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Ralph Stehly

Un traité d'éthique islamique: le Kitâb al-Kabâ'ir de Shams al-dîn al-Dhahabî (17)

Chapitre troisième

Les fautes graves contre les fondements de la religion (usûl ad-dîn)

 

Djundab b.  Ka'b qui préconisent la peine de mort. Le repentir du magicien est bien sûr accepté. Quant au devin et au 'arrâf, il est plus approprié (awlà) de ne pas le tuer, mais de 1'emprisonner , car sa faute est moins grave que celle du magicien.

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On ne manquera pas de remarquer que Dhahabî, tant en ce qui concerne le statut du magicien que son châtiment, s'est inspiré des solutions les plus rigoristes. En outre, la formulation de la kabîra mérite qu'on s'y arrête un instant. Dhahabî parle non de l'astrologie même, mais de l'assentiment, la créance (tasdîq) accordée aux devins et aux astrologues. Dhahabî se place, en effet, plus sur le terrain de la foi, qui est d'abord assentiment à une vérité révélée, que du fiqh cet assentiment implique la reconnaissance de la libre souveraineté de Dieu d'ordonner les événements du monde comme II l'entend . Nulle créature n'est habilitée ni à les prévoir, ni à les interpréter, ni surtout à prétendre en changer le cours. Dieu gouverne souverainement par Sa toute-puissance .

3 - Négation du Décret divin

Ce chapitre dépasse largement le contenu qu'indique le titre. La plupart des croyances fondamentales de l'Islam sunnite sont ici rapidement passées en revue et énergiquement affirmées, cependant sans souci de réflexion élaborée.  C'est bien sûr Coran 54, 47/49 qui ouvre le chapitre:

"En vérité, les pécheurs sont dans l'aberration et la démence ! Au jour où ils seront traînés vers le Feu sur le visage, [on leur criera] : "Goûtez le toucher de la Saqar !". En vérité toute chose, nous l'avons créé selon un décret"

Ce sont, selon un hadîth de 'Umar b. al-Khattab , les Qadariyya , adversaires de Dieu, qui goûteront le châtiment de la Saqar. Pourquoi sont-ils ainsi dénoncés ? commente Dhahàbî ; c'est parce qu'ils n'admettent pas que Dieu puisse prédestiner l'homme a la désobéissance, et ensuite le châtier pour celle-ci. C'est assurément là le problème central posé par la doctrine du qadar : comment Dieu peut-il être en colère contre ce qu'il a lui-même décrété dans Sa toute-puissance ? Dhahabî en citant le hadît d'Ibn 'Abbâs:

"toute chose , que nous avons créée par Décret, est inscrite sur la Table bien gardée, avant, qu'elle n'arrive".

adopte une position nettement acharite.

Mais les actes humains sont-ils crées par Dieu ? Pour résoudre ce célèbre problème de la théologie islamique, Dhahabî se fonde sur deux passages coraniques non moins célèbres, Coran 3. 94/96 et 91. 8. Le premier verset se lit ainsi :    wa Llâhu khalaqa-kum wa mâ ta'malûna.

 

Deux compréhensions de ce verset sont possibles, selon Tabarî ; toutes deux dépendent du sens que l'on donne à ; on peut donc comprendre soit "Dieu vous a créés et vous a façonnés", soit "Dieu vous a créés et a créés les idoles que vous avez façonnées de vos mains".  Si on retient cette dernière interprétation , note Dhahabî, ce sont bien les actions des hommes qui sont créées par Dieu . C'est la position acharite.

 Le deuxième verset se traduit ainsi:

" et lui a inspiré son libertinage et sa piété"

Il peut aussi être interprété de deux façons différentes, soit littéralement (Sa'îd b. Djubayr), soit plus largement (Ibn Zâ'id). Dans ce dernier cas, on comprendra que Dieu ne fait qu'assister (tawfiq) l'homme dans la piété ou l'abandonner (khidhlân) au libertinage..

Les qadariyya sont maudits:

"Dieu n'a jamais envoyé de prophète, sans qu'il y ait dans sa communauté des qadariyya et des murdji'a. Certes Dieu a maudit les qadariyya et les murdji'a par la bouche de soixante-dix  prophètes" 

La foi dans le Décret divin fait partie intégrante de la foi telle qu'elle est définie dans ce hadîth d'Ibn 'Umar:

" -Qu'est-ce que la foi ?

- C'est de croire en Dieu, Ses anges, Son Trône, Ses prophètes, de croire dans le Décret pour le bien et le mal"  -->

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Copyright Ralph Stehly. Reproduction autorisée uniquement à des fins non commerciales, et à la condition de citer l'auteur et le site.

 

 

( notes en construction ! )

(1) Ar* takdîb bi-1-qadar, faute grave n° 41, pe 147-154. On peut aussi traduire "négation de la toute-puissance de Dieu"*

  1. Ou qadarites, ainsi appelés parce qu'ils admettent un décret humain, niant que le Décret divin soit prédéterminant.
  2. Cf. Zavâgir I ioo Bunarî, gâfeift, 76 + 82. Mafatih VII 573 s.

As1 an, Kitab al-Ibana, p. 84 s,

Ifryâ' IV 233 s.

LAOUST, Essai p.392.

GARDET, Dieu la destinée de lfhomme, p. 109 s.

(3) Cf. Gazâlî, Ihyâ' IV lk6 (Trad. L. GARDET).

"Celui qui connaît Dieu sait qu!Il fait ce qui Lui plaît sans qu'il sans soucie, et qu'il décide ce qu'il veut sans aucune crainte. Il a rapproché de Lui les anges sans qu'ils eussent de quoi prétendre à cette faveur. Il a éloigné de Lui Iblîs sans délit précédent. On peut donc dire que l'attribut de Sa volonté se traduit dans Sa Parole 1 ceux-ci en Paradis sans que Je m'en soucie, ceux-là en Enfer, sans que je m'en soucie". Si pourtant l'objection se présente à toi qu'il ne punit qu'à cause de la désobéissance, il faut prendre en considération que celui auquel il procure les motifs de l'obéissance obéit bon gré, mal gré, et que celui auquel II procure les motifs de la désobéissance désobéit bon gré, mal gré".

 

Cl) Traduction de BLACHERE % "Alors que fc ' est] Allah [qui]vous a créés [vous] et ce que vous avez façonné"o

  1. Cfo Louis GARDET9 opc cito9 p© 51© Voir aussi Fiqh akbar II©
  2. Position typiquement asaaritec Le tawfîq est la création en 1Jhomme du pouvoir dffobéir et le hidlân9 la création

en l'homme du pouvoir de désobéiro C'est la célèbre opinion d*Al-Asaarî s "Dieu abandonne les impies" (Maqâlât I 321)©

  1. Mais Dahabî ne précise pas si on doit les considérer comme impies9 ni, si leur exécution est licite© Mâlik et certains de ses disciples admettaient la licéité de cette peine, non en considération de leur impiété, mais du désordre (fasâd) dont ils se rendent coupables dans ce monde comme dans l'autre© Cf. Ho LAOUST, Essai, pD 392e
  2. Opposants extrêmes des Kharédjites ; ils soutenaient qu'un musulman, en commettant une faute grave, devenait ipso facto impie (kâfir)P
  3. Remarquer une fois de plus la vogue du chiffre 70o Cf* notre chapitre II©
  4. Hadît_ de Mu*âçl bo Gabal, Compagnon du Prophète (-20 à + 18 de 1"hégire)©

 

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