La Sourate 18 versets 27 à 82
© Ralph Stehly, Professeur d’histoire des religions, Université de Strasbourg
Date de la Révélation: fin de la deuxième période mecquoise (vers 618)
Plan de la sourate:
1) Introduction (1-8)
2) Histoire des jeunes gens de la caverne (9-26)
3) Développement eschatologique (27-31)
4) Parabole des deux jardiniers (32-44)
5) Parabole de la vie en ce monde (45-59)
6) Histoire de Moïse et de son jeune compagnon (60-64)
7) Histoire de Moïse et du serviteur de Dieu (65-82)
8) Histoire d'Alexandre le Grand ( 83-98)
Développement eschatologique des versets 27-31 (Traduction Denise Masson légèrement modifiée)
La pensée avance par oppositions et dualités.
v. 28-29: ceux qui désirent la face de Dieu # ceux qui désirent le clinquant de ce monde, ceux dont le coeur est insouciant, celui qui se laisse conduire par ses passions, celui qui se montre démesuré dans son comportement.
NB: les versets 27-28 sont adressés au Prophète uniquement et ensuite à partir du v. 29 introduit par l'injonction divine "Dis" c'est une exhortation adressée aux incroyants, qui sont les destinataires ultimes du discours.
v. 29-31:a) le Feu pour les injustes # Jardin d'Eden où coulent des ruisseaux (pour les bienheureux)
b) Quelle détestable boisson ! # quelle belle récompense !
Quel abominable séjour ! # quel magnifique séjour !
avec décrochage, puisqu'il n'y a pas opposition complète entre "boisson" et "récompense". Décrochage aussi au verset 31 en ce que la vie luxueuse des bienheureux est décrite en détail, tandis que celle des damnés ne l'est pas.
v. 28: " ne pas repousser" : derrière ce verset, il faut se représenter les reproches de l'aristocratie mecquoise reprochant à Mohammed de recruter ses adeptes dans la lie du peuple. On lui aurait fait savoir qu'on pourrait envisager une conversion à l'islam, à condition que Mohammed se sépare de ses adeptes les plus humbles. Mohammed répondit qu'il ne pouvait se séparer de gens qui sont des croyants (cf. 11.29, 26.114).
v.29: "que celui qui veut croie donc....": libre-arbitre et prédestination, cf. 16.93, 76.29-30 et 4.79.
"Oui, Nous avons préparé pour les injustes un Feu": cf. 44.45-49, 22.19, 6.70, 47.15, 37.67, 38.57, 56.54
v. 30: "ceux qui auront cru et accompli les oeuvres bonnes": remarquer le lien qui est établi entre la foi et les oeuvres.
v. 31 : "les jardins d'Eden": l'arabe 'Adn signifie Félicité, ce sont donc les jardins de la Félicité. L'expression arabe correspond à l'expression hébraïque de Gen 2.15 et 3.23. Le Coran emploie souvent comme équivalent Djannât an-na'îm, qui veut dire la même chose.
"où coulent des ruisseaux": littéralement "où par en-desous coulent des ruisseaux" . Il faut se représenter des jardins étagés en terrasses, tandis que les ruisseaux coulent par en-dessous c-à-d en contrebas. Pour les bédouins, l'humidité ne vient pas du ciel, mais de l'irrigations ou des ruisseaux qui coulent dans des vallées
" ils seront parés......": cf. 76.21, 22.23, 35.33, 44.53
"accoudés sur des lits d'apparat": cf. 76.13, 36.56, 38.51, 52.20, 56.15, 55.54, 55.76, 93.23,,15.47, 37.44, 88.13. Les élus mènent une vie royale, ils mangent allongés comme les Romains.
Développement eschatologique des versets 27-31
Développement eschatologique des versets 27-31 (Traduction Denise Masson légèrement modifiée)
La pensée avance par oppositions et dualités.
v. 28-29: ceux qui désirent la face de Dieu # ceux qui désirent le clinquant de ce monde, ceux dont le coeur est insouciant, celui qui se laisse conduire par ses passions, celui qui se montre démesuré dans son comportement.
NB: les versets 27-28 sont adressés au Prophète uniquement et ensuite à partir du v. 29 introduit par l'injonction divine "Dis" c'est une exhortation adressée aux incroyants, qui sont les destinataires ultimes du discours.
v. 29-31:a) le Feu pour les injustes # Jardin d'Eden où coulent des ruisseaux (pour les bienheureux)
b) Quelle détestable boisson ! # quelle belle récompense !
