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Ralph StehlyUn traité d'éthique islamique: le Kitâb al-Kabâ'ir de Shams al-dîn al-Dhahabî  

Chapitre troisième: Les fautes graves contre les fondements de la religion (usûl ad-dîn)

 

Puisque la foi est aussi dire, Dhahabî cite toute une série d'expressions considérées comme impiété. 

En voici quelques exemples:

"Si Dieu m'ordonnait, de faire cela, je ne le ferai pas", "Si la qibla était dans telle direction, je ne prierais pas dans cette direction", "S'Il me punissait à ce propos (2) par la maladie ou l'adversité, Il m'opprimerait", "Si quelqu'un était prophète, je ne croirais pas en lui", "Je ne crains pas la résurrection".

Ou encore dire du muezzin, au moment de l'appel à la prière, qu'il ment, ou souhaiter que Dieu n'ait pas interdit la fornication, l'homicide ou l'impiété. De même, c'est de l'impiété pour un maître que de dire "Les juifs sont, meilleurs que les musulmans parce qu'ils donnent des maîtres à leurs fils", ou encore dire "Les chrétiens sont meilleurs que les dualistes (majûsî)".

La ruse est un autre aspect de l'omnipotence divine.

Dieu agit souverainement envers Ses créatures. Il n'a donc de compte à rendre qu'à Lui-même. La voie de la ruse est une voie de Son action. Les relations entre Créateur et créatures peuvent s'établir sur ce mode. Méconnaître cet aspect, c'est ne pas avoir intériorisé entièrement la rubûhiyya, l'absolue souveraineté de Dieu

Le fondement scripturaire est Coran 6, 44 ;

"Quand ils eurent oublié ce qui leur avait été rappelé, Nous ouvrîmes sur eux les portes de toutes choses. Quand enfin ils furent dans la joie de ce qui leur avait été donné, Nous les emportâmes brusquement et voici qu'ils furent désespérés".

La ruse fait partie de l'action de Dieu dans le monde. Sa première victime fut, dans la prééternité, Iblîs. Selon un hadîth, Gabriel et Michaël se mirent alors a pleurer. Dieu leur dit alors : "pourquoi pleurez-vous ?" Ils répondirent : "Seigneur, nous ne nous sentons pas à l'abri de Ta ruse". Dieu leur rétorqua : "Soyez ainsi, ne vous fiez pas à Ma ruse ! Le Prophète avait pleinement conscience de cet aspect de l'Unique. Ne s'adressa-t-il pas ainsi a Dieu :

"Toi qui chambardes les coeurs [...], les coeurs sont entre les doigts du Clément, il les chambarde comme II l'entend".

Même une vie pieuse ne met pas à l'abri d'une mauvaise fin. Car les actes ne valent que par leur conclusion. Ainsi Dieu retira-t-il à Balaam la foi après lui avoir retiré la science et la connaissance.

Barsîsa, l'ascète, mourut même impie. Dieu, en effet, peut perturber la volonté de l'homme.

C'est dans ce sens que Mudjâhid interprète Coran 8/24: Dieu s'interpose entre l'homme et sa raison, de sorte qu'il ne saura pas ce que font les bouts de ses doigts. 

Tabarî interprète (6) dans le même sens Coran 50, 36/37 s . Dieu tient entre ses mains les coeurs des créatures. Il s'interpose entre les hommes et leurs coeurs, s'il le désire, en sorte que l'homme ne sache rien d'autre que la volonté de Dieu. Toutes les bonnes actions de l'homme, ajoute Dhahabî, sa foi par exemple, ne sont pas une acquisition (kasb) de l'homme, mais une création (khalq) de Dieu.

Ghazâlî présente les choses quelque peu différemment

de Dahabî. Il place la sécurité illusoire devant la ruse de Dieu dans l'optique plus générale des deux défauts qui peuvent affecter le coeur du croyant % l'excès de crainte et l'excès d'espérance. Par conséquent, le sage sera, selon un hadîth de 'Alî, celui qui ne fait ni désespérer les gens de la miséricorde de Dieu, ni ne leur donne une sécurité illusoire devant la ruse de Dieu. Des deux excès, c'est, le premier qui est le moins probable. C'est donc surtout la crainte de Dieu qu'il faut insuffler dans le coeur des hommes de ce temps. Même les prophètes en étaient habités. Les bienfaits de Dieu à leur égard ne les incitaient qu'à être plus sur leurs gardes devant le déploiement toujours possible de la ruse de Dieu.

 

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Notes en construction

 

  1. Voir § 5.
  2. A propos de la négligence de la prière.
  3. Aro al^-amn min makri Llâh f faute grave n° 63, p. 224-=227, Sur la ruse de Dieu, voir Ihyâ' IV 143 et 164..

  1. Hadît_ d'Anas b. Mâlik.
  2. Coran 7, 174/175.
  3. Sur Barsîsa^voir El T 1'86-1087.
  4. Mugâhid'hl Gabr, tâbi"î, de La Mecque (21/642-104/7 22).
  5. "Sachez que Dieu s'interpose entre l'Homme et son coeur".
  6. "En vérité, il y a une Edification pour qui a un coeur".

 

 

  1. Dahabî rejette ici la théorie as'arite du "kasb" qui, pourtant, n'implique pas que les actes humains soient créés par l'homme lui-même. Le kasb n'est que ce par quoi l'acte est légalement imputé à l'homme, sans qu'il en soit le créateur. Cf. le point de vue de FiqhAkbar II art. 6 ; "Ail the acts of raan - his moving as well as his resting - are truly his own acquisition, but Allah créâtes them and they are caused by His will, His knowledge, His décision, His decree". (trad. WENSINCK).
  2. Loc. cit.
  3. Ar. al-kidjb'ala Llâhi wa-rasûlihi ; faute grave nc 14, p. 69-70,
  4. Ar. Sabb ahad mina s-sahâba ; faute grave n° 70, p. 233-237.
  5. Ar. adyat awliyâ'i Llâh j faute grave nc 64, p. 226-227.

De cette faute le Kitâb al-kabâ'ir ne mentionne que le titre dans l'index. Seule la fin du texte nous est conservé. Il n'est cependant pas d'une longueur suffisante pour permettre une analyse circonstanciée.