Cours du 14 mars 2013



1ère heure:   La Śvetâśvâtara-Upanishad  (1.13-2.11)

  (traduction Aliette Silburn, 1948, remaniée)

 Chapitre I

13.  De même que  la forme matérielle du feu caché dans sa source n'est pas visible, bien qu'il n'y ait pas disparition de sa forme subtile et qu'elle peut être saisie à la source du combustible. Il en est ainsi dans les deux cas : [l'âtman doit être saisi] dans le corps  par la syllabe om.

14. En faisant de son propre corps le bois de friction intérieur et de la syllabe Om le bois de friction supérieur, par la pratique de cette friction qu'est la méditation, on peut voir Dieu comme on verrait quelque chose de caché.

15. Comme l'huile dans le sésame, le beurre dans le lait, l'eau dans les rivières, le feu dans les bois de friction, ainsi il trouve en lui-même  [dans son corps, ou dans son propre soi] l'âtman [universel], celui qui le cherche au moyen de la vérité et de l'ascétisme.

16. Il verra partout l'âtman comme le beurre dans le lait, s'il s'enracine dans le contrôle de soi-même et la connaissance de soi-même (....)  .

Chapitre II

1. Savitar unifiant ( yuñjanah) d'abord le manas, tendant les pensées, discerna le feu comme lumière et l'apporta sur la terre .

2. " Avec la pensée (manas)  attelée, nous sommes sous l'incitation du dieu Savitar, pour le ciel, pour la puissance ".

3. " Ayant unifié le manas et la pensée pour guider les fidèles vers le ciel, et pour créer la grande splendeur lumineuse en nous, Savitar nous stimulera "

4. " Ils attèlent leur sens interne  et attèlent leur pensées, eux les sages prêtres du grand prêtre; l'unique qui connaît les disciplines a assigné les fonctions du sacrifiant. Puissante est la louange du dieu Savitar ! " ( RVS 5.81.1)

  1. " J'attelle pour vous deux par mes hommages la sublime parole de bénédiction. Que l'invocation s'étende comme un chemin au loin. Que tous les fils de l'immortalité l'entendent, eux qui ont revêtu des formes célestes " ( RVS 10.13.1 )

    6. " Là où le feu est produit par frottement, là où le vent est mis en activité, là où le soma déborde, c'est là que naît la pensée"

 7. "Grâce à Savitar et à son incitation, l'antique prière vous apporte la félicité; Si telle est ton habitation, les actions antérieures ne te souilleront plus".

 8. Tenant son corps ferme aux trois parties dressées1, faisant entrer dans le cœur les sens et la pensée, un sage avec la barque du brahman traverserait tous les fleuves effrayants.

9. Ayant comprimé les souffles dans le corps, en réglant les mouvements, il faut que vous respiriez par les narines avec un souffle réduit ; comme un véhicule attelé avec de mauvais chevaux, le sage doit réprimer sa pensée sans distraction.

10, Qu'on pratiqué le Yoga dans un (lieu) uni et pur, privé de cailloux, de feu et de sable, agréable au sens interne par des sons, de l'eau, etc., qui ne déplaise pas à l'œil, protégé du vent par une dépression (du sol).

11. Le brouillard, la fumée, le soleil, le feu, le vent, les insectes phosphorescents, les éclairs, le cristal, la lune sont les aspects préliminaires qui produisent, dans le Yoga, la manifestation du brahman.

12. Quand la quintuple qualité du Yoga a été produite en surgissant de la terre, de l'eau, du feu, du vent et de l'espace, il n'y a plus ni maladie, ni vieillesse, ni mort pour celui qui a obtenu un corps fait du feu du Yoga.

13. Légèreté, santé, absence de désirs, clarté de teint, excellence de voix, agréable odeur, diminution des excrétions, on dit que c'est là le premier effet du Yoga,

 14. De même qu'un miroir terni par l'argile brille à nouveau de tout son éclat quand il est bien nettoyé1, de même l'être incarné lorsqu'il a contemplé la vraie nature du Soi recouvre l'unité, atteint son but, est libéré de douleur

  1. Mais quand, se concentrant, au moyen de la vraie nature du Soi comme au moyen d'une lampe, on éclaire la vraie nature du brahman, (le brahman) non-né, inébranlable, parfaitement purifié de tous les principes1, on est alors libéré de tous liens, on a reconnu le dieu.



