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 Sur la voie du renoncement

© Julien Petit

    

   "C'est pourquoi, guerrier aux grands bras, celui dont les sens sont retenus de toutes parts loin des objets sensibles, il est confirmé en sagesse" (Bhagavad-Gitâ, II, 68)

 Confrontée à la politique indienne comme à la situation internationale très troublée, la pratique non-violente de Gandhi est mise en œuvre en premier lieu dans les différentes communautés fondées en Afrique du sud et en Inde. Dans un texte de 1909, Gandhi exprime ce qui peut être tenu pour la vocation des ashrams : "Le salut de l'Inde est d'oublier tout ce qu'elle a appris en cinquante ans [...] ; les membres des classes supérieures doivent apprendre à mener dans la piété et l'honnêteté la vie simple du paysan. Ils reconnaîtront que seul cette vie rend vraiment heureux" (cité par A. Schweitzer, p176-177). Après la ferme de Phoenix (1904), viennent en 1910 la ferme Tolstoï, puis en Inde, en 1915, l'ashram du Satyâgraha à Sabarmati, qui réunit en 1918. L'objectif de ces lieux de vie communautaire, héritiers d'une forte tradition indienne, est la réalisation d'une vie simple, centrée sur le travail des champs, et visant à une auto-suffisance.Conformément à la conception traditionelle de l'ashram, ceux-là sont fondés sur l'enseignement spirituel du maître : mais sans doute se distinguent-il en ce qu'ils sont très ouverts sur l'extérieur, et étroitement impliqués dans la situation politique : leur vocation est véritablement de figurer un modèle de développement pour l'Inde indépendante, en réaction à l'acculturation, l'occidentalisation consécutive à la présence anglaise. Ils furent en bonne part des lieux d'éducation et de formation à la discipline exigée par l'action collective ; de nombreuses expériences religieuses

De Gandhi leur sont attachées.

 Le végétarisme

La famille de Gandhi le pratiquait déjà strictement, mais le végétarisme devient pour celui-ci une conviction en Angleterre, après de sérieux doutes et difficultés. L'absence de viande dans l'alimentation fait l'objet d'une observance stricte, complétée progressivement par de nombreuses autres expériences alimentaires visant à atteindre un contrôle permanent sur les sens, en même temps que l'hygiène de vie la plus simple. Le respect du vœu fait sur l'un ou l'autre aliment peut aller jusqu'au refus de celui-ci même sur prescription médicale. Car hygiène et spiritualité vont de paire : "Lorsque chacun des organes des sens fait soumission au corps, et par lui à l'âme, les voluptés particulières qu'il procure s'évanouissent et c'est alors seulement qu'il commence à accomplir sa fonction, conformément aux intentions de la nature" (Ibid., p. 408).

Le jeûne

Là encore, les expériences commencent en Angleterre, mais c'est en Afrique du Sud que Gandhi prend conscience, au début de la lutte politique (1906), de sa dimension religieuse qui résonne comme une aspiration très forte ; son attention se porte à ce moment à "consacrer le plus de temps possible à la luttes pour le Satyâgraha et à la préparation qu'elle exigeait, c'est-à-dire au culte de la pureté" (Autob., p. 406). Sa pratique régulière du jeûne, total ou partiel, commence alors.

Les premiers jeûnes sont des jeûnes de purification, préparation indispensable à toute action publique. Plus tard, en Inde, chaque nouvel élan de désobéissance civile est précédé par un jour de jeûne et prière. Le jeûne est aussi pénitentiel : ainsi en 1913, suite à une faute commise par deux enfants de l'ashram, et afin qu'ils en comprennent la gravité, Gandhi, qui s'estime responsable de leurs agissements, s'inflige à lui-même une punition : il jeûne pendant toute une semaine (Ibid., p435). Sur le rôle rédempteur de la souffrance, il cite l'Evangile de Jean : "Pour que les blés poussent, il faut que le grain meurt" (L.J.I., p?).

