Cours du 7 février 2013



1ère heure: chronologie de l'hindouisme (suite)

3. L'hindouisme récent (à partir du + 5ème s.)

Le culte de Vichnou et de Shiva s'affermit définitivement.

A partir du + 7ème s. le culte dévotionnel de la bhakti (photo ) prend de plus en plus d'importance (accent mis sur la relation affective et personnelle avec Dieu, d'où chants, danses pour la divinité). C'est surtout dans le culte de Krishna, en tant qu'incarnation de Vichnou, que cette forme de culte se développe.

Apparition du système philosophico-théologique du Vedânta avec Shankara (8ème s.)

Apparition du tantrisme (autour du 10 ème s.). Les Tantras proposent une série de pratiques spirituelles permettant à l'adepte de dépasser sa condition humaine par le yoga, l'alchimie, la confection d'images de la divinité, la méditation sur des diagrammes sacrés (mandala-s, yantra-s)

Le tantrisme met l'accent sur l'énergie qui est à l'œuvre dans l'univers (macrocosme et microcosme): la çakti. (ou shakti) [sur la çakti et Shiva, voir ici, et aussi Râmakrishna au § Yogîshvarî]] . Cette notion n'est pas étrangère à l'hindouisme classique, mais ce dernier assimile cette énergie soit à l'Absolu lui-même (le Brahman), soit au pouvoir du Dieu souverain (Shiva, Vichnou…).

L'originalité du tantrisme est d'insister sur l'aspect féminin de la divinité suprême. Dans l'iconographie, la parèdre de Vichnou ou de Shiva est une figure de taille réduite que l'époux divin dépasse d'une tête au moins. Le tantrisme renverse la perspective et place au premier plan l'énergie créatrice féminine, laissant au dieu mâle une impassibilité qui le rend insignifiant.

Il y a un véritable féminisme des tantras. Etant faites à l'image de la Grande Mère (Grande Déesse), les femmes sont honorées et peuvent même enseigner. Les  veuves ont le droit de se remarier, et il est interdit de brûler les veuves (rite de la sati). Toutes les différences de castes sont abolies dans le tantrisme.

Sur le tantrisme voir: 

André Padoux, Comprendre le tantrisme, Spiritualités vivantes, Albin Michel, 2010

Cent douze méditations tantriques, Le Vijnâya-Bhairava-Tantra, traduit et commenté par Pierre FEUGA, Editions Accarias, 

2ème heure: Hymne cosmogonique de Rig-Veda 10.120

Traduction de Louis RENOU, légèrement modifiée.

 

  1. Il n'y avait pas l'être, il n'y avait pas le non-être en ce temps.

    Il n'y avait ni l'espace, ni le firmament au-delà.

    Quel était le contenu ? Où était-ce ? Sous la garde de qui ?

    Y avait-il de l'eau profonde, de l'eau sans fond.

    [Commentaire: 2. "espace" = skt vyoman. Il faut comprendre cet espace-ci, c-à-d ce monde-ci. Geldner traduit fort bien par "Luftraum". 4.La fin de la stance est traduite par Jean Varenne " Y avait-il de l'eau, abyssale, insondable ?". Dans ce cas-là, il n'y a pas affirmation de l'existence d'eaux originelles, on va au-delà de cette existence. C'est ainsi que le comprend aussi le Vedic Reader. Kim: pronom interrogatif "est-ce que".]

    [Texte sanskrit: Nâsad âsîn no sad âsît tadanîm nâsîd rajo no vyomâ paro yat | kim âvarîvah kuha kasya sharmann ambhah kim âsîd gahanam gabhîram ||]

  2. Ni la mort, ni la non-mort n'étaient en ce temps,

    Point de signe distinguant la nuit du jour.

    L'Un respirait sans souffle mû de soi-même:

    Rien d'autre n'existait par ailleurs.

    [Commentaire: 1. Il faut comprendre "ni la mort, ni l'immortalité n'existaient en ce temps-là. Puis, il faut comprendre "Cela, l'Un, respirait" ou "cet Un respirait". 3. Dans ce chaos originel, Cela (tad), l'Unique (ekam) est là, "respirant quoiqu'il n'y eût pas d'air". Ainsi est affirmé l'éternité et l'unicité du principe appelé Cela, que les textes plus tardifs appelleront "Brahman". Ce principe trouve sa propre énergie en lui-même. 4. A comprendre"il n'y avait rien d'autre que Cela en ce temps-là" ]

  3. A l'origine les ténèbres couvraient des ténèbres,

    Tout ce qu'on voit n'était qu'onde indistincte.

    Enfermé dans le vide, le Devenant,

    L'Un prit alors naissance par le pouvoir de la Chaleur.

