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 <-- Le Courrier du Geri, Revue d'islamologie et de théologie musulmane, 1/2 -->

 

 

 Un cursus universitaire de théologie musulmane  à Strasbourg ?

Etienne Trocmé

 

L’islamologie française a un passé prestigieux et demeure très active. Mais une situation nouvelle lui impose de repenser son orientation. La présence permanente en France d’une minorité musulmane groupant plusieurs millions de personnes dont la plupart souhaitent s’intégrer à la société française ôte à l’Islam son caractère exotique et fait de lui un des principaux groupes religieux du pays. Il est appelé à s’organiser sur place et à donner à ses jeunes une formation leur permettant à la fois de rester fidèles à leur tradition et de s’insérer dans le monde d’aujourd’hui.

 

Un des problèmes que lui posent ces tâches nouvelles est de se doter d’un nombre suffisant de théologiens capables de prendre en charge cette formation. Envoyer des jeunes faire des études de ce type à l’étranger ne saurait suffire. Il faut qu’il existe sur place des possibilités au moins équivalentes à celles qu’on peut trouver dans des pays musulmans. C’est là que l’islamologie française doit intervenir et accepter une certaine reconversion pour s’acquitter de tâches nouvelles et urgentes.

 

Vers 1978, quelques projets de ce genre ont commencé à naître dans les milieux universitaires. Citons en particulier les efforts faits par le professeur Bruno Etienen autour de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix, avec l’appui de chercheurs de l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM). De son côté, le professeur Mohammed Arkoun préconisait à la même époque l’implantation à l’Université des sciences humaines de Strasbourg d’un Institut de théologie musulmane.

 

Le présidant Etienne Trocmé, qui dirigeait à l ‘époque cette Université, se rallia très vite à cette suggestion. Dès qu’il eut achevé son mandat de premier vice-président de la Conférence des Présidents d’Université, en septembre 1988, il entreprit avec l’aide de M. Arkoun une série de démarches auprès de l’Elysée et des ministères de l’Education Nationale et de l’Intérieur, ainsi qu’auprès des hautes autorités musulmanes. Ces démarches furent poursuivies après la fin de son mandat présidentiel en décembre 1988. Elles donnèrent quelques résultats encourageantes.

 

Malheureusement, le dossier fut bloqué à l’Elysée par un conseiller du Président de la République prévenu contre l’Islam et au ministère de l’Education Nationale par l’"affaire du foulard islamique", au début de l’automne 1989. Le ministère de l’Intérieur restait intéressé, comme il apparut en 1990, lorsque le ministre, en visite à Strasbourg, fit venir le président Trocmé et lui manifesta au cours d’une longue conversation privée son avis très favorable à la réalisation d’un tel projet.

 

Pourtant, les années qui suivirent furent marquées par la mise en sommeil du projet. L’Education nationale ayant résolu de ne rien entreprendre, le relais fut pris par diverses associations musulmanes et par la Mosquée de Paris, qui fondèrent trois instituts de tendances diverses en 1992 et 1993. L’enseignement qui y était donné n’était pas mauvais, mais n’avait pas le niveau universitaire. Le financement par l’étranger créait en outre une dépendance dangereuse, dans au moins deux de ces cas.

 

On s’explique donc que, tant à Aix qu’à Strasbourg les tenants d’une institution intégrée à l’Université aient repris leurs efforts pour convaincre les autorités de l’Education nationale de rouvrir ce dossier. Dès la fin de 1994, une coopération s’esquissait entre le professeur Bruno Etienne et l’équipe du président Albert Hamm. A la fin de 1995, après quelques retards, ce dernier donnait mission à Etienne Trocmé de lui présenter avant la fin de 1996 un rapport sur les propositions que l’Université des sciences humaines de Strasbourg pourrait faire lors de la négociation du nouveau contrat d’établissement avec le ministère afin de " développer les enseignements et la recherche en sciences des religions " à cette Université. Deux domaines étaient particulièrement mentionnés dans cette lettre de mission : la formation des étudiants à la culture religieuse ; " un développement de l’islamologie dans des conditions répondant aux besoins des communautés musulmanes de France et des pays voisins ".

 

Ce rapport, élaboré avec l’active collaboration du Groupe d’Etudes et de Recherches Islamiques et de certains des professeurs d’histoire des religions de l’Université des sciences humaines, fut remis au président Hamm le 20 novembre 1996. Il trouva tout de suite un écho important dans la presse et dans les milieux musulmans. Le 31 janvier 1997, son auteur le présenta à une réunion du Conseil d’administration de l’Université élargie aux directeurs des U F R. Cette réunion ne donna pas lieu à un vote, mais l’impression d’ensemble était très positive.

 

Quoi qu’il en soit de l’attitude finale de l’Université des sciences humaines vis-à-vis du contenu du rapport, il apparaît dores et déjà qu’on s’intéresse en haut lieu à ces suggestions. Le Président de la République a fort bien accueilli la présentation de ces projets par le président de la Fédération protestante de France (Janvier-février 1997), son intérêt pour une formation universitaire en théologie musulmane.

 

Un avenir assez proche nous dira si les autorités de l’Etat dépasseront les déclarations d’intérêt et iront jusqu’à des décisions en ce domaine.

 

 

Etienne Trocmé

Ancien Président de l'U.S.H.S.

Professeur émérite à l'U.S.H.S.

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