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Cours du 17 octobre 2011

 

1ère heure : Le ciel

Le ciel est le médiateur par excellence de la transcendance à cause de son caractère illimité.

Les dieux ouraniens (identifiés au ciel ou habitant le ciel, " ouranos " = le ciel en grec)

Deux choses sont à distinguer  :

- Le ciel est souvent identifié à un dieu

- Le ciel comme résidence des dieux ou de Dieu.

  1. En Babylonie, le dieu suprême est Anu (le Ciel), père et souverain des dieux. Il se trouve à la tête de la triade Anu, Enlil, Ea
  2. Les noms de Zeus et de Jupiter expriment clairement leur essence céleste. Zeus (comme Jupiter) provient de la racine indo-européenne *div- (cf. divin, diurne etc..) qui signifie " briller comme le ciel diurne ". Jupiter est Iu-piter où " piter " signifie " père et " Iu " est une réduction de la racine *div- (pronocée diw ).

    Rem. : si pour un locuteur des langues latines Dieu (Deus, Dio…) signifie " celui qui est brillant comme le ciel diurne ", pour le locuteur des langues germaniques Gott (God…) signifie " celui qui est invoqué liturgiquement ". Gott, God etc. est en effet le participe passif d’une autre racine indo-européenne : *ghau- (invoquer).

  3. En Australie, la divinité suprême des tribus du SE, Baiame habite le ciel. Baiame est assis sur un trône de cristal, le soleil et la lune sont ses fils. La tonnerre est sa voix. Il fait tomber la pluie, verdissant et fertilisant ainsi la terre entière. De même que les autres dieux ouraniens, Baiaime voit et entend tout. Rem : à cause de leur caractère céleste les dieux ouraniens sont souvent présentés comme omniscient et gardiens de la morale (cf. Varuna, en Inde, Varuna étant peut-être l’équivalent sanskrit du grec " ouranos ")
  4. Partout en Afrique on a relevé las traces d’un grand dieu céleste à peu près disparu du culte, sa place ayant été accaparée par le culte des ancêtres. Le grand dieu céleste y est devenu un deus otiosus (" dieu oisif ").
  5. Les Bo-Ilas, tribus bantoues (les Bantous habitent une immense aire entre le Cameroun et le Kénya) de la vallée de Kafue, croient en un Dieu suprême tout-puissant, créateur, qui habite au ciel et qu’ils nomment Leza. Or, Leza est un terme qui désigne aussi dans le langage courant les phénomènes météorologiques. On dit " Leza tomve " pour dire " Il pleut " (cf grec : " Zeus huei " pour dire " il pleut "). On dit aussi " Leza est furieux " pour dire " il tonne ".
  6. Pour la majorité des populations Ewé (Togo), Mawu est le nom de l’Être suprême. Mawu est aussi utilisé pour désigner le firmament et la pluie.
  7. Le Dieu de Jésus est aussi localisé dans le ciel : Notre Père qui es au cieux…

 

 Mythes et rites d’ascension

Aller vers le haut, c’est se rapprocher de Dieu.

Les mythes d’ascension

  1. L’ascension la plus commune est celle des morts. La mort est souvent vécue dans les religions comme un transcendement de la condition humaine, un passage dans l’au-delà. Dans les religions qui situent l’au-delà dans le ciel ou dans une région supérieure, on nous présente souvent ce voyage d’une manière très expressive. L’âme du mort gravit les sentiers d’une montagne ou le long d’une corde. L’expression habituelle en akkadien pour exprimer la notion de " mourir " est " s’accrocher à la montagne ". De même en égyptien " mourir " se dit " myny " c-à-d " s’accrocher ". Cf. Dans la Kaushitaki-Upanishad (texte indien du Veda, -6ème s., le mythe du voyage céleste de l’âme, que l’on trouve aussi en Iran.
  2. De leur vivant, certains hommes exceptionnels ont pu pénétrer dans le ciel. D’où le mythe des fondateurs de religion (Religionsstifter) : le Bouddha dans le ciel d’Indra à 39 ans en 519 avant JC, Mohammed à 51 ans en 621 après JC. Le cas de Jésus est exceptionnel, car son ascension s’est passée après sa mort et sa résurrection (à 33 ans en l’an 29 de notre ère).