    [ Commentaire: 1. Ici, nous sommes un temps après., non plus aux origines absolues. Il y a des ténèbres, c-à-d, séparation de la lumière et des ténèbres. 2. L'onde indistincte, c'est le chaos qui est indistinct, comme l'eau de mer. 3. Le Devenant, c'est le Brahman (ou l'Un en tant que  sortant de son indistinction). 4. "Prendre naissance" signifie se "manifester". "Par le pouvoir de la Chaleur" : il active son énergie. Cet Un mystérieux "prend naissance" c-à-d décide de se manifester, de prendre forme, d'agir]

  4. D'abord se développa le Désir,

    Qui fut le premier germe de la Pensée.

    Cherchant avec réflexion en leurs âmes,

    Les Sages trouvèrent dans le non-être le lien avec l'être.

    [Il vaut mieux traduire:

    Au commencement Cela qui était la semence première de la Pensée

     se mua en Désir:

    les sages cherchant en leur coeur

    découvrirent intuitivement que le lien de l'être se situait dans le non-être

     Commentaire: 1-2. Mais pourquoi cette mutation ? L'hymne répond que Cela devint pensée (manas) par Désir (kâma). 3-4 Là se trouve le lien entre le non-être et l'être, ce qui signifie que le passage de la non-existence à l'existence est dû à la Pensée créatrice, laquelle est créatrice parce que désirante. ]

  5. Leur cordeau était tendu en diagonale:

          Quel était le dessus, quel était le dessous ?

         Il y eut des porteurs de semence, il y eut des énergies féminines:

          En bas était l'Instinct, en haut le Don.

          [Commentaire:   1. "Tendre le cordeau en diagonale", c'est réfléchir, méditer sur l'origine des choses, pour voir apparaître la raison de la dualité des choses  Réfléchissant au problème des créations secondaires, les Sages ont compris ("ils ont trouvé le lien" str. 4)  3-4. que le Germe s'est scindé en principe masculin ("le haut, le Don, les porteurs de semences ") et féminin ("le bas, l'instinct, les puissances". C'est la première multiplication et diversification du monde. Le sens semble être que le mécanisme de la création est une procréation, un engendrement. D'un côté "les porteurs de sperme, de l'autre les puissances (féminines évidemment, çakti). La suite est aussi une image sexuelle: le don qui est en haut, c'est le don du sperme, et les puissances qui sont en-bas, ce sont les forces féminines qui accueillent ce don.]

    6.  Qui sait en vérité, qui pourrait l'annoncer ici:

        D'où est issue, d'où vient cette création ?

         Les dieux sont en deçà de cet acte créateur:

         Qui sait d'où il émane ?

            [ Commentaire: comment savoir ce qui s'est exactement passé ? Les dieux eux-mêmes n'étaient pas là pour y assister ]

  1. Cette création, d'où elle émane,

          Si elle a été fabriquée ou si elle ne l'a pas été,

          Celui qui veille sur elle au plus haut du ciel,

          Le sait sans doute: ou bien ne le sait-il pas ?

         .[ Commentaire: "celui qui regarde d'en haut" , c'est Varuna, gardien de l'ordre cosmique. 2. On peut comprendre "fabriqué" au moyen ou au passif, d'où la traduction allemande qui semble plus logique: " Woraus diese Schöpfung sich entwickelt hat, ob ER sie gemacht hat oder nicht; der der Aufseher dieser ( Welt) im höchsten Himmel, der allein weiss es, es sei denn, dass auch er es nicht weiss". Cette dernière strophe indique que l'acte créateur reste mystérieux: a-t-il été volontaire ou purement mécanique ? Dans ce dernier cas la création n'aurait pas été fabriquée. Y a-t-il une volonté derrière tout cela ?  ]

Il y a dans ce texte,surtout à la strophe 4, une théologie du désir et de l'enchaînement des désirs. Dès que le Désir est là, il ne peut pas ne pas entraîner la réalisation d'un acte. L'acte ainsi réalisé cause un autre désir et ainsi infiniment (un besoin satisfait en appelle un autre). Or l'acte cosmogonique se situe aussi dans un tel enchaînement. Si le Désir s'est manifesté au commencement, c'est qu'une infinité d'autres actes a été accompli avant le dit commencement.

D'autres univers se sont succédés avant le nôtre. Le dernier en se résorbant à la fin du cycle a laissé un reste (çesa) dont l'une des formes est justement ce désir d'agir auquel l'Un ne peut résister.

Cet Un est l'Absolu, c'est vrai, mais l'Absolu ne peut pas se trouver en contradiction avec les lois de la nature, puisque celle-ci émane de lui, ou si l'on préfère manifeste sa toute-puissance.

Cf. La vie de l'homme: l'homme sort d'un germe, de l'informé, pour passer au formé, puis repasse à l'informé, c-à-d à l'état de germe, d'où sortira un nouvel être à cause du désir non éteint (voir les grandes périodes cosmiques).   Pour plus de détails sur la naissance du monde, voir la création du monde









 

 

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