2ème heure: Introduction à la Bhagavad-Gîtâ



Bhagavad-Gîtâ signifie en sanskrit "le chant (Gîtâ) du Bienheureux Seigneur(Bhagavad)" c-à-d Krishna.

La Bhagavad-Gîtâ est un épisode de la plus grande épopée indienne, le Mahâbhârata  (1) (100.000 stances environ), compilée entre le - 4ème s. et le + 3ème s. La Bhagavad-Gîtâ correspond à 18 chapitres du Mahâbhârata (6.25 à 42).

Elle fait en principe partie de la smriti (1), mais les Krishnaïtes lui accordent la même autorité qu'au Véda.

Elle se présente comme une révélation de Krishna (en tant qu'incarnation de Vichnou) à Arjuna.

Les plus grands théologiens l'ont commentée.

Shankara, fondateur du Vedânta, a composé un Gîtâbhâsya. Râmânuja (11ème s.) et Madhva 14ème s. ont laissé eux aussi un important commentaire du texte sacré.

La Bhagavad-Gîtâ a ensuite fortement influencé la pensée bengalie. Râmakrishna (1834-1886) fonda en grande partie sa spiritualité sur la Gîtâ, et la mission Râmakrishna, fondée en 1866) continue d'oeuvrer en ce sens dans le monde .

Shrî Aurobindo (1842-1950), alors qu'il était en prison ( du fait de ses activités nationalistes) en 1919, eut la vision de son union avec le Krishna de la Gîtâ. C'est alors qu'il se retira à l'ashram de Pondichéry. Lui aussi écrivit un commentaire de la Gîtâ.

Krishna

 

     

Krishna, incarnation de Vichnou                                                                                                                                                                                                            Jeune Krishna jouant de la flûte

(clichés tirés de La Bhagavad-Gîtâ "telle qu'elle est", de A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada)

 

Krishna signifie bleu-noir en sanskrit. C'est un vieux terme indo-européen qui correspond au russe tchernyi, lequel signifie noir.

Dans le Rig-Veda, Krishna est cité comme compositeur de Rig-Veda 8.74.

Ensuite Krishna est cité en Chandogya-Upanishad  (1) 3.17: dans ce passage, il écoute un maître lui enseigner que le sacrifice védique doit être dépassé, car la vie entière doit être sacrifice.

Krishna est également cité dans le jâtaka (naissance antérieure) bouddhique 454.

Les sources indiennes le présentent comme un personnage historique, un kshatriya, c-à-d un prince, de la tribu de Vrishni, laquelle faisait partie des Yâdava, peuple qui, parti de Mathûrâ, aurait fui vers l'ouest. D'après la tradition sa mère s'appelait Devakî, son frère Baladeva ou Samkarshana.

Sa biographie s'étoffe dans le Mahâbhârata, où il est principalement le prédicateur du message de la Bhagavad-Gîtâ..

La forme définitive de sa biographie se trouve dans les Purâna (3-5ème s.). On mentionne pour la première fois dans le Harivamça ses aventures érotiques avec les bergères (gopî), interprétées par la suite comme des amours mystiques entre Krishna et ses adorateurs (voir le Gîtagovinda de Jayadeva ).

Dans les Purâna, Krishna se présente comme un guerrier prédicateur, ce n'est pas un maître pacifique comme le Bouddha. Il entre maintes fois en conflit avec l'ordre traditionnel des Brahmanes et leurs institutions. Il ne veut rien savoir de la fête d'Indra, pille les jardins d'Indra, réduit en cendres la ville de Bénarès.

La Bhakti

La relation que Krishna, dans l'épopée et les Purâna établit avec ses adorateurs porte le nom de bhakti, et les adorateurs de Krishna sont appelés des bhakta.

La bhakti est une affection personnelle passionnée, un dévouement profond et mystique, à quoi s'ajoute le désir de s'unir à l'objet de son culte et, parce qu'on est persuadé de faire essentiellement partie de sa nature, de réaliser cette unité. La plus ancienne attestation de la bhakti se trouve en Shvetâçvatara-Upanishad (1) 6.23. Au cours des siècles ultérieurs, cette bhakti, amour fait de connaissance et de dévouement, deviendra un puissant courant en Inde. Il y a ainsi aujourd'hui en Inde tout un faisceau de religions bhaktiques.

