* En Inde : le feu (agni)
brûle nuit et jour dans chaque foyer des trois classes supérieures.
L’oblation aux dieux (un des cinq grands sacrifices quotidiens) y
est jeté avant chaque repas (donc matin et soir).
On
ne construit pas une maison n'importe où: comme pour les
temples, l'espace devait être consacré, c-à-d soustrait à l'espace
profane, chaotique.
En Inde, rites de
fondation des maisons, des villages et des temples se recoupent
largement. On dessine sur le sol un diagramme en forme de damier, le mandala,
qui est la représentation symbolique du cosmos. Tout
temple, comme toute maison, est un analogue du cosmos.
Le
temple hindou: image du monde
Après purification du
sol, on dessine le vastu-purusha-mandala (cf image ci-dessus),
diagramme en forme de damier, le carré étant signe de ce qui est
stable et parfait.
Le centre du carré est
occupé par le Dieu unique (quel que soit son nom: Vichnou,
Shiva, Brahmâ), en tant que manifestation du Brahman, l'Absolu au-delà
duquel il n'y a plus rien. Cette case centrale correspond dans le
temple réel à la cella, le saint des saints où se trouve la représentation
figurée ou symbolique de la divinité unique.
Autour de la case du Dieu
unique se trouvent les cases des 8 régents des planètes, tandis que
les 32 cases externes du damier représentent les 28 mansions lunaires
+ 4 directions de l'espace. Le contour extérieur du damier représente
l'écliptique.
Les 32 carreaux + le
carreau central, soit 33 carreaux, correspondent aux 33 divinités des
hymnes Âpri dans le Rig-Veda. Au milieu du damier, il y a aussi 12
autres cases, qui représentent 12 autres divinités, les Âdityas.
La structure du temple
hindou symbolise une démarche initiatique: plus on se rapproche de la
cella, plus on se rapproche de la cellule-mère dont est issu le monde
(garbhagriha), on passe ainsi du multiple (les 33 divinités)
à l'Unique (la cella), alors que le processus de la création du
monde (et de l'homme !) est exactement inverse, c'est un passage de
l'Un (une cellule-mère) au multiple.
Les
sanctuaires du Proche-Orient ancien
La
symbolique cosmique
En Mésopotamie, le temple
se composait d'un ensemble de bâtiments et d'une tour élevé appelée
ziggurat.
Le temple le plus célèbre
de la Mésopotamie se trouvait à Babylone et d'appelait ESAGILA. Il
comportait une ziggurat nommée E-TEMEN-AN-KI, qui signifie en sumérien
"La maison qui est le fondement du ciel et de la terre. Cette
ziggurat comportait 7 étages et avait une forme cubique de 90m x 90m
x 90m.
La ziggurat de Borsippa
s'appelait E-UR-IMIN-AN-KI "la maison des 7 guides du ciel et de
la terre. Ces guides ce sont les 7 planètes, si bien que chaque étage
de la ziggurat symbolisait une sphère planétaire. En montant les 7
étages de la ziggurat, le prêtre franchissait donc symboliquement
les 7 sphères planétaires, jusqu'au point le plus élevé du
firmament. Le temple conduit donc du monde des
hommes au monde des dieux. D'ailleurs, Babel vient de
l'akkadien bab-ili "porte de Dieu". Cette conception
trouve également clairement son expression dans l'un des temples de
Nippur, DUR-AN-KI "lien entre terre et ciel".
Au sommet de la ziggurat
se trouvait la chambre nuptiale de Marduk (ou Tammuz) où celui-ci fêtait
chaque année ses noces avec Ishtar.
Symbolisme cosmique du
temple de Jérusalem
Tout comme Babel, Jérusalem
est le centre du monde: Ez. 38.12 appelle Jérusalem tabbûr
"nombril".
