Les noms du maître dans les Upanishads
© Ralph Stehly, Professeur d’histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg
I. Le maître en relation avec l'élève
Le terme d'upâdhyâya manque dans les Upanishads. On trouve par contre le mot svâdhyâya (Ch 1.12.1) qui est de la même racine. Seuls âcârya et guru sont attestés. Aucun de ces deux mots n'est jamais associé à un nom propre , sauf en Kau 1.1 pour âcârya.
1. âcârya
dérivé du verbe â-car, notamment " se tourner vers, être en relation avec quelqu'un".
C'est le terme le plus souvent employé pour désigner le maître d'un élève (nous avons relevé 15 occurrences dans les Upanishads, et aussi le plus banal, sans connotation autre que l'idée d'un enseignement de caractère "religieux" à un élève. Ce mot ainsi que son synonyme est guru est absent de la Bâ. L'emploi est surtout localisé en Ch, Tai, Kau. Nous avons aussi relevé un exemple en Npt 1.5.
Il est toujours employé sans référence proche à un nom propre (Ch 7.15.2, 4.9.1, 4.14.1) - sauf Kau 1.1 -, dans des textes d'intérêt général (en aphorisme Ch 4.9.3, 4.14.1) ou dans des passages soulignant le caractère irremplaçable de l'enseignement prodigué par le maître ou sa valeur éminente (Ch 8.15, Tai 1.3.2, 1.11.1, 1.11.2, Npt 1.5).
On trouve par ailleurs les dérivés âcâryavant en Ch 7.15.2 et le composé âcâryahan en Ch 7.15.2 également.
2. Guru
De la même racine indo-européenne que la latin gravis "qui a du poids"
Sens " qui est vénéré" d'où "maître", notamment spirituel dans l'Inde classique. Ce terme ne semble pas avoir un sens différent du précédent dans les Upanishad-s, mais sa fréquence est moindre. Nous n'avons relevé que quatre occurrences. En Ch 8.15, il est employé comme variante et synonyme d'âcârya. En Mun 1.2.12 le sens est celui d'un maître à la fois versé dans le Veda et celui d'un maître à la fois versé dans le Veda et voué au Brahman. Il est, en outre, utilisé en Mai 6.28 et Shv 6.23 sans nuance spéciale.
3. Bhagavant
Nous avons relevé deux passages (Ch 6.1.7, 7.1.3) où bhagavant n'est pas employé comme interpellation ou comme terme de politesse ("Révérend !", "Seigneur !"), mais de façon substantivale pour désigner des personnes ayant une activité magistrale, une fois même en composé bhagavaddrçebhyah (Ch 7.1.3).
4. Qualificatifs occasionnels
* âtmavid: le sens est "connaisseur de l'âtman", qualifie, en Mai 1.2, le maître en tant qu'il enseigne l'équivalence âtman-brahman.
* vidvant: "qui sait" (Shv 6.21). C'est le titre de Svetâshvatara..
Remarques sur le terme rshi
le terme rshi désigne ordinairement le sage védique. Les Rshi-s nous sont présentés dans les Upanishads comme les intermédiaires dans la transmission entre les dieux et les maîtres actuels, dans les généalogies en particulier (Mun 1.1.2, Câ, Bâ 2.6, 4.6) . Rien qu'à ce titre ils mériteraient qu'on les signale dans un chapitre sur le vocabulaire de l'enseignement.
De plus, dans les Upanishads, les rshi-s ont une activité doctorale en tout point semblable à celle des gurus ordinaires. Cette activité nous est présentée sous forme élaborée (Pippâlada en Prç) ou non (Dadhyañc Âtharvana en Bâ 2.5.16. Ils font partie du monde des maîtres: on s'approche d'un rishi comme un s'approche d'un âcârya (Mun 1.1.3). Ils ont aussi la même destinée de la dévalorisation de leur enseignement (Châg). Et, enfin, nous assistons à des réunions de rshi-s en tout point semblable à celles des mahâçrotiya-s (Praç 1.1, Ârsh, Shv 6.21 rshisamgha).
Bien, donc, que le fond sémantique soit entièrement différent, rshi apparaît souvent comme un terme bien proche d'âcârya ou de guru, avec cette différence cependant que rshi est un titre, et qu âcârya et guru ne le sont pas.
II. Le maître en tant que détenteur d'une doctrine
* Brahmavâdin
Le sens est "celui qui dit (vad) le Brahman", c'est l'exact équivalent du grec theo-logos.
Le terme se trouve en Ch 2.24.1, Shv 1.1, Mai 6.7. Il est utilisé en incise ou comme introduction à une citation d'opinions de la part de tenants d'une doctrine, avec le sens de "spécialiste en doctrine ou liturgie religieuse", avec une pointe polémique en Mai 6.7. La pointe est souvent celle d'un garant d'une citation d'opinion. Le féminin est attesté en Bâ 4.5.1 pour Maitreyî.