Quel abominable séjour ! # quel magnifique séjour !
avec décrochage, puisqu'il n'y a pas opposition complète entre "boisson" et "récompense". Décrochage aussi au verset 31 en ce que la vie luxueuse des bienheureux est décrite en détail, tandis que celle des damnés ne l'est pas.
v. 28: " ne pas repousser" : derrière ce verset, il faut se représenter les reproches de l'aristocratie mecquoise reprochant à Mohammed de recruter ses adeptes dans la lie du peuple. On lui aurait fait savoir qu'on pourrait envisager une conversion à l'islam, à condition que Mohammed se sépare de ses adeptes les plus humbles. Mohammed répondit qu'il ne pouvait se séparer de gens qui sont des croyants (cf. 11.29, 26.114).
v.29: "que celui qui veut croie donc....": libre-arbitre et prédestination, cf. 16.93, 76.29-30 et 4.79.
"Oui, Nous avons préparé pour les injustes un Feu": cf. 44.45-49, 22.19, 6.70, 47.15, 37.67, 38.57, 56.54
v. 30: "ceux qui auront cru et accompli les oeuvres bonnes": remarquer le lien qui est établi entre la foi et les oeuvres.
v. 31 : "les jardins d'Eden": l'arabe 'Adn signifie Félicité, ce sont donc les jardins de la Félicité. L'expression arabe correspond à l'expression hébraïque de Gen 2.15 et 3.23. Le Coran emploie souvent comme équivalent Djannât an-na'îm, qui veut dire la même chose.
"où coulent des ruisseaux": littéralement "où par en-desous coulent des ruisseaux" . Il faut se représenter des jardins étagés en terrasses, tandis que les ruisseaux coulent par en-dessous c-à-d en contrebas. Pour les bédouins, l'humidité ne vient pas du ciel, mais de l'irrigations ou des ruisseaux qui coulent dans des vallées
" ils seront parés......": cf. 76.21, 22.23, 35.33, 44.53
"accoudés sur des lits d'apparat": cf. 76.13, 36.56, 38.51, 52.20, 56.15, 55.54, 55.76, 93.23,,15.47, 37.44, 88.13. Les élus mènent une vie royale, ils mangent allongés comme les Romains.
La parabole de la vie de ce monde (v. 45-58)
Texte coranique (trad. Denise Masson):
45. Propose-leur la parabole de la vie de ce monde : elle est semblable à une eau : nous l'avons fait descendre du ciel pour qu'elle se mélange à la végétation terrestre ; mais celle-ci devient un herbage desséché; que le vent disperse. — Dieu est puissant sur toute chose —
46. Les richesses et les enfants sont la parure de la vie de ce monde. Mais les bonnes actions impérissables recevront une récompense meilleure auprès de ton Seigneur et elles suscitent un meilleur espoir.
47. Le jour où nous mettrons les montagnes en mouvement, où tu verras la terre nivelée comme une plaine , nous rassemblerons tous les hommes sans en laisser un seul.
48. Ils seront présentés en rangs devant ton Seigneur : " Vous voilà venus à nous,comme nous vous avons créés une première fois; et vous pensiez que nous n'allions pas vous fixer de rendez-vous ! "
49. Le Livre sera posé :Tu verras alors les coupables anxieux au sujet de son contenu. Ils diront : " Malheur à nous ! Pourquoi ce livre ne laisse-t-il rien, de petit ou de grand, sans le compter ? "Ils trouveront, présent devant eux, tout ce qu'ils auront fait. Ton Seigneur ne lésera personne.
50. Lorsque nous avons dit aux anges.: " Prosternez-vous devant Adam! " ils se prosternèrent, à l'exception d'Iblis qui était au nombre des Djinns et qui se. révolta contre l'ordre de son Seigneur .Le prendrez-vous, Lui et sa descendance comme maîtres en dehors de moi, alors qu'ils sont vos ennemis? Quel mauvais échange ce serait pour les injustes!
.51. Je ne les ai pas pris comme témoins lors de la création des cieux et de la terre, ni de leur propre création. Je n'ai pas pris, comme aides, ceux qui égarent les hommes.
52
Le Jour où Dieu dira : " Appelez ceux que vous considériez comme mes associés ! " ils les invoqueront, mais ceux-ci ne leur répondront pas; nous les avons séparés par une vallée de perdition.53 Les criminels verront le Feu; ils penseront y tomber et ils ne trouveront aucun moyen d'y échapper.
54 . Oui, nous avons adressé aux hommes toutes sortes d'exemples dans ce Coran. L'homme est, cependant, le plus querelleur des êtres.
55. Qui donc a empêché les hommes de croire lorsque la Direction leur es~t parvenue et de demander pardon à leur Seigneur ? Sinon leur refus d'admettre que le sort traditionnel, réservé aux Anciens, les atteindra, ou que le châtiment les touchera de face. -
56. Nous n'envoyons les envoyés que comme annonciateurs et avertisseurs. ^ v: ' Les incrédules usent d'arguments faux pour rejeter la Vérité. Ils se moquent de mes Signes et de ce dont ils ont été avertis.
