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Ralph Stehly

Un traité d'éthique islamique: le Kitâb al-Kabâ'ir de Shams ad-dîn al-Dhahabî (2)

Chapitre premier

Shams ad-dîn adh-Dhahabî: Quelques données sur sa vie et son oeuvre

 

La vie de Shams ad-dîn adh-Dhahabî

       [vie de Bukhârî, voir ici]

           Peu de détails nous sont connus sur la vie de Dhahabî. C'est surtout par son élève, 'Abd al-Wahhâb as-Subkî (1), qui nous a laissé, dans ses Tabaqat al-shâfi'iyya al-kubrà une longue notice (2) sur son maître et quelques notules éparses que nous pouvons reconstituer quelques traits de son existence.

Shams ad-dîn Abu 'Abd Allâh Muhammad b. Ahmad b. 'Uthman b. Qaymâz b. 'Abd Allâh at-Turkmânî al-Fâriqî (3) ad-Dimashqî al-Shâfi'î al-Dhahabî est né à Damas le 1er ou le 3 Rabî' II 673, soit le 5 ou le 7 octobre 1274.  Comme sa nisba l'indique, son ascendance était turque. 

 

Sa formation

            A 18 ans, selon Subkî et Suyutî, il commence l'étude du hadîth.

Abû Zakariyâ' b. as-Sayrafî, Ibn Abî 1-Khayr, al-Qutb b, Abî 'Asrûn et al-Qâsim b. al-Irbilî lui donnèrent l'idjâza.

Il mena la vie itinérante de celui qui cherche la science auprès des meilleurs maîtres de son époque. Il en eut, dit-on, 1300.

Après Damas où il fut l'élève notamment de 'Umar b. al-Qawwâs, d'Ahmad b. Hibat Allâh b. 'Asâkir et de Yûsuf b. Ahmad al-Qamûlî, il se rendit à Ba'labakk pour suivre l'enseignement de 'Âbd al-Khâliq b. 'Ulwan et de Zaynab bint 'Umar b. al-Kindî. 

Au Caire, il étudia, notamment sous la direction d'al-Abarquhî, 'Isa b. al-Mu'min b.  Shihâb Abû Muhammad ad-Dimyâtî (4), Shaykh al-Islâm b. Daqîq al-'Îd (5)  et du hâfiz Abû 1-'Abbâs b. az-Zâhirî. 

A Alexandrie, ce furent Abû-1-Hasan 'Alî b. Ahmad al-'Irâqî et Abû 1-Hasan Yahyà b. Ahmad as-Sawwaf qui furent ses maîtres.

 A la Mecque, Tûzârî,   à Alep, Sanqar az-Zaynî et à Naplouse al-'Imâd b. Badrân.  

Quant aux sept lectures coraniques, il en fut instruit par Abû 'Abd Allâh b. Djibrîl al-Misrî. 

 

Son enseignement et son oeuvre

        Il enseigna le hadith à la madrasa Umm Sâlih (6)  à Damas mais ne put succéder comme il l'aurait souhaité à Yûsuf al-Mizzî (m. 742/1341) à la madrasa Ashrafiyya, ne remplissant pas les conditions que son fondateur avait stipulées quant au madhhab du candidat.

 Il mourut dans la nuit du dimanche au lundi 3 Dû 1-Qa'da7 48, soit le 3 février 1348, chez lui à la madrasa Umm Sâlih.

 Subkî décrit ainsi ses derniers instants (7) :

"Mon père  (que Dieu ait miséricorde de lui !) [Taqî dîn as-Subkî] le vit avant l'heure de la prière du couchant (maghrib), alors qu'il était à l'agonie.

-Comment te trouves-tu ? lui dit-il

- A l'agonie,  répondit-il. Puis il demanda si l'heure de la prière du couchant était arrivée. Mon père lui dit :

-N'aurais-tu pas accompli la prière de l'après-midi ('asr) ?

"Si, rétorqua-t-il, mais je ne me suis pas encore acquitté de celle du couchant.

Et il demanda à mon père (que Dieu ait miséricorde de lui !) [la permission] de conjoindre les prières du couchant et de la nuit ('ishâ'). Celui-ci lui donna à ce sujet une réponse canonique. Il fit ainsi et mourut après la prière de la nuit, avant le milieu de la nuit. Il fut enterré au cimetière de la Porte Mineure (al-bâb as-saghîr)".
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Selon le témoignage unanime des biographes, il compta parmi les plus grands traditionnistes de son époque avec Mizzî (8) , Barzalî (9)  et Taqî d-dîn as-Subkî, peut-être même le plus grand puisqu'on le surnomma muhaddith al-'asr (le traditionniste de l'Epoque) et khatâm al-huffâz (sceau des hâfiz).