DATES DE LA VIE DE KRISHNA

Il a dû vivre bien avant le Bouddha, car il est mentionné dans des écritures pré-bouddhiques notamment dans la Chandogya-Upanishad, Son gourou Ghora Ângirasa est mentionné en Kausîtaki-Brâhmana 30.6 et en Kâthaka-samhitâ 1.1, tous deux pré-bouddhiques.

Selon la tradition jaïn, il est antérieur à Pârçvanâtha (- 817).

Il a donc dû vivre avant le - 9ème s.

Selon la tradition indienne, sa mort marque le début du présent âge cosmique, le kali-yuga, dans la nuit du 17 au 18 févier - 3102 (le kali-yuga doit durer 432.000 ans).

Classiquement, Krishna est l'une des incarnations ou avatâr de Vichnou.

Vichnou et ses incarnations

 L'une des grandes idées de la théologie vichnouite est que Dieu est disposé à une relation personnelle avec l'homme et à un lien d'amour. dans le but de sauver l'homme et le monde, c-à-d de restaurer le dharma (la norme socio-cosmique), Vichnou apparaît de temps en temps sur terre sous la forme d'un mortel. Il vient sous des traits ordinaires, et non pas sous son aspect majestueux qui ne serait pas perceptible pour des yeux de mortels, ni concevable pour des esprits humains (voir dans la section "phénoménologie religieuse":  théophanies).

Le paradoxe de l'incarnation

Dieu incarné apparaît et agit comme un être humain ou animal, mais garde néanmoins un pouvoir transcendant. L'œuvre accomplie, il retourne au Vaikuntha, son "paradis" et se réunit à son modèle transcendant.

A côté de cela, l'hindouisme connaît des manifestations (prâdhurbhâva) ou Dieu apparaît sous sa forme transcendante, et des apparitions sous des aspects particuliers qui ne révèlent qu'une partie de sa nature (Shiva sous les traits de Rudra, Vichnou comme Vishnu-Ananta-çayana, "Vichnou reposant sur le serpent Ananta" (voir Dieu et les dieux)

La doctrine des avatâra

Les incarnations de Dieu sont considérées par le vichnouisme comme des moments essentiels de l'histoire de l'humanité, puisqu'elles permettent à Dieu d'approfondir pas à pas sa Révélation de lui-même à l'humanité.

La doctrine des avatâra combine, en outre, les deux thèmes les plus importants de l'Inde antique:

  1. Le combat du restaurateur de l'Ordre Cosmique contre l'emprise des démons, de l'idéal de la sainteté en lutte contre le Mal

  2. L'Un qui se manifeste dans la multiplicité du monde. Vichnou est un, mais ses incarnations et plus encore ses manifestations sont multiples.



Liste des incarnations de Vichnou

Elle est fixée dans les Purâna.

Au cours du 1er âge (durée 1.728.000 années) de la présente période cosmique (mahâyuga), Vichnou est apparu sous les traits

  1. d'un poisson (matsya). Ceci se trouve mentionné dans un récit du déluge: d'après Shatapatha-Brâhmana 1.8.1, le premier homme (Manu, cf. anglais man, allemand Mann) fut sauvé par un poisson d'une grande inondation.

  2. d'une tortue (kûrma),

  3. d'un sanglier (varâha) qui fit ré-émerger la terre engloutie dans l'océan par le démon Hiranâksha,

  4. d'un homme-lion (narasimha) pour délivrer le monde du démon Hiranyakaçipu.

    Au cours du 2ème âge cosmique (durée: 1.296.000 années), Vichnou apparut sous les traits:

  5. d'un nain (vâmana), pour libérer le monde de la tyrannie de Bali, qui tourmentait les dieux et les hommes.

  6. Râma à la hache (Paraçurâma), pour anéantir les kshatriyas qui avaient tué son père, le brahmane Jamadgni.

  7. Râma, le héros du Râmayana, qui mit un terme à la domination de Râvana, prince des démons, sur Lankâ.

    A la fin du 3ème âge ou dvâpara-yuga (durée: 864.000 ans), sous l'apparence de

  8. Krishna pour tuer les démons et surtout le pire de tous, Kamsa. C'est aussi le Krishna de la Bhagavad-Gîtâ

    Au début du 4ème âge (l'âge actuel ou kali-yuga, durée: 432.000 ans)

  9. sous la forme du Bouddha pour abolir les sacrifices sanglants.