57.Qui donc est plus injuste que celui qui se détourne des Signes de son Seigneur, après que ceux-ci lui ont été rappelés, et qui oublie ce que ses mains ont accompli ? Nous avons placé un voile épais sur leurs cœurs afin qu'ils ne comprennent pas et nous avons rendu leurs oreilles pesantes . Ils ne seront donc jamais dirigés même si tu les appelais dans la voie droite.
58 Ton Seigneur est celui qui pardonne : Il est le Maître de la miséricorde. S'il s'en prenait à eux, à cause de leurs actions, il hâterait leur châtiment; mais un rendez-vous a été fixé à chacun ; et nul ne peut y échapper.
Verset 45:
dans de nombreux passages coraniques la brièveté de la vie des plantes
(comme dans la steppe) est une parabole pour la brièveté de la vie. Cf.
57.20, 39.21, 68.17-33, 10.24. Il y a opposition entre le caractère éphémère
de la végétation et la toute-puissance de Dieu.
De même au verset suivant (46),
il y a opposition entre « les richesses et les enfants, parure de la vie
en ce monde » et le caractère impérissable des bonnes actions. Ce qui
de nous est impérissable ce sont nos actions (et non notre descendance), car
c'est en fonction de celles-ci que nous serons jugés.
Remarquer le caractère ambigu du
mot espoir qui termine le verset 46, lequel ouvre sur l'avenir eschatologique,
mais qui, en fait, ouvre sur le côté sombre de l'événement eschatologique.
Biens et enfants sont souvent cités
ensemble comme exemple de ce qui est légitimement désirable, mais qui ne
doivent pas constituer un écran entre Dieu et nous. Cf. 34.37, 60.3, 26.88,
63.9, 8.28 // 54.15. Autrement dit, le matériel et le biologique sont périssables,
seuls survivra de nous l'immatériel, le témoignage de ce pour quoi nous
avons utilisé notre vie, nos actions. Le Coran insiste d'une manière générale
sur la valeur des actions envers les déshérités.
Versets 47-49: c'est la description du jugement dernier.
Toute l'humanité sera rassemblée: voir 14.21 14.48, 6.22 10.28 6.128 34.40 4.172.
Tous seront présentés en rangs: cf. 19.95
« comme nous vous avons créés »: cf. 6.94
Le Livre: voir 39.69, 17.71 36.12
78.29 50.4 54.52 17.13 45.23 23.62
Le livre
qui contient toutes nos actions se trouve aussi dans la littérature
juive intertestamentaire.
Pirqé Abôth 2.1: « sache
ce qui est au-dessus de toi, un oeil qui te voit, et une oreille qui t'entend
et tout les actions consignées dans un écrit »
1 Hénoch 47.3: « En ces jours, je vis la Tête
des Jours quand elle s'assit sur le trône de Sa gloire, et que le livre des
vivants fut ouvert devant lui, toute son armée qui est au ciel, et ses
conseillers étaient devant lui, et les coeurs des saints étaient remplis de
joie"
Voir aussi 1 Hénoch 90.20,
2
Baruch 24.1, 4 Esdras 6.20
Versets 50-53: c'est la chute de Satan cf. aussi Coran 2.34, et Epître aux Hébreux 1.6.
Le texte le plus détaillé se trouve dans La Vie d'Adam et d'Eve 12-16 (texte intertestamentaire).
15.(Les autre démons refusent aussi) Quand les anges qui furent au-dessous de moi entendirent cela, ils refusèrent aussi de l'adorer. Michel dit: « Adorez l'image de Dieu; si vous ne voulez pas l'adorer, le Seigneur Dieu sera en colère contre vous ». Et je lui dis: « S'il est en colère contre moi, je mettrai mon siège au-dessus des étoiles du ciel et je serai comme le Très-Haut ».
16.(La colère de Dieu contre Satan) Et la colère du Seigneur Dieu s'enflamma contre moi, me bannit, moi et mes anges, de sa gloire. A cause de toi, j'ai été expulsé de nos demeures dans ce monde-ci et délogé sur la terre. Nous fûmes submergés de tristesse, car nous avons été dépouillés d'une si grande gloire.
En Coran 2.102, on parle de deux autres anges déchus: Harout et Marout.
1 Hénoch 8 donne la
liste de tous les anges déchus. Ils apprennent aux femmes l'art de se
parer de bijoux et de se farder, aux hommes les secrets de la fabrication
des armes. Ils enseignent aux êtres humains en général la magie, la
sorcellerie. Ils furent finalement punis.