Subkî, comme tout disciple bien-aimé -son père Taqî d-dîn as-Subkî, était l'ami intime de Dhahabî- décrit en termes dithyrambiques le prestige de son maître:

"Son nom suivait une trajectoire comme celle du soleil; mais lui ne se voilait ni quand tombait la pluie, ni quand venait la nuit. De tout le pays, on venait à lui et de toutes parts les questions l'appelaient... Il était une gloire dont on s'enorgueillissait et un ornement dont se parait ce bas-monde". (10)

"Il travaillait (ta'iba) d'arrache-pied, jour et nuit, mais ni sa langue, ni sa plume ne se lassaient (ta'iba)" (11).

Sa science en traditions semblait éminente, puisque Ibn Hadjar al-'Asqalânî a pu dire de lui :

"J'ai bu l'eau de Zamzam pour atteindre le niveau de Dhahabî en matière de traditions".

Selon Salâh ad-dîn as-Safadî : 

"Il n'avait rien de la rigidité des traditionnistes ou de la stupidité des historiens ; au contraire, il était un juriste d'esprit (faqîh an-nafs) et était exercé dans les opinions des gens" ---->

 

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(1) Cf. SUBKÎ, Tabaqât al-shâfi'iyya al-kubrà, 6 vol., Le Caire,1905, I,  p. 197 et 253, III,  p. 261, V, p. 216-226

KUTUBÎ,  Fawât al-wafayât,  2.vol., Le Caire, 1951, II, p. 370-72, n° 391.

'UMAR IBN AL-WARDÎ, Ta'rîkh,  2 vol., Le Caire, 1285, II, p.349.

MUHAMMAD IBN 'ALÎ AL-HUSAYNÎ, Dhayl tadhkirat al-huffâz li l-Dhahabî, Damas, 1347, p. 34-38

ABU L-FIDÂ, Al-mukhtasar fî ta'rîkh al-bashar, 4 vol., Istanbul, 1286, IV, p. 155.

MUHAMMAD b. IYÂS AL-HANAFÎ, Badâ'i' az-zuhûr fi waqâ'i' ad-duhûr, Bulaq, 1298, p. 21

SIR AD-DÎN Al-SHÂFI'Î, Ar-radd al-wâfir, Le Caire, 1329, p.19.

SUYÛTÎ, Dhayl tadhkirat huffâz li-dh-Dhahabî, Damas. 1347, p. 347-349.

C. BROCKELMANN, Geschichte der Arabischen Literatur, 5 vol. ,Leyde, 1937-1949, II, p. 46-45, supplément II, p. 45-47.

G. SARTON, Introduction to the History of Science, 3 vol, Baltimore, 1947-8, III, p. 963-968.

J. DE SOMOGYI, The Ta'rîkh al-Islam of adh-Dhahabî, J.R.A.S, 1932, p. 815-855,

Id., Ein Arabisches Compendium der Weltgeschichte, das Kitâb Duwal al-Islam des ad-Dahabî, Islamica, 1932, p. 334-53.

Id., Ignace Goldziher Memorial, Budapest, 1948, I, p. 353-386

F. WUESTENFELD, Die Geschichtsschreiber der Araber, 2 vol, Gottingen, 1882, n° 410.

F. ROSENTHAL, A History of Muslim Historiography, Leyde,1952, p. 129-130

El, 2ème édition , art. Dhahabî, II, p. 221-222.

 (2) Tabaqât V 216-226.

(3) C'est-à-dire tirant ses origines de la localité de Mâyâfâriqîn.

(4) Ad-Dimyâtî, jurisconsulte shâfi'ite, né en 613 et mort soudainement en 7 05 h.. Se fixa à Alexandrie, après un séjour à Dimyât. Cf  Tadhkirat al-Huffâz, IV 268

(5) Ibn Daqîq al-'Îd, né en 625/1227-8 près de Yâni' au Hedjâz, cf Tadhkirat al-Huffâz, IV 272 s.  

       (6)     Suyûti p. 347 s.

      (7) Subkî V 217.

(8)  Djamâl ad-dîn Abu 1-Hadjdjâdj al-Mizzî, né en 654/1256 à Alep,  passa son enfance à Mizza, près de Damas, se consacra d'abord à l'étude du fiqh, puis au hadîth et dirigea pendant 23  ans la madrasa Ashrafiyya à Damas, où il mourut en 742/1341.

(9) Al-Qâsim b. Muhammad b. Yusuf  b. Muhammad al-Barzâlî, hâfiz et historien de Damas, né en 665/1266- et mort pendant le pèlerinage en 739/1339.

10) V 217.

(11) V 216-217.