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Krishnamurti: La réincarnation ?

Qu'y a-t~il de vrai et qu'y a-t-il de faux dans les théories de la réincarnation ?

J'espère qu'après avoir écouté deux heures et dix minutes, vos esprits sont encore frais. Le sont-ils, Messieurs et Mesdames ? oui? Très bien. Ce que nous essayons de faire ici c'est de penser à un problème ensemble, vous n'êtes pas en train d'écouter un gramophone. Je refuse d'être un gramophone; mais vous êtes habitués à simplement écouter, ce qui veut dire, en fait, que vous ne suivez pas du tout. Vous écoutez superficiellement, étant captés par des mots, etpar conséquent, vous n'êtes pas les régénérateurs, ou créateurs, d'une nouvelle société. Vous êtes le facteur désintégrant, Messieurs, et c'est cela la calamité ; mais vous n'en voyez pas la tragédie. Le monde, y compris l'Inde, est au bord d'un précipice, il brûle et se désintègre rapidement ; et l'homme qui se contente d'écouter un chef, s'habituant à des mots et demeurant un spectateur, contribue au désastre. Donc, si je puis le suggérer, ne commencez pas à vous habituer à ce que je dis. Et ne répétez pas ; je pense à nouveau, chaque fois que je réponds à une question. Si je ne faisais que répéter, ce serait effroyablement ennuyeux pour moi. Et comme je ne veux pas m'assommer avec des répétitions, je repense à neuf — et ainsi devez-vous faire* si vous avez la curiosité et l'intensité qu'il faut pour découvrir.

Qu'est-ce qui est impliqué dans cette question de réincarnation ? C'est un problème énorme, et nous ne pouvons pas le régler en quelques minutes. En examinant cette question, regardons-la sans aucune déformation — ce qui ne veut pas dire avoir soi-disant l'esprit ouvert. Cela n'existe pas, un esprit ouvert : ce qu'il faut, c'est un esprit investigateur. Il nous faut, vous et moi, investiguer cette question. Or, lorsque nous poursuivons notre enquête, que cherchons-nous ? Nous sommes à la recherche de la vérité, non selon votre croyance ou ma croyance ; car, pour trouver la vérité en ce qui concerne n'importe quelle affaire, je ne dois pas avoir de croyance. Je veux trouver la vérité ; donc j'enquête, je mets à nu tout ce qui se rapporte à cette question, ne m'abritant derrière aucune forme de préjugé. C'est-à-dire que j'enquête honnêtement. Mon esprit

ne peut connaître que soi-même, ne peut investiguer qu'en soi-même. Je veux savoir si le " je " continue. Le " je ", qui est un processus total, un processus psychologique et physiologique à la fois, qui est avec le corps et aussi distinct du corps — je veux savoir si le " je " continue, s'il entre en existence après que cette existence physique s'est terminée. Or, qu'entendons-nous par continuité ? Nous avons examiné plus ou moins ce que nous entendons par le " je " : mon nom. mes caractéristiques, mes frustrations, mes œuvres — vous savez, toutes les variétés de pensées et de sentiments à différents niveaux de la conscience. Nous savons cela. Et alors, qu'entendons-nous par continuité ? Continuer, qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce que c'est, qui donne la continuité ? Qu'est-ce que c'est, qui dit : " je continuerai ". ou "je ne continuerai pas" ? Qu'est-ce que c'est qui s'accroche à la continuité, à la permanence, qui est sécurité ? Après tout, je cherche la sécurité ici dans des possessions, dans des choses, dans la famille, dans des croyances; et lorsque le corps meurt, la perma-nance des choses, la permanence de la famille a disparu, mais la permanence de l'idée continue. Ainsi, c'est l'idée que nous voulons voir continuer. Nous voyons que la propriété va disparaître, qu'il n'y aura pas de famille; mais nous voulons savoir si l'idée continue, si l'idée du " je ", la pensée " je suis " est continue. Je vous prie, il est important de voir la différence. Je sais que je serai incinéré, que le corps sera détruit. Je sais que je ne vous verrai pas, que je ne verrai pas ma famille ; mais est-ce que l'idée du " moi " continuera à exister ? L'idée du " moi " n'est-elle pas continue — la continuité signifiant devenir, se déplacer dans le temps, passer d'une période à une autre période, d'expérience en expérience ? C'est cela, la vraie question que l'on se pose : si le " je ", l'idée ou formulation du " moi " continuera. N'êtes-vous pas fatigués ? Très bien. Messieurs.

