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Ralph Stehly

Un traité d'éthique islamique: le Kitâb al-Kabâ'ir de Shams ad-dîn al-Dhahabî (8)

Chapitre deuxième:

Quelques points de repère sur l'élaboration de la doctrine  des fautes graves dans le sunnisme

(nombre et définition)

 

b) Les recueils de traditions limitent le nombre de fautes graves à sept. Les commentateurs coraniques citent également des listes septipartites, dont le contenu est quelquefois sensiblement différente.  Ainsi Tafsîr V 24 omet-il la magie et la remplace-t-il par le retour au paganisme arabe (ta'arrub ba'da l-higra)(1) . Cependant, souvent ces listes sont plus importantes.

Le chiffre neuf est atteint avec un hadît cité par Tabarî (2) qui ajoute à la liste standard les pratiques illicites à la Mosquée Sacrée (ilhâd fî l~masdjid al-harâm) (3)  et l'impiété envers ses père et mère. Le chiffre onze est atteint avec un hadît d' Ibn Mas'ûd (4):

 -  associationnisme (ishrâk bi-Llâh)

Toutes ces listes sont des listes juridiques. Des listes incluant des fautes "théologiques", issues probablement de milieux soufis, apparaissent dans les commentaires coraniques. Celles-ci concernent une fausse conception du tawhîd et donnent au concept de kabîra une coloration plus islamique. Ainsi Tabarî dénombre-t-il les fautes graves comme suit en Tafsîr V 29 ;

- désespérer de l'aide de Dieu (al-iyâs min rawhi Llâh)
" désespérer de la miséricoirde de Dieu (al-qunût min
rahmati Llâh)

- se sentir à l'abri de la ruse de Dieu (al-amn min makri Llâh)

L'agencement (nombre et ordre des fautes) est donc fort varié. Par contre le matériel utilisé -la dénomination des fautes- est fort restreint. On ne compte en tout et pour tout que seize fautes différentes pour une si grande variété de listes. Ce sont % 1'associationnisme, désespérer de l'aide de Dieu, désespérer de la miséricorde de Dieu, se sentir à l'abri de la ruse de Dieu, impiété à 1°égard des père et mère, faux témoignage, faux serment, fornication, homicide, magie, usure, détournement des biens de l'orphelin, fuite au combat, calomnie,apostasie, désacralisation du harâm. De ces fautes, Dhahabî en reprendra treize dans son Kitâb al-kabâ'ir.

 

B.   hadîth-s numériques

Toute une série de hadît se contente, sans en donner le détail, de signaler des nombres fort élevés de fautes graves de l'ordre de soixante-dix ou sept cents. Ainsi le fameux hadîth de Ibn 'Abbâs (absent des grands recueils classiques ! ) cité par Dahabî 

"Leur nombre est plus proche de soixante-dix que de sept"

souvent présenté dans la version suivante où sept cents remplace soixante-dix.

"Leur nombre est plus proche de sept cents que de sept".

 Baydâwî signale que ce chiffre inclut toutes les nuances possibles d'associationnisme.

 Une autre façon de déterminer de façon précise le nombre des fautes, graves, c'est celle évoquée par Tabarî, (2)  Ibn al-Djawzî (3) et Makkî 4): les kabâ'ir ce sont toutes les fautes énumérées dans la Sourate des Femmes

jusqu'au verset 35/31.

 

Les tentatives de définitions

Les tentatives de définition de la faute grave sont inexistantes dans les recueils de traditions. Ceux-ci s'en tiennent à un dénombrement précis sans essai de définition sous-jacente" Elles font leur apparition dans les grands commentaires coraniques:

"Tout ce que Dieu a interdit (nahà) est faute grave".

"Toute chose en laquelle on désobéit ('asà) à Dieu est faute grave""

"Toute faute (dhanb) que Dieu a scellée du Feu, de la Colère, de la Malédiction ou du châtiment""

"Tout acte mauvais (mûjiba) cité dans le Coran est faute grave"         ----------->

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(1)  Zâd II 62 s a une formulation légèrement différente:  inqilâb ilà a'râbiyya ba'da hidjra.

(2) Tafsir V 24

  1. La même faute est mentionné en d'autres termes par deux hadîth-s l'un de 'Ubayd b. 'Amr (Zadt comm. sur Coran 4, 31):  istihlâl al-bayt al-harâm qiblatikum ahyâ'an wa-amwâtan (désacralisation de la Mosquée Sacrée, votre qibla, morts ou vivants), l'autre de Ibn 'Umar:  istihlâl al-bayt al-harâm (désacralisation de la Mosquée Sacrée).
  2. Zâd, comm. sur Coran 4, 31.

 

  1. Hadît_d'Ibn Mas*ûd.
  2. Une variante CTafsîr V 25) rajoute l'associationnisme en tête. Cette liste a été utilisée par al-Hallâg (in Massignon, Passion, II 676). Une autre dbid.) conservant cette addition remplace le qunûjp par l'homicide. _
  3. Ne s'y trouvent donc pas la désespérance de l'aide de Dieu, l'apostasie et la désacralisation du harâm.
  4. Mais cité par Tabarânî (commentaire sur Coran 4, 31), Qût II 148, Tafsîr V 26, Ibn *Abbâs, cousin du Prophète, mort à Tâ'if en 68 ou 70/787-88.

 

  1. Kassâf p" 286, Anwâr II 82, Tafsîr V 26.
  2. Tafsîr V 23.
  3. Zjtd, commentaire sur Coran 4, 31"
  4. Qût II 148.
  5. Tafsîr V 25, Qût II 148
  6. Tafsîr ibid"

(Ibn "Abbâs)o ^ v

(7) Tafsîr, ibid. (Sa*îd b* Gubayr et Hasan). Sa*îd b. Gubayr
al-Asadî, tâbi*î. 45/665^-95/714. Al-Hasan al-Basrî, le cé
lèbre théologien et mystique de Basra, mort en 110/728-9.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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