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Rencontre islamo-chrétienne du 30 avril au 5 mai 1979
Résumé de l'intervention de Robert Caspar sur la Révélation Les deux religions sont d'accord pour dire que Dieu a parlé aux hommes. Mais comment Dieu peut-il utiliser le langage humain ? Et comment un langage humain peut-il exprimé la parole divine et l'être même de Dieu. Ainsi est posé le problème du langage de la Révélation 1. Le problème en christianisme et en islam : le problème de la nature de la langue de la Révélation Pour la tradition chrétienne majoritaire, on parle d'inspiration (et non de révélation) des Ecritures: Dieu, par l'Esprit-Saint, est l'inspirateur de la parole du prophète, mais Dieu n'est pas le locuteur ou l'auteur littéraire de l'Ecriture. On se représente les choses ainsi. le prophète est un homme de son temps et de sa culture. Il en emploie le langage et n'a d'autres connaissances que celles de son milieu. Mais l'action de l'Esprit-Saint éclaire le jugement du prophète ou de l'écrivain sacré et l'élève à la hauteur du jugement de Dieu, pour dire ce que Dieu veut communiquer aux hommes. Ainsi la parole prophétique et les livres sacrés qui la transmettent sont-ils à la fois réellement paroles et écrits humains, directement accesssibles à leur contemporain, et réellement parole de Dieu et Ecriture divine. Cette conception permet de respecter le jeu des facteurs humains dans la Révélation: la personnalité et l'expérience humaine et religieuse du prophète, ses sources d'informations, sa culture, et surtout la diversité des prophètes et des Ecritures au cours de l'histoire. L'unité se situe au niveau de l'Inspirateur, l'Esprit-Saint, qui assure la continuité et la cohérence des inspirés à travers leur diversité. En islam, le problème a été posé de manière très différente. Historiquement, la première question qui ait été soulevée est celle de l'origine de la langue du Coran. La langue arabe, dans laquelle est formulée le Coran est-elle d'origine divine, choisie et fixée par Dieu lui-même (lugha tawfîqiyya) comme langue de Dieu lui-même, ou est-elle le résultat des conventions humaines comme toutes les langues (lugha istilâhiyya), puis assumée par Dieu pour exprimer Sa Parole. Les Mu'tazilites (8ème-10ème s.) partageaient cette dernière opinion. Les autres écoles théologiques finirent par s'imposer et professaient avec des nuances l'origine et la la nature divines de la langue même du Coran. Une nuance était cependant apportée grâce au rôle de l'ange Gabriel dans la transmission de la parole de Dieu au Prophète. Sa nature angélique lui permettait de comprendre la parole éternelle de Dieu et de la formuler en langue arabe à l'intention du Prophète. Ce problème de l'origine de la langue du Coran recouvre un autre problème, celui du Coran créé ou incréé. Toutes les écoles de théologie musulmane sont unanimes pour penser que le contenu (les "concepts" ou ma'ânî) du Coran représentent la parole éternelle de Dieu et, comme tels, sont, comme elle, éternels et incréés. Le problème est celui de l'expression de ce sontenu dans le lan,gage du Coran (lafz). Plus précisément, ce n'était pas le texte du Coran qui était en cause, mais sa matérialisation dans la bouche du croyant qui lisait et récitait le Coran, et dans les feuillets du recueil où il était écrit. Les Hanbalites et les autres littéralistes affirmaient que le Coran "lu", "récité" ou "écrit" (maqrû', matluww, maktûb) était, lui aussi, éternel et incréé. Il s'agissait probablement dans leur esprit de sacraliser au maximum le Coran, plutôt que d'une attitude théologique. Les Mu'tazilites voulurent contraindre toutes les autorités religieuses à professer que le Coran lu, récité, écrit était pure création, ce qui semblait désacraliser le Coran. Après la victoire des Hanbalites sur les Mu'tazilites, la solution fut élaborée par Ach'arî au 10ème s. : le Coran en tant que Parole même de Dieu (kalâm nafsî), est éternel et incréé; en tant que lu, récité et écrit (kalâm lafzî), il est créé. Cette discussion a duré durant des siècles. La tendance actuelle qui domine chez les théologiens musulmans de formation classique est de s'en tenir fermement à la transmission directe et mot-à-mot de la Parole de Dieu au texte du Coran, le Prophète ne jounat qu'un rôle de transmetteur. Les quelques essais pour introduire la médiation de la conscience prophétique dans l'élaboration du texte du Coran et de re droit de de cité dans la communauté musulmane (voir cependant documents du GRIC). Ces réticences peuvent étonner. mais elles s'expliquent par les différences à la fois phénoménologiques et doctrinales qui distinguent le Coran de la Bible, et plus encore sur la différence fondamentale qui concerne le schéma et la notion même de révélation. Pour aller plus loin: GRIC, Ces Ecritures qui nous questionnent, 1997 D. Masson, Monothéisme biblique et monothéisme coranique, Paris, 1976 DECLAIS, Jean-Louis, David raconté par les musulmans, Paris, Cerf, 1999 DECLAIS, Un récit musulman sur Isaïe, Paris, Cerf, 2001 Henri MICHAUD, Jésus selon le Coran, Cahiers théologiques 46, Neuchâtel, 1960 Tarif KHALIDI, Un musulman nommé Jésus, Albin Michel, Paris, 2003 ------------
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