Raisonnement
des versets 50-52
L'islam est extrêmement strict en ce qui concerne la pureté de l'adoration de Dieu. C'est pourquoi la théologie islamique distingue entre:
l'associationnisme majeur (al-shirk al-akbar) ou explicite (celle dont il est question ici dans cette sourate)
et l'associationnisme mineur (al-shirk al-asghar) ou implicite, quand nous accomplissons la prière sans avoir réellement l'intention de la faire (sans pureté de l'intention, sans niyya), quand nous nous laissons distraire par d'autres pensées que celles de Dieu, c-à-d quand effectivement nous associons d'autres choses à Dieu dans notre prière, c'est déjà le début du polythéisme pour l'islam. Quand notre flux psychique n'est pas uniquement focalisé sur Dieu, mais sur autre chose, cette autre chose ou ces autres choses, ce sont les divinités du polythéisme.
Voir aussi: Eschatologie dans
l'islam, Eschatologie dans le
christianisme
Moïse et le jeune serviteur (v. 60-64)
Texte coranique (trad. Denise Masson):
60 Moïse dit à son jeune serviteur : " Je n'aurai de cesse que je n'aie atteint le confluent des deux mers; devrais-je marcher durant de longues années ". :
61 Quand ils eurent atteint le confluent des deux mers, ils oublièrent leur poisson qui reprit librement son chemin dans la met.
62 Lorsqu'ils eurent dépassé cet endroit, . Moïse dit à son serviteur : " Apporte-nous notre repas, car nous sommes fatigués après un tel voyage ".
63
II dit :" N'as-tu pas remarqué que j'ai oublié le poisson lorsque nous nous sommes abrités contre le rocher? — Seul le Démon me l'a fait oublier pour que je n'y pense pas — Il a repris son chemin dans la mer. Quelle étrange chose !64. Moïse dit" Voilà bien ce que nous cherchions ! " puis ils revinrent exactement sur leurs pas.
Commentaire
Le jeune homme est anonyme, tout comme le serviteur de Dieu du passage suivant. Le commentateur du Coran Tabarî (9ème s.) cite un hadîth (parole du Prophète) qui identifie le jeune homme à Josué.
Je n'aurai de cesse que je n'aie atteint le confluent des deux mers, devrais-je marcher durant de longues années.
On peut penser que le confluent des deux mers, c'est le confluent du Tigre et de l'Euphrate, là où se trouvait le Paradis selon la mythologie babylonienne (cf. Geo Widengren, Religionsphänomenologie). Il s'agit donc d'un endroit mythique, comme on en trouve habituellement dans les hiérophanies.
Le signe de Dieu est que le poisson que Moïse et son jeune serviteur avaient pêché a repris vie, et s'est jeté vivant dans la mer.
C'est un miracle du même type que celui des 7 dormants au début de la sourate: deux récits (hikâyât) qui ont pour but d'illustrer la thèse centrale de cette sourate et du Coran, que Dieu peut ressusciter qui il veut, quand il veut..
Histoire comparée des religions
Le Roman d'Alexandre ( Bios Alexandrou tou Makedonos kai praxeis) nous livre un récit étrangement semblable. Le Roman d'Alexandre a été dans l'Antiquité finissante et le Moyen-Âge commençant, l'ouvrage de la littérature mondiale le plus répandu après la Bible. Il y a des traductions en arménien, géorgien, persan, syriaque, arabe, turc, éthiopien; copte et hébreu. Il s'agit d'un texte composite dont la rédaction dans sa forme actuelle a pris plusieurs siècles, probablement entre le - 3ème s. et le + 3ème s.
Ce roman provient de l'impact extraordinaire qu'ont eu la vie et les conquêtes d'Alexandre sur les peuples du Proche-Orient ancien. Alexandre le Grand (356-323, Babylone) eut un destin extraordinaire. Fils du roi de Macédoine Philippe et de la reine Olympias, il fut l'élève d'Aristote. Il conquit toute la Grèce, puis traverse l'Hellespont, Tyr (334), fonde Alexandrie en Egypte, bat l'armée de Darius (331), ce qui lui ouvre les portes de l'Iran, franchit l'Indus et vainc le roi indien Poros, à la suite de quoi il retourne à Babylone, où il meurt le 13 juin 323, à l'âge de 33 ans, de malaria.
Le Roman d'Alexandre narre donc la poussée vers l'orient d'Alexandre le Grand et pose implicitement le problème des limites assignées par la providence à toute entreprise humains, si grandiose soit-elle. Alexandre voulait atteindre les frontières du monde que la géographie antique situait en Inde. Il voulait atteindre la source de vie.
Roman d'Alexandre 2.39.11-13, dans une lettre à Olympias, sa mère:
" Nous marchâmes à peu près 15 schoinoi (c-à-d environ 15 km) et trouvâmes en un certain lieu une source claire, dont l'eau rayonnait comme l'éclair, ainsi que beaucoup d'autres sources/ L "air là-bas était parfumé et pas du tout sombre. Là-bas, j'eus faim et demandai de la nourriture; j'appelai mon cuisinier, André, et lui dit: Prépare-nous à manger ! Il prit un poisson séché et alla le laver à l'eau claire de la source. Mais à peine le poisson fut-il touché par l'eau qu'il retrouva la vie et s'échappa des mains du cuisinier. Celui-ci prit peur et tut l'incident. Mais, lui, puisa de l'eau, en but et en garda dans un récipient d'argent. Quant à nous, nous bûmes l'eau des autres sources, dont ce lieu érait particulièrement riche. Ah ! Quel malheur qu'il n'ait pas été dans ma destinée de boire de l'eau de la source d'immortalité, qui redonne la vie à ce qui est mort et que mon cuisinier avait trouvée "
Cf. aussi le thème de l'eau de jouvence dans le folklore européen.