Donc, qu'est-ce que le " je " ? Nous avons investigué cela, et vous savez ce que c'est. Manifestement, la pensée s'identifie à une croyance, et cette croyance continue, comme une vague électrique. La pensée, identifiée à une croyance, a une continuité, a une substance ; cette pensée est nommée, reçoit une dénomination, elle reçoit une récognition en tant que " je ", et ce " je ", manifestement, a un mouvement, il continue, il devient. Or, qu'arrive-t-il à une chose qui est continuelle, qui est en constant devenir ? Ce qui continue n'a pas de renouveau ; cela ne fait que se répéter sous différentes formes, mais cela n'a pas de renouveau. La pensée, identifiée à une idée, a une continuité en tant que " je ", mais une chose qui continue est constamment en voie de décomposition, elle ne connaît ni naissance ni mort. En ce sens elle continue, mais la chose qui continue ne peut jamais se renouveler. Il n'y a de renouvellement que lorsqu'il y a une fin. Il est très important de découvrir et de comprendre cela. Supposez, par exemple, que je sois tracassé par un problème que j'essaye de résoudre, et que je ne cesse de me tracasser. Qu'arrive-t-il ? Il n'y a pas de renouveau, n'est-ce pas ? Le problème continue jour après jour, une semaine après l'autre, d'année en année. Mais lorsque le tracas a cessé, il y a un renouveau et alors le problème a un sens différent. Ce n'est qu'en une fin qu'il y a un renouveau, ce n'est qu'en la mort qu'il y a une nouvelle naissance — ce qui veut dire mourir au jour qui passe, à l'instant qui passe. Mais lorsqu'il y a simplement le désir de continuer, par conséquent l'identification à une croyance, ou à une mémoire, qui est le " je ", dans une telle continuité il n'y a pas de renouveau, c'est un fait bien évident. Un homme qui a un problème, qui est continuellement tracassé pendant des années, est mort, pour lui il n'y a pas de renouveau ; il appartient aux morts vivants, il ne fait que continuer. Mais dès l'instant que le problème prend fin, il y a un renouvellement. De même, où il y a une fin il y a une nouvelle naissance, il y a création ; mais où il y a continuité, il n'y a pas de création. Messieurs, voyez la beauté, la vérité du fait qu'en une fin il y a l'amour. L'amour est de moment en moment, il n'est pas continu, il n'est pas à répétition. C'est sa grandeur, c'est sa vérité. L'homme qui recherche la continuité la trouvera évidemment, parce qu'il s'identifie à une idée, et l'idée ou la mémoire continue ; mais dans une continuité il n'y a pas de renouveau. Ce n'est qu'en une mort, en une fin, qu'il y a un renouveau, non en une continuité. Et vous direz maintenant que je n'ai pas répondu à la question : " Y a-t-il ou non réincarnation ? " J'y ai certainement répondu. Monsieur, les problèmes de la vie ne sont pas des " oui " ou des " non " catégoriques ". La vie est si vaste. Ce n'est que la personne frivole qui cherche une réponse catégorique. Mais en analysant cette question, nous avons découvert un grand nombre de choses. Il y a de la beauté dans une fin, il n'y a de renouvellement, de création, de commencement qu'en la mort, qu'en mourant chaque minute — ce qui veut dire ne pas stocker, ne pas entasser, physiquement ou psychologiquement. Ainsi, la vie et la mort sont un, et l'homme qui sait qu'elles sont un, meurt chaque minute. Ceci veut dire ne pas nommer, ne pas permettre à l'enregistreur de faire tourner encore et encore son disque, qui est sa conscience particulière. L'immortalité n'est pas la continuation d'une idée, qui est le " je ". L'immortalité est ce qui, mourant constamment, constamment se renouvelle.

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