiction de Dieu, des anges et de tous les hommes. Il ne sera rien agréé de lui. Autrement dit, son péché équivaut à l'impiété. Dhahabî ne prononce cependant pas le mot. Il ne précise pas non plus quelle peine appliquer. Mais l'on sait que l'insulte à l'encontre des Compagnons a toujours été sévèrement interdite. Ibn Hanbal demanda l'intervention du pouvoir politique pour châtier les auteurs de ce délit. Mutawakkil, en 241, avait fait mettre à mort par flagellation un musulman accusé d'avoir insulté Abû Bakr, 'Umar, 'Â'isha et Hafsa.

Cette faute doit à tout prix être évitée. Le meilleur

moyen est de s'abstenir de commentaires quand on mentionne les (2) Compagnons. Mais tout autant que d'éviter d'insulter les Compagnons, il convient de les aimer. Car "qui les aime, je les aime de mon amour" . Il s'agit d'aimer Dieu, son Prophète, ceux qui ont accompli ses ordres, ceux qui ont accepté sa guidance, qui ont agi selon sa Sunna, sa famille (âl), ses compagnons, ses épouses, ses enfants, ses serviteurs, d'aimer ceux qu'il a aimés et de haïr ceux qu'il a haï. Le lien le plus fort de la foi (awthaq 'urwa 1-imân), c'est d'aimer ce que Dieu aime et de détester ce que Dieu déteste. Il s'agit bien entendu d'aimer surtout les quatre califes orthodoxes :

 

"qui aime Abu Bakr a dressé le phare de la religion, qui aime "Umar illumine le chemin, qui aime "Utmân emprunte la lumière de Dieu, qui aime 'Alî s'est saisi du lien ferme et qui dit le bien au sujet des compagnons du Prophète est exempt de toute hypocrisie" (1)

( 2 )

Les plus excellents des Compagnons, ce sont les Dix

et parmi les Dix Abû Bakr as-Siddîq, 'Umar b. al Khattâb, 'Uthmân b. 'Affân,'Alî b. Abî Tâlib. (3) Quiconque émet un doute à ce sujet est un innovateur, un affreux hypocrite. Ce sont là les 4 califes bien dirigés (râshidûn). Dieu n'a-t-il pas révélé au sujet d'Abû Bakr le verset 40 de la sourate 9:

"Alors qu'ils étaient tous deux dans la grotte"

___________

Notes en construction

  1. Cf. H. LAOUST, Profession, p= 166.
  2. Mujfnî VIII 150.

.

  1. P. 269-270.
  2. Mugnî VIII, 233. Sur cette question voir Abdel Magid Turki, S_I, 1969, n° 30, p. 39-72.
  3. On remarque la polémique anti-chrétienne.
  4. Allusion à Coran 112.
  5. Sur les mérites des Compagnons selon Dahabî, voir ch. I, et son Mîzân.

 

  1. LAOUST, Profession, p. 24 n° 1 ; renvoie aussi à Ibn Katîr, Bidâyaf X 323-324.
  2. Hadit d'Ibn Mas"ûd.
  3. Hadît, de "Abd M lâh b* Mugfil.

 

1

  1. Citation d'Ayyûb as-Sahtiyânî (tâbfï rru 131/760)0
  2. Ce sont les 'asara al-mubassara, les dix compagnons du Prophète auxquels le Paradis est promise Différentes listes existent. Elles incluent toutes Abu Bakr, "Utmân, "Alî, Talha, Zubayr, "Abd ar-Rahmân b. "Awf, Sa*d b= Abî Waqqâs et Sa"îd b. Zayd. Dans certaines traditions, Muhammad est placé en tête de ces neuf personnages (Ahmad b.*HanbaX 1-f 187 et 188 bis). Dans d'autres, Muhammad est absent et la dixième place est occupée par Abu '"Ubayda b. al-Garrâh (Tirmidî, Manâqib,bâb 25 ; Ibn Sa*d III 1, 279 j Ahmad b* Hanbal I 193).
  3. Cette énumération est évidemment dirigée contre les partisans de "Alî qui 1'élevèrent à un rang supérieur au-dessus de ses compagnons. Certains allèrent même jusqu'à considérer Abu Bakr, "Umar et "Utmân comme des usurpateurs. L'ordre est -I*ordre historique^