De même que dans les
temples mésopotamiens l'océan d'eau douce primordial était représenté
cultuellement, de même il est représenté dans le temple de Salomon
par un bassin nommé yam "la mer" (1 R 7.23.26)
Le debîr (saint
des saints) du temple de Jérusalem (1 R 6.20) avait une dorme
cubique: 20 coudées sur 20 sur 20.
L'autel était formé de 3
surfaces carrées:
en bas: 16 x 16 coudées,
au milieu: 14 x 14
en haut: 12 x 12.
Selon 2 Chr 6.12-13, la
tribune sur laquelle se tint Salomon lors de la consécration du
temple avait également une forme carrée: 5 coudées x 5.
Le
symbolisme de la fécondité
On le trouve dans le nom
de Babel: en sumérien Babel se dit TIN-TIR-RA, c-à-d "jardin de
vie.
L' arbre de vie d'Eridu
unit un symbolisme cosmique et un symbolisme de fécondité.
- Dans le sud de la Mésopotamie,
sur le Golfe Persique, se trouve la ville d'Eridu. Là se trouve
le temple du dieu Ea. Son temple à Eridu s'appelle "Eâpsu"
c-à-d "maison de l'océan d'eau douce, "é" =
maison, en sumérien).
- Or à Eridu se trouvait
un arbre que l'on appelait l'"arbre de vie"; cet arbre
poussait sur Âpsu, l'océan d'eau douce. Cet arbre de vie se
trouve au confluent des deux fleuves, mà où selon la mythologie
sumérienne se trouvait le Paradis
- Selon les données
mythologiques, Gilgamesh se rendit là-bas pour gagner
l'immortalité. Là, dans le Paradis, au confluent des deux
fleuves, il reçoit une plante mystérieuse qui porte un nom
symbolique "jeune deviendra l'homme quand il sera
vieux". Cette plante a donc le pouvoir de renouveler la vie;
c'est la plante de vie.
Cette plante de vie ou
arbre de vie sont décrits de telle façon qu'il en ressort qu'il ne
s'agit pas d'un arbre réel, mais d'un symbole
cultuel. Il s'agissait probablement d'une colonne décorée de
bandes métalliques.
Chaque temple avait son
jardin. L'arbre de vie avait donc sa place dans le jardin du domaine
du temple. L'océan d'eau était figuré par un grand bassin.
Autrement dit: l'arbre de vie, le Paradis et l'océan du mythe étaient
figurés cultuellement par la colonne décorée, le jardin du temple
et le bassin.
Or, dans la mythologie
babylonienne, le Paradis comporte non seulement l'arbre de vie qui
pousse sur l'océan primordial, mais aussi une hutte de bambou où la
déesse Ishtar fêtait ses noces avec le gardien du Paradis, Tammuz.
De même que l'arbre de
vie et l'océan du mythe étaient représentés cultuellement, de même
la hutte était représentée cultuellement.
Les liturgies sumériennes
ou bilingues (sumérien-akkadien) mentionnent un lieu mystérieux du
temple, le gi-pur (sumérien) ou giparru (akkadien), ce
qui signifie "chambre sombre". Cette chambre sombre était
l'endroit du temple où était célébré le
hieros gamos entre le roi (figurant le dieu gardien du Paradis,
Tammouz) et une prêtresse figurant Ishtar. Le gipparu porte
en sumérien un autre nom: ga-nun à akk. Ganûnu -->
arabe djanna "Paradis".
Sources:
* toute l'oeuvre de Mircea Eliade (voir
ici §
II.2)
* HEILER Friedrich, Ercheinunngsformen und Wesen
der Religion,Kohlhammer, Stuttgart, 1979
* VAN DER LEEUW G., La religion dans son essence
et sa manifestation, Phénoménologie de la religion, Payot,
Paris, 1970
* WIDENGREN Geo., Religionsphänomenologie,
Walter de Gruyter, Berlin, 1969
* Jean BAYET, La
religion de Rome
* DANIELOU
*
Stella KRAMRICH
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