A la fin du kali-yuga, il apparaîtra sous la forme de Kalkin, pour châtier les méchants et récompenser les bons, et inaugurer une ère de salut.

Le problématique dans laquelle s'inscrit la Bhagavad-Gîtâ ( pravritti et nivrtti)

 L'homme indien - qu'il soit hindou ou bouddhiste - se sent pris dans les rets d'un déterminisme implacable, car s'il y a un Absolu impersonnel (le Brahman pour l'hindouisme, la Vacuité pour le bouddhisme), et des divinités personnelles, il n'y a pas de Dieu juge. Rien ne vient entraver les effets du karman. Or la production de karman est consubstantielle à la vie: dès que nous agissons, que ce soit en bien ou en mal, nous produisons du karman, c-à-d que nous prolongeons d'autant le cycle des renaissances. Bien se rendre compte: si nous agissons en bien, nous n'en produisons pas moins du karman. Certes, c'est du bon karman, mais c'est néanmoins du karman qui jette ses racines dans la vie suivante.

Le problème majeur de la théologie hindoue, comme de la théologie bouddhique, est de trouver le moyen de sortir du cycle infernal des renaissances.

En gros, deux attitudes sont proposées: la pravritti et la nivritti.

La pravritti ("vie active dans le monde"), c'est l'idéal du brahmanisme classique. Après la fin de l'initiation vers 16 ans, on se marie en observant scrupuleusement le rituel védique. C'est seulement à la fin de la vie qu'on se retirera éventuellement du monde (cf. la théorie des quatre stades de la vie).

La nivritti ("vie retirée du monde"); comme la précédente, cette attitude est aussi représentée dans le Mahâbhârata.

A l'instar du bouddhisme, elle met l'accent sur la fugacité de tout ce qui existe. Partout la maladie, ce "cocher de la mort", la vieillesse et la mort sont aux aguets. Tout ceci est le résultat du karman. Il faut donc en finir au plus vite, et puisque l'action nous enchaîne, parce qu'elle produit du karman, il s'agit de mener la vie la plus retirée du monde, en agissant le moins possible. L'action étant produite par le désir d'agir, on travaillera sur le désir, non pas exactement pour le refouler, ce qui serait une régression, mais pour l'intégrer à un niveau supérieur, le transmuter en un désir plus noble: celui de la libération. Il s'agit d'être libre par rapport au désir. La technique de libération associée à cette conception de la vie sont les diverses formes de yoga.

Il s'agit donc ici de la libération par l'ascèse (il y a classiquement trois autres voies de libération: la liturgie, la connaissance (jñâna) et la bhakti).

 

Le message de la Bhagavad-Gîtâ

 

 

 

   

A gauche: Arjuna et Krishna, avec Vishnou à l'arrière-plan. A droite Arjuna et Krishna

(clichés tirés de La Bhagavad-Gîtâ "telle qu'elle est", de A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada)

 

   Le problème posé par la BhG est un problème qui n'a cessé de hanter la métaphysique indienne. Comment se comporter dans le monde ? Vaut-il mieux être engagé dans l'action, ce qui veut dire pour l'Inde accomplir son devoir dharmique (le devoir dharmique d'Arjuna, qui est un guerrier, est de combattre, quels que soient ses ennemis) ? ou vaut-il mieux s'engager dans la voie du renoncement ? Vaut-il mieux la pravritti ou la nivritti ?

La BhG choisit la voie de l'action : " Accomplis les actes prescrits: l'action est supérieure à l'inaction " (3.8). Accomplir les actes prescrits, autrement dit les actes prescrits par notre dharma (1), les actes qui nous incombent en vertu de notre situation particulière dans la société. Mais il faut agir en se détachant de ses actes et de leur résultats. C'est le fameux phala-trishna-vairâgya("renoncement à la soif du fruit").

