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Les formes de l'adoration soufie

© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg

 

La prière soufie présuppose la prière canonique.

La prière rituelle est un tête-à-tête avec Dieu (Bukhârî, Kitâb al-îmân).

Certains parmi les plus anciens soufis considéraient la prière rituelle comme une espèce de mi'râdj (ascension) qui les amenait près de Dieu. D'autres rattachaient le terme arabe pour la prière rituelle, salât, à la racine arabe wasala "relier", la prière étant le lien par excellence avec Dieu.

Une des conditions pour la validité de la prière est la pureté du corps et de l'âme (tahâra). Les mystiques accordaient une énorme importance aux ablutions qui pour eux étaient le symbole de la purification de l'âme qui veut atteindre Dieu. Certains mystiques préféraient les grandes ablutions (ghusl) où l'on se lave la corps tout entier aux ablutions mineures.

Pendant la prière, le soufi se sent comme s'il se tenait debout devant Dieu au jour du Jugement Dernier.

Kharrâz, contemporain de Muhâsibî, dit:

"Quand tu entres dans la prière, tu pénètres dans la présence de Dieu, comme tu te tiendras devant Lui au jour de la résurrection, quand tu seras devant lui sans aucun médiateur ".

La prière principale des soufis est le dhikr.

Il est précédé du wird.

Le wird

Le wird le plus simple consiste en 4 rak'a, avec une récitation d'un hizb (1/7) du Coran. Usuellement on rajoute des litanies ou des formules isolées telles la basmala   (bi smi Llâhi r-rahmâni r-rahîm, "au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux), le takbîr (Allâhu akbar, "Dieu est plus grand"), le tasbîh (subhâna Llâh, "gloire à Dieu"), la tasliya (sallâ Llâhi 'alayhi wa sallama, "Dieu lui accorde la bénédiction et le salut"), l'istighfâr (formule de demande de pardon), l'isti'âdha (a'ûdhu bi Llâhi mina ch-Chaytâni ar-radjîm, " je cherche refuge auprès de Dieu contre Satan le lapidé"), ou encore des mots isolés: Allâh, Huwa (Lui) ou les 99 noms de Dieu.

Il y a des livres de wird-s .

Il y a 7 wird-s pendant la journée et 4 pendant la nuit.

D'autres wird-s sont mentionnés par Makkî

Les witr

Les witr sont des rak'a-s impaires (1 à 11) faites la nuit. Il s'agit d'une prière additionnelle entre la prière de la nuit  et celle de l'aube. On recommande qu'elle se fasse après la vigile nocturne (le tahajjud) et, pour ceux qui ne pratiquent pas la vigile nocturne, durant la première partie de la nuit.

Dans l'islam ordinaire (non soufi), seuls les Hanéfites les déclarent obligatoires.

L'ordre normal de la liturgie de la nuit soufie est donc: prière de la nuit, puis vigile nocturne, puis witr, puis prière de l'aube

La du'â

Est une invocation libre

Le dhikr  [histoire comparée des religions, cf. le japa de l'hindouisme]

Le terme signifie "faire mémoire de Dieu".

Il y a trois sortes de dhikr, les formules précises variant selon les ordres.

1) La récitation individuelle du chapelet (dhikr al-aqwât).

Elle consiste à réciter individuellement dans l'ordre Qâdiriyya 33 fois chacune des formules subhâna Llâhi ("gloire à Dieu"), al-hamdu li-Llâhi ("louange à Dieu) et Allâhu akbar ("Dieu est plus grand"). Le chapelet de l'ordre des Qâdiriyya comporte en effet 99 grains divisés en trois sections de trente-trois. Celui des Tidjâniyya en comporte 100 distribués en six sections: 12, 18, 20, 12, 18 et 20.

2) La récitation personnelle sans chapelet (dhikr al-khâfî).

On récite de manière rythmée le tahlîl (lâ ilâha illâ Llâh, "il n'y a point de divinité si ce n'est Dieu"). Le soufi a les yeux fermés. quand il prononce le début de la formule (lâ ilâha), il expire, puis il inspire en prononçant la formule illâ Llâh.

3) La plupart des ordres ont des récitations communautaires (hadra) qui ont lieu le vendredi. La séance se divise en deux parties:

a) la récitation de la liturgie de l'ordre, de prières, souvent entrecoupée par de la musique (luth, tambourin, flûte) et des chants (anâchid). C'est le samâ' ou l'oratorio spirituel.

b) le dhikr proprement dit qui commence par une formule introductive qui est dans l'ordre châdhili yâ wâhid yâ Llâh, suivi du tahlîl (qui est à proprement parler le premier dhikr !). On le chante d'abord lentement, puis sur un rythme plus rapide, les changements de rythme étant indiqués par le cheikh qui tape dans ses mains. De temps en temps on s'arrête pour un temps de concentration.

