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Accueil du site "Phénoménologie relogieuse" Accueil du site "Orient" Hiérophanies, théophanies, territoire sacré, temps sacré
© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg
Hiérophanies et théophanies A la base et à l’origine de toute religion, il y a une manifestation du divin (hiérophanie) vécue par l’homme ou une manifestation de Dieu (théophanie). Finalement, comme l’a souligné Mircea Eliade, toute l’histoire des religions de la plus primitive aux plus élborées est constituée par une accumulation de hiérophanies et de théophanies : de la manifestation du sacré dans un objet quelconque (pierre, arbre) jusqu’à la manifestation de Dieu dans une personne : Jésus (pour le christianisme) ou Krishna (pour l’hindouisme). A l’origine du judaïsme se trouvent plusieurs théophanies :
Le mont Sinaï A l’origine de l’islam se trouve l’apparition de l’ange Gabriel à Mohammed en 610, qui selon la Sîra, apporta au Prophète un Livre, le Coran. On voit d’après ces quelques exemples qu’il n’y a pas de théophanie brute, toute théophanie est toujours médiatisée. On voit aussi la diversité des supports de théophanie :
On voit aussi le problème que posent ces théophanies. L’objet ou la personne qui sont support de la théophanie , dans lesquels se manifeste le sacré ou Dieu reste un objet comme les autres :
Bien remarquer : ce n’est jamais la pierre, l’arbre etc… que l’on adore, mais la divinité, la puissance qui un jour s’est manifestée dans cette pierre. C’est ce que l’on appelle l’irrécognoscibilité du sacré. Le sacré n’est pas reconnaissable a priori. Dans toute hiérophanie, il convient donc de reconnaître trois éléments :
A partir du concept d’hiérophanie, on comprendra mieux ce qu’on entend en histoire des religions par territoire sacré et par temps sacré. Territoire sacré Un territoire sacré est un territoire où un jour a eu lieu une théophanie ou une hiérophanie et qui à cause de cela est devenu marqué, tabou.
D’après tous ces exemples, on voit également qu’un lieu sacré peut être à l’origine une simple place, non construite.
Le sacré et l'interdit La notion de sacré inclut la notion d'interdit et de tabou (voir R.OTTO, Le sacré). L'objet sacré ou la personne sacrée est en même temps tabou. C'est ce qui explique les nombreux tabous qui les entourent. La racine arabe HRM exprime très bien cette dualité: vocalisée haram, elle signifie "sacré" (au sens où un territoire est sacré, donc interdit), vocalisée harâm elle signifie "absolument interdit"). C'est pourquoi, il faut être habilité à pénétrer dans un lieu saint. Voir aussi: langue sacrée l'image dans l'islam L’habilitation à pénétrer dans un lieu saint On ne pénètre pas n’importe comment, ni n’importe quand dans un lieu saint. Ex 3.5 (buisson ardent) : N’approche pas d’ici, dit le Seigneur à Moïse, ôte la chaussure de tes pieds, car le lieu ou tu entres est une terre sainte Ôter les chaussures est ici un rite de pureté. La délimitation entre profane et sacré exige que l’on ne transporte rien (poussière…) d’une zone à l’autre.
1. Fontaine à ablutions, dans une mosquée du Caire 2. Ablutions au Gange 3. Bassin aux ablutions d'un temple hindou (pour agrandir ces deux photos cliquer dessus) (autres photos d'ablutions: Mahâ Kumbh Melâ) Souvent à l’intérieur d’un territoire sacré, il y a une zone de sacralité maximale où l’accès est soumis à des restrictions plus sévères encore.
Dans le catholicisme, seul un prêtre peut célébrer la messe ; or le prêtre est, lui aussi, soumis à des exigences de pureté plus grande que le reste des fidèles (célibat). Pour participer au rite central du culte chrétien, l’Eucharistie, il faut être chrétien, c-à-d être passé par le baptême qui, lui, a aussi un aspect de purification, par l’eau du baptême et le Saint-Esprit. Le rituel chrétien commence par la confessions des péchés, qui est une purification intérieure. Plus un territoire est sacré, plus il y a des restrictions d’accès : si, à la rigueur, on permet en général à des non-musulmans d’entrer dans une mosquée (en dehors des heures de prière), l’accès au haram de La Mecque, où se trouve la Ka’ba, le sanctuaire central de l’islam, est réservé aux seuls musulmans.
En résumé, on peut dire qu’un espace sacré est un endroit où un jour il y eu une hiérophanie quelconque et qui est caractérisé par des restrictions d’accès. Autrement dit pour l’homo religiosus, l’espace n’est pas homogène, il présente des ruptures et des cassures. Il y a des espaces sacrés, forts, significatifs, et d’autres, sans structure, ni consistance, pour tout dire a-morphe. Plus encore, pour l’homme religieux, cette hétérogénéité de l’espace se traduit par l’expérience d’une opposition entre l’espace sacré, le seul qui soit réel pour lui, parce que c’est le lieu de la foi, et tout le reste, l’étendue informe qui l’entoure (l’espace profane). Voir le livre du Lévitique.
Le temps sacré Pas plus que l’espace, le temps n’est pour l’homo religiosus, ni homogène, ni continu. Il y a un temps sacré qui est le temps des fêtes, qui se distingue de la masse amorphe du temps du reste du calendrier. Le temps sacré par excellence, c’est le temps liturgique qui est toujours cyclique et qui réactualise, année après année, les événements fondamentaux de la religion. La liturgie chrétienne a un caractère cyclique très accentué. L’année liturgique commence par la période de l’avent (où l’on attend le Christ), puis Noël, le temps du carême, Pâques, l’Ascension et Pentecôte.
Voir aussi: langue sacrée, l'image dans l'islam Sources: * toute l'oeuvre de Mircea Eliade (voir ici § II.2) * Rudolf OTTO, Le Sacré * HEILER Friedrich, Ercheinunngsformen und Wesen der Religion,Kohlhammer, Stuttgart, 1979 * VAN DER LEEUW G., La religion dans son essence et sa manifestation, Phénoménologie de la religion, Payot, Paris, 1970 * WIDENGREN Geo., Religionsphänomenologie, Walter de Gruyter, Berlin, 1969
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