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La vision islamique du monde à l'époque classique
© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg
La notion de souveraineté Les monarques européens du Moyen-Âge fondaient leur souveraineté sur des notions territoriales, ethniques ou linguistiques, ou sur la loyauté envers le souverain. Les souverains musulmans fondait leur souveraineté sur l’application de la charia. Les notions territoriales jouaient un rôle si accessoire qu’il manquait à beaucoup de pays un nom spécifique. Un grand pourcentage des noms des Etats musulmans modernes proviennent de néologismes. Certains comme Syrie, Lybie ou Palestine ont été repris de l’Antiquité classique. D’autres comme le Pakistan sont des néologismes absolus. Le terme d’Arabie n’existait même pas en arabe ; il faut employer une périphrase : djazîrat al-‘Arab " péninsule arabique ". Le terme de Turquie qui était utilisé en occident depuis de nombreux siècle n’a été introduit en turc qu’au 20ème s. (Türkiye), auparavant c’était la Sublime Porte. Maison de l’Islam et Maison de la Guerre Dans la vision islamique du monde, la seule division qui importait était la division du monde en Maison de l’Islam (Dâr al-islâm) et Maison de la Guerre (Dâr al-h'arb) . La Maison de l’Islam embrasse tous les pays où règne la Loi de l’islam, le Monde de la Guerre le reste du monde. Monothéisme et mononisme De même qu’il ne peut y avoir qu’un seul Dieu, de même il ne peut y avoir qu’un seul souverain et qu’une seule loi. Idéalement la Maison de l’Islam est vue comme une communauté unitaire, gouvernée par un Etat unique, avec un seul souverain à sa tête. La logique de la charia ne reconnaît pas l’existence permanente et légitime d’une quelconque communauté en dehors des frontières de l’islam. D’après les vues islamiques anciennes, toute l’humanité devra un jour embrasser l’islam ou se soumettre à un souverain musulman. Jusque là, il est du devoir de chaque musulman de militer pour atteindre ce but. Cette militance s’appelle le djihâd, et le militant un mudjâhid. La Maison de la Trêve Un traité de pais entre un état musulman et un état non-musulman était impossible d’après les théories juridiques classiques. Cependant, il était admis que pour des raisons tactiques ou d’opportunité, cet état de guerre pouvait provisoirement être interrompu par une trêve. Mais une telle trêve devait être strictement limitée dans le temps (pas plus de 10 ans) et pouvait à tout moment être rompue unilatéralement par la partie musulmane, qui devait cependant en informer au préalable l’adversaire avant de reprendre les hostilités. Même durant des époques de trêve, on décourageait tout contact avec les " incroyants ". Les voyages dans la maison de la guerre était considéré comme blâmables et les juristes n’étaient d’accord pour n’accepter qu’un seul motif valable pour s’y rendre : libérer un prisonnier. La législation à laquelle se rapporte le djihâd se constitua comme la plus grande partie de la charia durant le premier siècle et demi de l’islam, lorsque la marche en avant des armées musulmanes semblait irrésistible. Mais, par la suite apparut une sérieuse brèche entre la théorie juridique et les réalités politiques. L’Etat musulman unitaire qui avait existé 200 ans au maximum se disloqua en une multitude d’Etats. Le djihâd toucha à sa fin et avec le temps se développa une relation de tolérance entre le monde de l’islam et le reste du monde. Les juristes considérèrent que la trêve de dix ans pouvait être reconduite tacitement de manière illimitée. Certains juristes créèrent un nouveau concept : la Maison de la Trêve (Dâr as-sulh’) ou Maison du Pacte (Dâr al-‘ahd). A cette zone appartenaient les états non-musulmans qui étaient entrés dans une relation contractuelle avec l’Etat musulman, qui reconnaissaient, même fictivement, la suprématie islamique et payaient tribut, mais gardaient leur propre système de gouvernement. Comme les souverains musulmans considéraient les cadeaux comme des tributs, en fait tous les Etats non-musulmans qui entretenaient des relations politiques et commerciales avec l’Etat musulman entraient dans cette catégorie. Source : œuvres de Bernard Lewis
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