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Ralph StehlyUn traité d'éthique islamique: le Kitâb al-Kabâ'ir de Shams al-dîn al-Dhahabî  

Chapître quatrième: les fautes graves concernant le rituel (les 'ibâdât)

 

2. Refus de l'aumône légale (zakât) منع الزكاة(1)

Dhahabî cite comme fondement scripturaire Coran 3.175-176/180 (2),  41. 5/6-7 (3), 9.34-35 (4) et 63.10 (5).

Les hadîths qu'il invoque insistent -c'est une composante générale du Kitâb al-kabâ'ir - sur les châtiments divins qu'encourant les réfractaires au paiement de l'aumône. Ainsi, les possesseurs d'or, d'argent, de camélidés, de bovins, d'ovins, qui ne se seront pas acquittés ici-bas de l'aumône rôtiront dans le feu de la Géhenne pendant une journée qui durera 50 000 ans avant que Dieu ne décide de leur sort. La punition par le feu du front, des flancs et du dos des réfractaires, telle qu'elle est annoncée en Coran 9, 35 est expliquée ainsi . C'est que le riche avare, à la vue d'un pauvre, renfrogne son front, l'évite de son flanc et s'il est trop près de lui, il lui tourne le dos. La loi du talion est donc étendue au Jour du Jugement. Cependant, dès à présent, les réfractaires risquent d'attirer sur eux le châtiment divin : Dieu les prive de pluie (6) . Pis, ils sont à considérer considérer comme des impies (7).

Dhahabî précise également quelques données légales ;

* le minimum d'imposition est de 200 dirhams,

* l'aumône est également due sur les marchandises (8).

En ce qui concerne le caractère obligatoire (wadjib) et le minimum d'imposition, Dhahabî ne fait qu'exposer les résultats du consensus des Docteurs. Mais qu'en est-il du statut des réfractaires ? Sont-ils universellement considérés comme des impies, selon l'expression du hadîth d'Ibn 'Abbâs ?

Le recours à Ibn Qudâma (9) nous sera sur ce sujet encore une fois précieux. Le jurisconsulte hanbalite professe que les réfractaires au paiement de l'aumône sont à considérer comme impies uniquement dans le cas précis où ils en nient le caractère obligatoire. Le statut de l'apostat leur est alors appliqué: on leur demande par trois fois de venir à résipiscence. S'ils ne le font pas, la peine de mort doit être appliquée. Cependant si le réfractaire est quelqu'un qui ignore le caractère obligatoire de la zakât, il faut d'abord l'en informer. Dans le cas où le réfractaire se contente de ne pas s'acquitter de l'aumône, sans en nier le bien fondé, l'imam la percevra par contrainte et lui appliquera le ta'zîr. Il en percevra exactement le montant sans majoration selon Abû Hanifa, Mâlik et Shâfi'î (10).

Le minimum d'imposition est bien de 200 dirhams selon 1'idjmâ. Pour l'or, le minimum est de 20 mithqâl (11) , équivalant à une valeur de 200 dirhams .

Quant à la zakât sur les marchandises, elle est préconisée par tous les fuqahâ' -sauf Mâlik et Dâwud  (12) - après écoulement,d'une année. L'imposition se fait sur la valeur de la marchandise, non sur les marchandises elles-mêmes.

Dhahabî fait allusion à la zakât sur le bétail, mais ne mentionne guère celle sur les produits de la terre (grains, fruits) ni celle sur les bijoux, les minéraux, les loyers.  La raison en est claire : le Kitâb al-kabâ'ir ne se veut pas un manuel complet de fiqh ; ce que l'auteur désire, c'est mettre en relief le lien entre les fautes et la destinée eschatologique du coupable.

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(1) Ar. man' mina z-zakât faute grave n° 5, p. 32-37.

Sur la zakât voir tous les recueils de traditions et manuels de fiqh au chapitre zakât et sadaqa. Et Umm I 188 s, Ihyâ' 4.175,  Hâshiya 1.270, Zawâdjir 1.168, Ahkâm 380 (476-477), Mughnî II 572 s, Précis 51 s, Minhâdj 29,  Fath I 102 s, E.I. art. zakât.

(2)"Que ceux qui sont avares de la faveur que Dieu leur a accordée ne considèrent pas cela comme un tien pour eux. C'est au contraire un mal. Au jour de la Résurrection, ils recevront autour du cou ce dont ils auront été avares".

(3) "Malheur aux Associateurs qui ne font point l'aumône ..."

 (4) "O vous qui croyez ! en vérité beaucoup de docteurs [juifs} et de moines mangent certes les biens des gens, au nom du Faux, et écartent du Chemin de Dieu. A ceux qui thésaurisent l'or et l'argent et ne font point dépense dans le Chemin de Dieu, fais gracieuse annonce d'un tourment cruel, au jour où ces métaux seront portés à incandescence'dans le feu de la Géhenne, [où] par eux seront marqués leurs fronts, leurs flancs et leurs dos, [où il leur sera crié]; "Voici ce que vous thésaurisiez. Goûtez ce que vous thésaurisiez "

(5) "Faites dépense en aumône sur ce que Nous vous avons attribué, avant que la mort vienne frapper chacun de vous et avant qu'il' s'écrie : "Seigneur ! que ne me reportes-Tu pas à un terme prochain en sorte que j'aumône [sic ] et sois parmi les Saints ".

(6) hadîth d'Ibn 'Abbâs in Mundhirî. 

(7) Hadîth d'Ibn 'Abbâs in Ibn Kathîr. 

(8) Sans autres précisions.

 (9) Mughnî II, 57 2-57 3.

(10) La position de Mâwardî (loc. cit.) est similaire: " Le non-versement de la zakât n'entraîne pas la mort ; elle est prélevée de force sur ses biens, et il reçoit un châtiment discrétionnaire, s'il la tient cachée sans motif plausible. Quand son opposition en rend le prélèvement impossible,on recourt à la force des armes, la violence dût-elle provoquer sa mort, pour assurer le respect de la loi. Ce fut ainsi  qu'Aboû Bakr eç-Çiddîk combattit ceux qui se refusaient à payer cet impôt".

(11) Pour Hasan, le minimum est de 40 mithqâl.

(12) Qui se fondent sur le hadîth suivant : "Je vous ai dispensé de la sadaqa sur les chevaux et les esclaves". Dâwud (né en 200/815 ou 202/817 à Kûfa et mort en 270/884 à Bagdad), fondateur de l'école zâhirite. Il étudia à Basra, Bagdad et Nîsâbûr.  Il  s'établit à Bagdad. Sa doctrine est caractérisée par l'importance accordée au sens littéral du Coran et par le rejet du qiyâs et du taqlîd (cf. F. SEZGIN, Geschichte, I 521).