Rites d’ascension

  1. Dans l’initiation mithriaque on faisait gravir à l’initié une échelle cérémonielle comportant 7 échelons. Chaque échelon était composé d’un métal différent et représentait une autre sphère planétaire :

1er : plomb, Saturne

2ème : étain, Vénus

3ème :bronze, Jupiter

4ème :fer, Mercure

5ème :alliage monétaire, Mars

6ème :argent, lune

7ème :or, soleil

Le 8ème échelon représente la sphère des étoiles fixes. En gravissant cette échelle cérémonielle, l’initié parcourait symboliquement les sept cieux s’élevant ainsi jusqu’à l’Empyrée (le foyer de l’énergie originelle dans le cosmos).

b) Le chamane (extatique) sibérien gravit, lui, un bouleau cérémoniel comportant 9 encoches : au 6ème ciel il vénère la lune, au 7ème le soleil. Finalement au 9ème il se prosterne devant le dieu suprême Bai Uegur. Les encoches pratiqués dans le bouleau symbolisent les sphères planétaires.

Sources:

Toute l'oeuvre de Mircea Eliade, en particulier  Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, Payot, Paris, 1968

HEILER Friedrich, Ercheinunngsformen und Wesen der Religion,Kohlhammer, Stuttgart, 1979

VAN DER LEEUW G., La religion dans son essence et sa manifestation, Phénoménologie de la religion, Payot, Paris, 1970

WIDENGREN Geo., Religionsphänomenologie, Walter de Gruyter, Berlin, 1969

 

2ème heure: Introduction à l'hindouisme (suite)

1. Les quatre buts de la vie (purushârtha)

1) Le moksha : libération du cycle des réincarnations

2) Le dharma: respect de la norme socio-cosmique chacun à notre place

3) L' artha : la recherche des biens matériels

4)  Kâma le désir, y compris érotique, même le désir homosexuel qu'aucun tabou n'interdisait  dans l' Inde classique.

 

 Kâma le désir

 

Chaque individu a un rapport particulier, qui lui est personnel, à ces quatre buts. Ce rapport peut varier en fonction de l'âge et de la situation sociale.

Pour une personne de 25 ans, par exemple, la répartition peut se faire ainsi:

moksha: 5% (de l'énergie totale de la personne)

dharma: 15 %

artha: 40 %

kâma: 40 %

A 70 ans:

moksha: 60 %

dharma: 20 %

artha: 10 %

 kâma: 10%

Pour un renonçant (au 4ème stade de la vie, qui mendie sa nourriture, et libre par rapport au désir):

moksha: 80 %

dharma: 18 %

artha: 1 %   

kâma 1%

 

Le moksha est tout particulièrement l'affaire du renonçant (voir ci-dessous), sorti de la société. On dit que le moksha est le svadharma du renonçant.

Le dharma est plus particulièrement l'affaire des brahmanes.

L'artha est plus particulièrement l'affaire des Kshatriya. Il est consigné dans les arthaçastra.

Le kâma est analysé dans le célèbre kâmasûtra (voir ici )

 

2.Les quatre étapes de la vie (âśrama):

1) Etudiant  brahmanique ou brahmacârin (jusqu'à 16 ans): à partir de 8 ans pour les garçons brahmanes, 11 ans pour les kshatriyas, 12 ans pour les vaiçyas. Le maître s'appelle le guru (pr. gourou) c-à-d, "celui qui a du poids". 

 

     

Guru et élève

Après la petite enfance où il est assimilé à un çudra, le jeune garçon est admis à devenir brahmacârin, c'est-à-dire étudiant,  chez un maître, des textes védiques. Cette période qui commence à l'âge de huit ans pour les jeunes brahmanes et se prolonge jusqu'à seize ans, est marquée par des observances qui font de l'enfant, puis de l'adolescent un véritable ascète.

Tôt levé le matin, il doit servir son maître, en particulier entretenir le feu sacrificiel avec du bois. Il est soumis à des pratiques de pureté rituelle particulièrement exigeante: il est vêtu d'une peau d'antilope noire (qu'il a reçu lors de la cérémonie d'initiation), il mendie sa nourriture, doit observer une chasteté rigoureuse. Plusieurs par jour sont consacrées à la mémorisation du groupe de textes védiques qu'il devra par la suite réciter quotidiennement, suivant le Veda et l'école védique auxquels il appartient par filiation. Quand ses études sont terminées, qu'il a pris le bain rituel final et donné les honoraires à son gourou (dakshinâ), il retourne chez son père où il est considéré comme bon à marier.