Le thème de la plante d'immortalité dans l'Epopée de Gilgamesh (moitié du 2ème millénaire av. JC), sur la 11ème tablette v. 273ss (trad. LABAT): Gilgamesh plonge au fond de la mer pour trouver la plante d'immortalité et la trouve effectivement. Puis il va dans un puits, la plante à la main, pour se baigner. Un serpent monte de la terre et lui prend la plante.
Dans ces deux versions la leçon est la même: l'homme peut s'approcher de l'immortalité (de la source de vie, cueillir même la plante de vie), mais non se l'approprier définitivement.
Quant au Coran: même Moïse passe à côté de la source d'immortalité. Il ne la remarque même pas. Il voit seulement un événement étrange dont il ne perçoit pas la portée.
Sourate 18: Moïse et le Serviteur de Dieu (v. 65-82)
Texte coranique (traduction Denise Masson)
65 Ils trouvèrent un de nos serviteurs à qui nous avions accordé une miséricorde venue de nous et à qui nous avions conféré "une Science émanant de nous.
66 Moïse lui dit :" Puis-je te suivre pour que tu m'enseignes ce qu'on t'a appris concernant une voie droite ? "
67 II dit : " Tu ne saurais être patient, avec moi .
68 Gomment serais-tu patient, alors que tu ne comprends pas ? " :
69 Moïse dit : " Tu me trouveras patient, si Dieu le veut, et je ne désobéirai à aucun de tes ordres ".
70 Le Serviteur dit : " Si tu m'accompagnes, ne m'interroge sur rien avant que je t'en donne l'explication ".
Verset 65
Comme les jeunes gens de la caverne, le Serviteur de Dieu a reçu une " miséricorde " venue de Dieu.
Cette miséricorde lui donne un statut particulier. Le serviteur est l'objet d'une élection divine. Mais il a quelque chose en plus: " Nous lui avions conféré une Science émanant de nous ". La science, c'est la science surnaturelle de Dieu, de qui connaît le mystère des choses, grâce à laquelle on peut aller au delà des apparences, ou comme le dit la théologie islamique passer du zâhir au bâtin, c-à-d de l'extérieur à l'intérieur, de l'apparent au mystérieux., ou encore de l'exotérique à l'ésotérique. Savoir ésotérique réservé aux prophètes que Dieu a librement élus, pour les sunnites, que Mohammed reçut au moment de son ascension, et qui pour les chiites est l'apanage de l'imam suprême, successeur d'Ali.
Remarquer comment en islam le mystère divin est connoté par des termes qui réfèrent à des qualités corporelles: rahma (miséricorde= vient de rihm (matrice), zâhir vient de zahr (le dos), bâtin vient de batn (le ventre).
Dans le Coran recevoir une science de Dieu signifie être prophète. Le Serviteur de Dieu est donc un prophète.
Verset 66
Mais la théologie islamique, en particulier Râzî verra dans le serviteur de Dieu dont il est question ici dans ce passage un prophète d'une espèce supérieure, parce que, dit-il, la question posée par Moïse " puis-je te suivre ? " est en fait une demande pour devenir disciple. Suivre quelqu'un, comme dans le NT (akoloutheô), c'est devenir disciple d'un maître. La voie droite, c'est l'islam.
Ce prophète, maître de Moïse, c'est al-Khadir ou al-Khidr, c-à-d Elie, en tant que super-prophète.
Versets 67-70
sont destinés à montrer que Moïse accepte, bien qu'il fût lui aussi prophète, toutes les conditions de l'état de disciple, qui sont passablement humiliantes: non seulement être patient, ce qui se conçoit fort bien, mais aussi le silence; et il lui faut avouer qu'en fait il ne sait rien, ou plus exactement qu'il ne connaît pas l'au-delà des choses.
Remarquer l'utilisation de l'expression " si Dieu le veut ", dont Dieu avait reproché l'oubli aux v.? 23-24.
