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Le culte (la pûjâ)
© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg
L'hindouisme est une religion qui se déroule avant tout dans la sphère domestique.
Ce n'est pas au temple, mais à la maison que se trouve le centre de gravité de la vie religieuse. Ce n'est pas au temple, mais à la maison que sont accomplis tous les sacrements hindous.
Ce n'est pas la communauté, mais l'individu ou la famille qui sont porteurs de l'activité religieuse.
Dans sa relation à Dieu, le chrétien est avant tout un pécheur repentant, le musulman un esclave obéissant. L'hindou se comporte vis-à-vis de Dieu comme un hôte vis-à-vis de son invité. On appelle Dieu, on l'invite à venir. Mais il ne vient pas en tant que sauveur ou aide, mais comme invité. on le salue, on le restaure, on lui offre des cadeaux, on le lave. L'homme se présente comme celui qui donne, Dieu comme celui qui accepte ce que l'homme lui offre.
Il s'agit d'accueillir Dieu, de se préparer à cet accueil, et de faire plaisir à l'invité divin par 16 petits gestes, les 16 upacâra.
Ces gestes sont précédés par une préparation intérieure qui est la même qu'au temple (voir ci-dessous).
Le culte domestique
L'objet de l'adoration est en général une petite statue en bronze qui ne manque dans aucune famille, ou si la famille est trop pauvre pour s'en procurer une, on utilise une image qui représente la divinité. Cela suffit pour représenter l'invité divin et entrer en dialogue avec lui.
Les 16 gestes rituels:
1) La divinité est amenée
2) on lui offre un siège, et comme il s'agit d'un hôte qui vient de loin
3) on lui offre de l'eau pour laver ses pieds.
4) de l'eau pour son visage et ses mains
5) de l'eau pour rincer sa bouche.
Chacune de ces actions est naturellement accompagnée de paroles et de gestes rituels.
6) Puis on baigne la divinité
7) on l'habille
8) on la pourvoit du cordon sacré et on la pare avec soin
9) la divinité est enduite d'onguents parfumés: pâte de bois de santal, camphre et safran
10) elle reçoit des fleurs qui lui plaisent particulièrement
11) elle reçoit de l'encens et
12) une lumière alimentée par de l'huile de sésame ou du beurre fondu
13) on lui offre des aliments comme offrande
14) et du bétel.
15) Ce n'est qu'après qu'elle a reçu les offrandes alimentaires qu'elle reçoit les dons rituels
16) On termine par une circumambulation autour de la divinité.
Si, pour une raison ou pour une autre, on ne peut pas accomplir ces 16 upacâra, on doit au moins offrir à la divinité du bois de santal, la lumière et les fleurs. On cas d'impossibilité, on lui offre simplement de l'eau. Si on n' a pas d'eau, on se contente d'une prière pour demander la grâce de Dieu.
Le culte au temple
Dans le temple on célèbre 1 à 8 pûjâ par jour.
On traite Dieu comme s'il était un roi. On l'honore avec les même 16 upacâra que pour la pûjâ domestique. On donne les restes de son repas aux serviteurs du temple, aux pauvres et aux mendiants.
Ensuite la divinité accorde son audience à tous ceux qui veulent accéder à elle. Le soir on la distrait avec de la musique et de la danse.
Mais avant la pûjâ proprement dite a lieu le rituel de préparation.
Le rituel de préparation
Le fidèle désire communiquer avec Dieu. Cela n'est pas possible, s'il ne s'élève pas lui-même jusqu'à Dieu. Il se transformera donc, se divinisera donc, pour être habilité pour la la présence divine.
Le moyen de cette transformation est la méditation et la transformation rituelle.
D'abord il abandonne son corps mondain et ses péchés. Il identifie son âtman à la divinité et crée pour elle un nouveau corps rituel. Il laisse les différentes formes de la divinité prendre place dans tous ses membres. Le vichnouite choisira des formes de Vichnou, et le Shivaïte des formes de Shiva (Shiva sous forme de Rudra, Shiva dansant etc.).
Si le corps comme siège de la divinité est ainsi préparé, suit la prochaine étape de la concentration méditative dur l'aspect de la divinité qui doit être vénéré. Car Dieu a plusieurs aspects, de nombreuses formes et l'image divine, fixée iconographiquement ne représente qu'une seule de ces formes (Shiva dansant, Shiva ascète...).
L'adorateur considère son corps comme un temple pour la divinité et son coeur comme un espace sacré pour la divinité. Il prépare son coeur pour l'accueil de la divinité. A la fin de ce processus, l'homme est entièrement rempli de la présence de Dieu.
Puis commence le même processus de divinisation méditative, également dans l'image divine, de telle sorte que la divinité puisse également y prendre résidence.
Ce processus réalise la présence simultanée de Dieu dans l'homme et la statue, un peu comme on allume un 2ème feu avec le 1er feu.
Ainsi est réalisée la possibilité de communication sur le même niveau. Car selon la théologie hindoue seul un dieu peut adorer un dieu ( na adevo devam arcayet) . Ce principe vaut aussi pour le bouddhisme (voir ici).
Dans le dialogue entre l'adorateur et son Dieu, il n'y a en réalité que le dialogue entre deux manifestations du même dieu.
Les fidèles viennent au temple pour y faire des actes d'adoration privée (arcana), assister à la pûjâ et recevoir, sous forme de gouttes d'eau et de cendres que le prêtre applique sur le front du fidèle, et de fragments de nourriture, le prasâda, la grâce du dieu.
Ils viennent aussi pour être admis au darçana, c-à-d à la possibilité de voir la statue sise dans le saint des saints du temple (la cella).
A cela se résume l'action du prêtre: servir la statue du dieu, célébrer les offices.
Le culte ne comporte pas d'homélie, ni aucun colloque d'aucune sorte entre les prêtres et les fidèles, ni du reste des fidèles entre eux. Il n'entre pas dans les attributions du prêtre du temple d'édifier, d'instruire ou de consoler le fidèle, ni même de le guider dans la prière.
Ce n'est d'ailleurs pas au temple que les hindous effectuent les cérémonies du cycle de la vie, mais chez eux, à la maison.
Voir aussi: Le monothéisme hindou Le temple, La création du monde (§ temple et création)
Bibliographie (générale sur l'hindouisme)
Introduction: L'unité de l'hindouisme, les croyances fondamentales, Chronologie
Les Ecritures: Le Veda (hymne à Agni, hymne cosmogonique, l'Ascète), Les Upanishads (Brihadâranyaka-Upanishad, Katha-up, Maitry-up, Shvetâshvatara-up Yogatattva-up)
La Bhagavad-Gîtâ: la problématique, violence et non-violence, le message, chant 2, chant 4, Krishna Vichnou
La divinité: le Brahman, Vichnou (Krishna), Shiva, les dieux mineurs (deva)
Notions védiques fondamentales: les quatre classes, les quatre buts de la vie, les quatre étapes de la vie, les 3 naissances, la quadruple dette | L' agnihotra
Le renoncement (samnyâsa), le tapas (ascétisme), le prânâyama (rétention du souffle)
Les Darshanas: le sâmkhya, le yoga, le vedânta (le Kevala-advaïta ou non-dualisme absolu, Shankara, Râmânuja et le non dualisme qualifié)
Grands maîtres contemporains: Shrî Râmakrishna, Shrî Aurobindo, Krishnamurti, Gandhi