Le jeûne cependant ne pénêtre de manière visible le champ politique qu'à partir de 1918, en Inde. En l'espace de quinze ans, il en entreprend plus d'une quinzaine, dont plusieurs sont des jeûnes illimités, c'est-à-dire jusqu'à la mort, dont l'issue est remise à une décision politique. Progressivement la purification laisse la place à une méthode de contrainte efficace, Gandhi étant parfaitement conscient de l'influence qu'il exerce sur le peuple indien comme sur les autorités anglaises et le parti du Congrés. Pourtant jeûner reste un acte purificatoire, dans la mesure où ils sont un appel à déposer les armes et à réintégrer une démarche non-violente, sinon à simplement déposer les armes : à l'image des deux derniers jeûnes pratiqués en 1947 et 1948 au paroxysme des massacres Hindous-Musulmans.

Sexualité et vie conjugale

Un des vœux les plus importants de Gandhi fut celui d'abstinence sexuelle (Brahmacharya), qu'il prononça à l'âge de 37 ans, après 24 années de vie conjugale. Il le vit intérieurement comme une libération face aux efforts consentis pour acquérir un mince contrôle de soi dans le domaine de la sexualité. Car la parole donnée devant Dieu lie intégralement, et permet une plus grande simplicité d'esprit. A ce moment les Zoulous se révoltent, Gandhi s'engage comme ambulancier dans le conflit qui s'engage, ce qui joue un rôle décisif dans sa conscience d'homme marié : "l'idée m'illumina soudain que si je devais me vouer au service de la communauté, je devais abjurer tout désir d'avoir des enfants et de m'enrichir, et mener la vie d'un Vanaprastha - de l'homme qui s'abstrait des soucis d'un foyer " (Autob., p 258). C'est parce qu'une telle vocation demande une grande maîtrise de soi que le vœu apparaît si fondamental : il s'agit en effet d'une expérience corporelle totale, "contrôle des sens, tant en paroles qu'en acte" (Ibid., p263). Plus encore, en lui "réside la protection du corps, de l'intelligence et de l'âme" ; il est le chemin incontournable permettant d'atteindre le Brahman, être éternel et principe de vie ; l'idéal auquel le Brahmachari aspire, le Vanaprastha, ermite solitaire voué à sa relation à Dieu, se concrétisa d'une certaine manière pour Gandhi à la fin de sa vie, lorsqu'il parcourt les routes de son vaste pays pour arracher, village après village, des promesses de paix entre les communautés. Il n'existe pas de meilleur service à rendre à l'Inde naissante que de l'encourager à la concorde, par conséquent pas de meilleur engagement individuel que le Brahmacharya qui libère de passions possessives jouant contre la Vérité.

Hygiène et travail

L'hygiène est un souci constant de Gandhi, de l'Afrique du Sud où il connaît une épidémie de peste, à l'Inde, où il ne manque pas de fustiger sans concessions la saleté et la puanteur des hindous. Cela commence en 1899, quand, face au préjugé racial et à toutes les représentations caricaturales sur lesquelles il repose, il pense avant tout à opposer une exemplarité des hindous en matière d'hygiène, alors même que ceux-ci vivent dans des conditions pénibles. Sans une responsabilité exercée vis-à-vis de lui-même, il est impossible que le peuple indien soit prêt à l'indépendance : il convient donc de remédier avant son acquisition à ce que cette responsabilité soit la plus grande possible. Telle est l'idée avancée par Gandhi, qui la défend jusqu'à l'entêtement.

La ferme de Phoenix, fondée en 1904, était un lieu "où chacun devait travailler dur, gagner sa vie à tarif égal pour tous" (Autob., p380). Le travail n'a de sens que s'il est adapté à l'homme ; Gandhi entretient une méfiance raisonnée à l'égard du rôle et de la prépondérance de la machine dans la production. Aussi consacre-t-il une grande partie de son énergie à développer le filage à la main, activité saine par la concentration qu'elle exige, comme par ces conséquences économiques, le filage permettant aux indiens de laisser les vêtements occidentaux au profit du traditionnel Khadi (robe de tissu blanc en coton). Mais le travail est encore celui des champs, autre pilier de l'ashram, qui rend possible une autonomie alimentaire de la communauté.

Voir: Le renoncement dans les textes ancienx

 

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