Les trois actions symboliques (v. 71-77)
71. Ils partirent tous deux et ils montèrent sur le bateau. Le Serviteur y fit une brèche. Moïse lui dit : " As-tu pratiqué une brèche dans ce bateau pour engloutir ceux qui s'y trouvent ? Tu as commis une action détestable ! "
72. Il répondit : " Ne t'avais-je pas dit que tu ne saurais être patient avec moi ? "
73
Moïse dit : " Ne me reproche pas mon oubli; ne m'impose pas une chose trop difficile ! "74
Ils répartirent tous deux et ils rencontrèrent un jeune homme. Le Serviteur le tua. Moïse lui dit :" N'as-tu pas tué un homme qui n'est pas un meurtrier ? Tu as commis une action blâmable ! "75
Le Serviteur dit : " Ne t'avais-je pas dit que tu ne saurais être patient avec moi ? "76. Moïse dit : " Si désormais je t'interroge sur quoi que ce soit, ne me considère plus comme ton compagnon; reçois mes excuses ".
77 Ils repartirent tous deux
et ils arrivèrent auprès des habitants d'une cité
auxquels ils demandèrent à manger; mais ceux-ci leur refusèrent
l'hospitalité. Tous deux trouvèrent ensuite un mur qui menaçait de s'écrouler. Le
Serviteur le releva. Moïse lui dit : " Tu pourrais, si tu le voulais,
réclamer un salaire pour cela ".
Versets 71-77:
consiste en trois actions symboliques suivies par l'explication de la signification ésotérique de ces actes (v. 78-82)..
Les trois actes accomplis par le Serviteur de Dieu ont ceci de commun qu'ils
violent tous la loi islamique, telle qu'elle est déjà formulée dans le Coran.
a) verset 71 est au moins une tentative d'homicide collectif. On ne nous duit pas clairement si elle a réussi. La question de Moïse laisse subsister le doute " As-tu pratiqué une brèche dans ce bateau pour engloutir ceux qui s'y trouvent ? Tu as commis une action blâmable.
b) verset 74: il s'agit d'un homicide volontaire, sans mobile apparent, sans vendetta : " N'as-tu pas tué un homme qui n'est pas un meurtrier ?
c) le verset 77 présente une structure inverse par rapport aux deux actions symboliques précédentes. Jusqu'à présent Al-Khadir avait commis des actions blâmables vis-à-vis de gens qui apparemment ne le méritaient pas. Ici , au contraire, Al-Khadir. Est lui-même victime d'une action contraire à la morale: on lui refuse l'hospitalité, qui est un devoir imposé par Dieu à l'humanité, alors qu'il avait là motif à vengeance. Il répond, au contraire, par un acte de bonté gratuit: il relève le mur.
On dirait en langage moderne qu'il y a subversion des valeurs. Le problème posé par le comportement d' Al-Khadir à Moïse est celui du sens de cette subversion.
La structure est facile à discerner. Chaque acte d'Al-Khadir est suivi d'une protestation indignée de Moïse: v. 71 " Tu as commis une action blâmable ", v. 74 " Tu as commis une action détestable ".
Le verset 72 est l'exact parallèle du verset 75: " Il dit; Ne t'avais-je pas dit que tu ne saurais pas être patient avec moi ".
Comme dans tout récit mythique, les cas qui sont présentés sont des cas paradigmatiques, ils figurent des actes qui peuvent se reproduire dans n'importe quelle vie humaine. Le naufrage d'un bateau avait le même caractère de fatalité implacable qu'un accident d'avion de nos jours, et on appréhendait à l'époque autant de monter dans un bateau que certains d'entre nous sont angoissés à l'idée de prendre l "avion.
Le meurtre sans mobile apparent est le symbole même du scandale révoltant.
L'explication (v. 78-81)
78. " Le Serviteur dit : " Voilà venu le moment de notre séparation ; je vais te donner l'explication que tu n'as pas eu la patience d'attendre"
79. Le bateau appartenait à de pauvres gens qui travaillaient sur la mer. j'ai voulu l'endommager, parce que, derrière eux, venait un roi qui s'emparait de tous les bateaux.
80. Le jeune homme avait pour parents deux croyants : nous avons craint qu'il ne leur imposât la rébellion et l'incrédulité
81
et nous avons voulu que leur Seigneur leur donne en échange un fils meilleur que celui-ci, plus pur et plus digne d'affection.82
Quant au mur : il appartenait à deux garçons orphelins, originaires de cette ville. Un trésor qui leur es"t destiné se trouve dessous. Leur père était un homme juste et ton Seigneur a voulu qu'ils découvrent leur trésor à leur majorité. comme une miséricorde de ton Seigneur. Je n'ai pas fait tout cela de ma propre initiative : Voici l'explication que tu n'as pas eu la patience d'attendre ! "
Versets 79-81: c'est l'explication: un texte extrêmement subtil du point de vue de la formulation.
Verset 78: comme toute relation d'enseignement, celle-ci n'est que temporaire, et c'est au seuil de la séparation que le Serviteur de Dieu va donner l'explication de sa conduite. Il y a un fait linguistique remarquable dans l'explication du Serviteur.