De nombreuses séances incluent la récitation du mawlid, c-à-d d'un poème retraçant la naissance du Prophète. Ces poèmes commencent tous par l'évocation de la descente de la lumière mohammadienne, le principe éternel de création et de succession prophétique, par lequel la lumière s'est manifestée dans le monde depuis Adam jusqu'à la naissance de Mohammed. Le moment le plus solennel est l'instant où l'on prononce la phrase "Notre Prophète est né". Tout le monde se met alors debout en disant: Marhaban yâ mustafà ("Bienvenue, ô Elu"). La récitation se poursuit par l'exposé des mérites (manâqib) du Prophète.

La position du corps est très importante dans le dhikr. Le soufi s'assoit les jambes croisées, les deux paumes des mains sur les genoux, à sa place dans le cercle, ou le corps tourné vers La Mecque, s'il s'agit d'un dhikr solitaire. Dans le dhikr des confréries, il est recommandé de se représenter mentalement le cheikh, de façon à recevoir l'influence bénéfique de ce dernier, qui lui la reçoit directement du Prophète.. Puis commence la récitation de la formule.

Elle diffère selon les ordres.

Chez les Châdhilî, elle est Lâ ilâha illâ Llâh. Ibn 'Iyâd dit dans ses Mafâkir (p. 109); "On commence du côté gauche sous le nombril en prolongement longuement la prononciation de la formule négative , puis on fait ressortir le i de ilâh du fond de la gorge, et on prononce le h vocalisé, et en le faisant suivre d'un profond temps d'arrêt, tout en inclinant le cou vers l'épaule (...). On dit ensuite illâ Llâh, en faisant ressortir distinctement du fond de la gorge le i de la particule d'exception illâ, en frappant le coeur au côté droit à la suite de l'émission de la voix. On s'appesantit alors sur le mot de gloire Allâh, en affectant le â d'un allongement profond et étendu".

Le dhikr des Rahmâniyya comprend trois modes de récitation: lent, modéré, rapide. Deux formules sont proposées: lâ ilâh illâ Llâh pour les débutants; pour les avancés "Allâh" (avec des mouvements du corps du type de ceux cités ci-avant)

Le dhikr des Hallâdjiyya est Allâh pour la récitation solitaire. On supprime le A initial et on décline aux trois cas de l'arabe, donc: Llâhu, Llâha, Llâhi.

D'autres dhikr-s sont indiqués chez Makkî.

Le stade décrit ici est le premier stade du dhikr, ce que l'on appelle le dhikr de la langue, par opposition au dhikr du coeur et au dhikr de l'intime.

Le premier stade (dhikr de la langue) a pour but, à travers la répétition prolongée des mêmes formules, la mainmise du Mentionné sur le mentionnant, le vidage de la conscience de tout autre concept que le concept de Dieu. Le but, c'est que le nom divin s'empare de la conscience de l'être humain.

Le deuxième stade est le dhikr du coeur. Là aussi le nom divin imprègne le soufi tout entier. Où se trouve alors la différence avec le dhikr de la langue ? C'est que la mainmise ne s'effectue plus à travers un état réflexif de conscience. Le soufi est absorbé dans la méditation du Nom divin, sans que l'intellect n'intervienne.

Mystique comparée: ces deux stades soufis sont évidemment l'exact parallèle de la concentration et de la méditation yoguique. 1) Concentration en un seul point, sur un objet précis quel qu'il soit (centre du nombril, lotus du coeur, une divinité...) et 2) méditation qui a pour but de pénétrer l'essence subtile de la chose sur laquelle on s'est concentré. Au stade du dhikr du coeur apparaissent des phénomènes visuels: lumineux et colorés. Les témoignages yoguiques sont concordants aussi sur ce point et signalent les mêmes faits. Ils apparaissent à la limite du premier stade et indique qu'il faut passer au stade suivant (voir la Yoga-tattva-upanishad).

Le troisième stade est le dhikr de l'intime (dhikr as-sirr). Par "intime", il faut entendre le fond de l'âme. Le sujet mentionnant disparaît totalement dans le Sujet Mentionné. C'est l"abolition du sujet psychologique dans l'acte seul de la Mention de Dieu. Le psychisme n'est plus que mention de Dieu, n'est plus que dhikr. C'est le stade correspondant à l'enstase yoguique où l'âtman (le fond de l'âme, différent du flux psycho-mental) médite sur lui-même, déconditionné du monde extérieur.

Dans le vocabulaire arabe, c'est donc par l'intermédiaire du dhikr du fond de l'âme que le fanâ' est atteint. C'est-à-dire que l'homme disparaît de lui-même, il ne sent plus rien des phénomènes extérieurs, ni de ce qui se passe en lui. Il disparaît (fanâ') de tout cela, vers Dieu, d'abord, en Dieu ensuite (baqâ').

Voir aussi Ghazâlî (1) (2)

  prière musulmane,  pélerinage musulman,

  liturgies chrétiennes   liturgie bouddhiste tantrique, liturgie juive liturgie hindoue

Introduction, les confréries, l'initiation, la voie mystique l'adoration soufie, maître et disciple  Makkî et Ghazâlî, Hallâdj, Sohravardi, Djîlânî

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