2) Maître de maison ou grihastha (à partir de 16 ans), où il doit accepter toutes les obligations rituelles, engendrer des fils et au moins une fille (à cause de l'alliance avec une autre lignée).

Seul le grihastha peut être sacrifiant (yajamâna).

Le jeune brahmane qui retourne à la maison de son père après avoir pris le bain rituel qui met un terme à ses études védiques ne peut pas encore offrir des sacrifices quotidiens et périodiques.

C'est le mariage, dont le rituel comprend un feu à titre principal, qui inaugure sa vie de maître de maison (et de prêtre domestique), le feu du mariage devenant le feu sacrificiel du jeune couple.

L'épouse est obligatoirement associée au sacrifice, si bien que le maître de maison veuf ne peut plus offrir de sacrifices.

Ces règles valent aussi pour le brahmane qui officie au temple, car le rituel du temple n'est qu'un prolongement du rituel domestique. Un brahmane doit être régulièrement marié pour pouvoir officier au temple (comme à la maison). Un brahmane veuf ne peut plus officier ni à la maison ni au temple. Pour plus de détails voir: le temple: prêtres et prêtresses et Le rituel hindou.

Les femmes peuvent être prêtresses dans certains cultes hindous. Voir Sârada Devî, épouse de Râmakrishna, qui était prêtresse de Kali.

3) Retraite religieuse, on est alors vânaprastha (à partir du moment où l'on commence à avoir des petits enfants).

Le maître de maison vieillissant, ayant vu sa descendance assurée par la naissance d'un fils de son fils, a la possibilité de se dégager de ses obligations rituelles en passant au troisième stade de la vie, le vânaprastha. Le vânaprastha se retire dans la forêt avec sa femme. Il y garde encore provisoirement ses obligations rituelles, et il a donc des feux, qui ne sont cependant pas les mêmes que ceux de la période précédente. En même temps, il pratique des austérités qui lui valent un accroissement de ses pouvoirs spirituels.

Cette période est une transition entre l'état de maître de maison et celui de renonçant complet.

4) Renonçant complet, ou samnyâsin: vie érémitique errante (sur le rituel du renoncement, voir ici )

 

Samnyâsin-s dans l'Himalâya

 

  

Renonçants nus

 

Renonçant méditant sous un arbre

Autre photos de renonçants: (1) (2) (3) (4) (5)

 

Le renonçant est solitaire. Il n'a plus de feux, plus d'obligations rituelles, plus de statut social, plus de demeure fixe.

On entre dans l'état de renonçant après une grandiose cérémonie d'inhalation des trois feux, signifiant par là, que le sacrifice sera désormais intérieur..

Il se nourrira désormais , soit de nourriture sauvage et crue (puisqu'il n'a plus de feu), soit, et c'est le cas le plus habituel, de nourriture reçue en aumône.

En principe, seul l'ancien maître de maison (donc des trois premières classes) a droit au nom de samnyâsin. Aux autres, qui peuvent être issus de basses castes, on donnera le nom de yogin.

Sources:

Madeleine Biardeau , Clefs pour la pensée hindoue, Seghers

Les lois de  Manou, trad. G. STREHLY, Paris, 1896

The Law of Manu, trad. G. BÜHLER, Sacred Books of the East, 25

Dharmasûtra, trad. G BÜHLER, SBE 2 + 14

Grihyasûtra, trad. OLDENBERG, SBE, 29 + 30

Kâmasûtra, Régles de l'amour de Vatsyayana, trad. LAMAIRESSE, 1891

Vâtsyâyana Mallanâga, Kâmasûtra, trad. Alain Porte, 2007

Alain Daniélou, Le Kâma Sûtra, 1992

Kâmasûtra, Régles de l'amour de Vatsyayana, trad. LAMAIRESSE, 1891

Julius Evola, Le yoga tantrique, Paris, 1998

Alain Daniélou, La sculpture érotique hindoue, Paris, 1973

Anon (ed), Kalyanamalla: Ananga-Ranga, Londres, 1885

H.C. Chakladar, Studies in Vatsyayana's Kamasutra, Calcutta, 1929

K.R. Iyengar,(ed), The Rati-ratna-pradipika, Mysore, 1923

E.P. Mathers (trad), Lessons of a Bawd, 1927

R. Schmidt, The Rati-rahasya, 1903

S.C. Upadhyaya (ed), Kamasutra of Vatsyayana, Bombay, 1961