Verset 79: " J 'ai voulu "
verset 81: " Nous avons voulu " (nous = deux " je ", le je du Serviteur et le je divin)
Verset 82: " Ton Seigneur a voulu ".Le grand mystique Hallâdj a vu dans cette progression vers la 3ème personne, les 3 étapes de l'union mystique. Le je --> le nous --> le il. Dans le "nous" il y a deux "je", dans le "il" il n'y a plus que Dieu. La volonté du Serviteur disparaît progressivement dans celle de Dieu, elle est progressivement subsumée par celle de Dieu. Ce qui est confirmé par la fin du verset 82: Je n'ai pas fait cela de ma propre initiative.
Derrière l'agir du Serviteur, c'est donc l'agir de Dieu qu'il faut voir. Le véritable auteur de ces actes apparemment révoltants est en fait Dieu. Or Dieu, selon l'islam, n'agit qu'en fonction de sa propre logique, la logique de l'Inconnaissable, de sa hikma, et non selon la logique humaine. Les hommes sont liés par la charia, mais pas Dieu. Les actes de Dieu transcendent la Loi.
Comment peut-on caractériser cette logique divine ?
Il vaut mieux que le bateau soit endommagé plutôt qu'il tombe entre les mains d'un pirate (impie).
Il vaut mieux qu'un homme meure plutôt que de voir se répandre la non-foi (kufr).
Mieux vaut ne pas réponde à une violation du droit d'hospitalité, et même gratifier les ingrats d'un bienfait apparemment gratuit plutôt que de léser deux orphelins (croyants).
C'est une logique du moindre mal en faveur des croyants. Dieu agit en fonction du moindre mal des croyants, même si apparemment les maux qui arrivent sont absurdes. En fait, ils ne sont absurdes que parce que l'homme n'a pas la vue d'ensemble de la situation et ne maîtrise pas l'ensemble des données, alors que Dieu en fonction de sa préscience et de son omniscience, lui, a la maîtrise de l'ensemble des données.
Apparemment, exotériquement, il est absurde et injuste que des gens pauvres – c-à-d croyants – souffrent de l'avarie de leur outil de travail. Mais cet événement a un sens aux yeux de Dieu, puisque la brèche provoquée par Dieu vise à empêcher un mal plus grand, la capture du bateau. Mais c'est une logique qui relève de l'Inconnaissable.
Qu'un jeune homme soit tué sans motif est un événement scandaleux, mais non du point de vue ésotérique que Dieu seul connaît, car par là Dieu voulait empêcher un mal encore plus grand: l'extension de l'impiété.
Apparemment, exotériquement, il est anormal que le Serviteur de Dieu ne sanctionne pas la violation de la loi de l'hospitalité dont il a été victime. Il est encore plus anormal, toujours d'un point de vue exotérique, que le Serviteur de Dieu réponde à cette violation par un acte apparent de pure bonté à l'égard d'un habitant de cette cité: relever un mur écroulé sans demander de salaire. Mais tout s'éclaire d'un point de vue ésotérique que Dieu seul connaît: Dieu voulait par là sauvegarder l'avenir de deux orphelins (croyants).
Al-Khadir ( d'après Louis Massignon, Elie et son rôle transhistorique en islam, in Opera Minora, I, 142-160).
L'interlocuteur de Moïse dans la sourate 18 est anonyme. Mais la tradition islamique l'a très tôt identifié avec Al-Khadir (" le Vert ", cf. le vert qui est la couleur liturgique de l'islam); c'est le nom d'Elie dans la mystique islamique, qui, par ailleurs, est également appelé Ilyâs. Ce nom vient de la tradition juive par le grec. Il y a donc dans cette sourate un dialogue entre Moïse et Elie, qui sont associés ici, comme ils le sont dans la tradition chrétienne dans la scène de la transfiguration de Jésus (Mathieu 17 et //). Elie signifie " Yahvé est mon Dieu ".
Dans cette sourate, Al-Khadir joue le rôle de directeur spirituel, d'initiateur de Moïse, de murshid. Or dans la tradition islamique, Al-Khadir est le directeur spirituel universel. Les premiers mystiques de l'islam se sont référés à lui comme à leur inspirateur. Al-Khadir est vénéré selon le calendrier solaire arabe le 20 Tammûz (20 juillet) et le 6 Ayyâr (6 mai).
De nombreux lieux lui sont consacrés.
A Haïfa; la grotte de Khadir Ilyâs sous l'église-mère de l'ordre latin du Carmel et à 24 km au sud à la Mukhraqa (lieu de l'incendie) où le feu brûla devant Elie et les prêtres de Baal lors de la scène de l'ordalie.
A Sainte-Sophie d'Istamboul.
A Kûfa (Irak) au Masdjid Sahla où les chiites l'invoquent pour qu'il réapparaisse pour annoncer la venue du Mahdî.