4.20 " Indifférent au fruit de l'action, toujours satisfait, libre de toute attache, si affairé qu'il puisse être, en réalité, il n'agit pas ", autrement dit l'homme n'ensemence pas son karman, qui l'enchaîne aux renaissances successives. Grâce au phalatrishnavairâgya, il est permis à tout homme d'espérer qu'il sera sauvé, alors même qu'il sera obligé de continuer à partager la vie sociale, à avoir une famille, des soucis, à occuper des fonctions, à commettre même des choses "immorales", comme Arjuna qui doit en vertu de son devoir dharmique tuer des membres de sa famille qui sont situés dans l'autre camp.

On peut exprimer cela dans un langage plus contemporain: il faut suivre sa vocation, sa propre pente, sans penser à une éventuelle "récompense". Penser à une éventuelle récompense, voilà ce qui nous enchaîne.

Cette doctrine a profondément influencé beaucoup de penseurs occidentaux contemporains: cf. Mircea EliadeL'Epreuve du Labyrinthe, p. 193.

Krishna

Toute les fois que l'ordre du monde (dharma) chancelle, que le désordre (a-dharma) se dresse, Je Me produis Moi-même " .  En d'autres termes, Krishna se manifeste lui-même, c-à-d révèle, d'une manière appropriée au moment historique, une sagesse intemporelle. Pour la théologie hindoue, la doctrine de la BhG n'est pas nouvelle, Krishna y met simplement à jour des formules appropriées d'un message intemporel.

Le non-être et l'être, révèle Krishna, résident en Lui. Toute création est manifestation de Krishna. " Dans l'eau, Je suis la saveur. Je suis l'éclat de la lune et du soleil, la syllabe "om" dans tous les Veda, les sons dans l'éther, la virilité chez les hommes, le parfum dans la terre, la splendeur ardente dans le feu. Je suis la Vie de tous les être. Et Je suis l'austérité chez les ascètes " (7.8-9)

Krishna crée continuellement le monde au moyen de sa prakriti, mais cette activité incessante ne l'enchaîne pas : " Maîtrisant Ma propre nature cosmique (la prakriti), J'émets encore et toujours tout cet ensemble des êtres, malgré eux et par le pouvoir de Ma nature (prakriti). Et les actes ne Me lient pas….Je demeure sans attachement à Mes actes ".(9.8-9)

Krishna est l'Absolu:

Je suis la source de toutes choses; c'est de Moi que tout procède " (10.8)

Arjuna dit à Krishna: Vous êtes le suprême Brahman, le suprême séjour, le suprême purificateur, esprit divin et éternel, premier des dieux, non-né, omniprésent ! " (10.12).

Il est le fondement de l'Absolu:

Car c'est Moi le fondement du Brahman, de l'immortel, de l'immuable, de l'ordre éternel, de la béatitude absolue " (14.27)

La Bhakti

La tradition indienne voit la quintessence de la Gîtâ en 11.55. Nous citons ce texte avec le vers qui le précède (11.54):

" C'est seulement au prix d'une dévotion sans partage (bhakti) que l'on peut, ô Arjuna, Me connaître sous ces traits et Me contempler en vrai et entrer en Moi, ô héros redoutable ".

Celui qui n'agit qu'en vue de Moi, pour qui Je suis l'Être suprême, qui est Mon fidèle dévôt (bhakta), libre de toute attache, qui ne connaît de haine pour aucun être, celui-là, ô Pandava, parvient à Moi "

Autrement dit, le meilleur moyen d'être sauvé, de se réaliser en se libérant du cycle des renaissances, consiste à orienter son âme, son esprit et toute son action vers Dieu, ici Krishna, et à rechercher Sa communion. On vient à Krishna, on ne se dilue plus dans le Brahman, ni dans le nirvâna, comme dans le bouddhisme, mais on vient à un Dieu qui tout en conservant sa transcendance-immanence est disposé à une relation personnelle avec le fidèle. Cette relation personnelle est appelée par la BhG bhakti-yoga.

Ici donc, le yoga a envahi toute l'indianité. Ce n'est pas le râja-yoga ou le hatha-yoga de Patanjali, mais celui des exercices dévotionnels qui impliquent une relation personnelle à la divinité (chants mystiques, offrandes de fleurs, encens, danses….). La BhG est le livre du bhakti-yoga certes, mais aussi du karma-yoga, du yoga des œuvres, puisqu'il sanctifie l'action et refuse la nivritti.