Divers Maqâm Al-Khadir (stations d'Al-Khadir) à Bagdad, à Koweït, en Egypte, en Syrie (au Nayrab près d'Alep).
A la fin du " jeûne de la Vierge Marie " (dit aussi " jeune muet " comme celui de Maryam (Marie) au Temple, au Mihrab de Zacharie, avant qu'elle ne conçoive Jésus), les jeunes filles lisent la sourate 19 et 18.
Si Al-Khadir est tellement vénéré dans l'islam, c'est qu'il a le don d'ubiquité, ce qui le met invisiblement à la disposition de tout aspirant à la vie parfaite, fût-il Moïse.
L'action de ce directeur spirituel invisible a commencé en islam par des visions privées accordées à des mystiques: Dhû n-Nûn Misrî, Bayâzid Bistamî, Tirmidhî.
" Tout âme doit goûter la mort " (Coran 21.36), mais Al-Khadir est immortel.
Ce rôle de directeur spirituel d 'Al-Khadir est passé dans le christianisme occidental (Elie était déjà dans l'Eglise grecque " le conseiller privé des âmes zélées ", avec la fondation de l'ordre latin du Carmel, il devint le directeur spirituel de l'Eglise et en particulier l'inspirateur théologique de deux des plus grands mystiques de l'Eglise catholique: Saint Jean de la Croix (1542-2591) et Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582).
L'islam apelle khadiriyya l'assistance spirituelle invisible d'Al-Khadir, celle qui le rend présent dans le secret des coeurs à la recherche de Dieu. La dévotion populaire a cherché à localiser les déplacements d'Elie en dessinant la carte géographique des déplacements d'Al-Khadir dans le monde.
Il réside normalement à l'esplanade du Temple de Jérusalem (al-haram al-charîf) dans la partie nord du mur d'enceinte oriental qui domine le Cédron entre le Bâb al-Rahma et le Bâb al-Asbât. C'est pour cela que Ghazâlî vint là vivre en retraite pour écrire son Ihyâ 'Ulûm ad-dîn.
Le vendredi, Al-Khadir prie en cinq lieux: à La Mecque (au Haram), à Médine, à Jérusalem, à Qubâ (près de Médine), et au Sinaï. Il ne rompt le jeûne que tous les deux vendredis. Il passe le Ramadân à Jérusalem. Puis il va passer le hajj (le pélerinage majeur) à La Mecque. Il assiste debout, invisible, au wuqûf (prière station debout) de 'Arafât. Il participe alors au concile annuel des saints chargés de répartir les lots de grâce (arzâq) entre les croyants durant l'année. Dans ce concile se trouve en plus d'Al-Khadir: Hénoch, Jésus, Michel, Gabriel, Isrâfîl (l'ange qui annoncera les temps derniers) et des fondateurs d'ordre mystique: Rifâ'î, Dasâqî, Djîlânî.
A la fin des temps, Al-Khadir reviendra personnellement avec les 7 jeunes gens du début de la sourate 18. Il sera à la tête de l'avant-garde de l'armée du Mahdî, pour la guider jusqu'à Jérusalem et y ramener Jésus. Il sera alors tué par l'Antichrist.
Dans le chiisme il y a aussi des apparitions de consolation, de conseil spirituel lors des catastrophes. C'est la longue liste des appatitions d'Al-Khadir dans la tradition chiite. Il apparut au Prophète et à sa fille douloureuse Fâtima et à ses descendants persécutés, notamment à Hassan, fils de Fâtima et de 'Alî (et donc petit-fils du Prophète) lors du drame de Kerbéla. Mais même des sunnites comme Ibn 'Abd al-Barr et Abû d-Dunyâ croient que Al-Khadir a lavé avec 'Alî le corps du Prophète (sur le décès du Prophète, voir ici).
Sources:
Traductions du Coran
1) en français: Denise Masson (coll. Folio), Régis Blachère (préférer l'édition de 1949 avec classement des sourates par ordre chronologique) , Hamidullah, Jacques Berque, Sami Aldeeb (sourates par ordre chronologique)
2) en allemand: Rudi Paret (Kohlhammer)
Commentaires du Coran en langue arabe:
Commentaire du Coran par Tabarî
Commentaire du Coran par Râzî
Site de la fondation Âl al-Bayt (Jordanie) sur les sciences coraniques: http://www.altafsir.com (nombreux commentaires classiques)
Commentaires du Coran (en langues européenne)
Le Coran, trad. H. BOUBAKEUR (comporte un commentaire)
Der Koran, Übersetzung von Rudi PARET, Kommentar und Konkordanz, Kohlhammer, Stuttgart
Muhammad ASAD, The Message of the Qur'ân, translated and explained by, Dubai, 2003
Maurice GLOTON, Une approche du Coran par la grammaire et le lexique, 2500 versets traduits- lexique coranique complet, Albouraq, Beyrouth, 2002
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