Accueil du site "Christianisme"     Accueil du site "Orient"

<-------

-------->

La Trinité

© Ralph Stehly, Professeur d’histoire des religions, Université de Strasbourg

 

Le Deuxième Testament (ou Nouveau Testament) est écrit dans un grec et un style très pauvres. Rien à voir avec les chefs-d'oeuvre de la littérature grecque classique. Et pourtant les premiers chrétiens entendaient propager leur littérature parmi les populations de langue grecque, et notamment parmi leur élite. Les théologiens chrétiens des premiers siècles furent donc mis au défi de créer un système de pensée qui puisse rivaliser avec les grands systèmes de pensée de l'Antiquité classique, notamment le platonisme et le néo-platonisme. C'est ainsi que naquit la dogmatique chrétienne et notamment le dogme de la trinité dès le 4ème s. au concile de Nicée.

La trinité est un concept audacieux, mais qui n'a aucune racine biblique, même pas dans le Nouveau Testament, même pas dans la pensée de Jésus, qui était strictement juif, donc strictement monothéiste et qui certainement aurait été fort surpris de se retrouver «deuxième personne » de la Trinité, à la droite de Dieu.

Les juifs y ont vu une trahison de plus du christianisme par rapport à la pensée biblique, mû par le seul désir de réunir Grecs et Hébreux dans une même religion . L'islam, dès le 7ème s., s 'éleva avec vigueur contre ce qu'il considère comme un trithéisme. La trinité se révèlera par la suite comme le plus grand obstacle au dialogue entre le christianisme d'une part, et le judaïsme et l'islam d'autre part.

Trinité vient de trine (lat. trinus) qui veut dire trois en un. L'idée fondamentale est que s'il y a trois personnes divines (Dieu le Père, Dieu le Fils et le Saint-Esprit), elles reposent bien sur une seule et même substance divine (donc une seule divinité). Jésus, ou plutôt le Christ, est donc la deuxième personne de la trinité, mais bien en union avec Dieu le Père, consubstantiel au Père, le texte grec dit hômo-ousios, « en union d'essence ». Bien remarquer que la pensée grecque pense en termes d'essence et d'être (ousia), alors que la Bible pense en termes relationnels (Dieu est rempli de sollicitude envers l'humanité, c'est un Dieu d'amour et de miséricorde, Jésus avait une intimité extraordinaire avec Dieu,  etc., voir ci-dessous) .  La formule centrale du symbole de Nicée-Constantinople est la suivante:

 

Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de l'univers visible et invisible.

Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le Fils unique (grec: monogenês, lat. unigenitus) de Dieu, né du Père avant tous les siècles :

Il est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu,

Engendré, non pas créé, de même nature que le Père (on peut aussi traduire: « consubstantiel au Père », le texte grec dit hômo-ousios)

 

Dieu peut donc se présenter selon trois manières d'être: le Père, le Fils (c-à-d en tant que Jésus-Christ, qui est la théophanie fondamentale du christianisme) et le Saint-Esprit. Il ne s'agit donc pas de trois dieux (trithéisme), mais bien de trois manières d'être de Dieu.

Si on voulait reformuler en termes bibliques le credo de Nicée, on pourrait dire

1) que Dieu s'est rendu connaissable dans l'histoire d'Israël et de l'humanité comme Dieu créateur, plein de sollicitude et libérateur (ce qui équivaut à Dieu le Père)

2) que Dieu s'est rendu connaissable en Jésus de Nazareth, lequel est la grande théophanie du christianisme, c-à-d la grande manifestation par excellence de Dieu dans l'humanité. Jésus avait une intimité extraordinaire avec Dieu (ce qui équivaut à l'expression Dieu le Fils). .

3) Dieu s'est rendu connaissable comme celui qui vivifie, qui invite l'homme toujours à de nouveaux départs, qui à l'intérieur même de l'homme l'incite à de nouveaux horizons d'amour (ce qui équivaut à l'expression  le Saint-Esprit).

                    

                    Remarques d'histoire des religions:

1) Dans le Coran (sourate 112), il y a une formule très proche pour définir Dieu: « il n'engendre pas et n'est pas engendré » (lam yalid wa lam yûlad)

2) Le Coran (sourate 112) définit Dieu comme samad c-à-d comme infrangible et indivisible, vocable probablement choisi pour signifier que les chrétiens divisent ou fragmentent pour ainsi dire la divinité, et ne sont donc pas des monothéistes stricts .

 

Voir aussi: Jésus sauveur et rédempteur

Bibliographie:

Norbert Scholl, Die großen Themen des christlichen Glaubens, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 2003

Hans Küng, Credo, La confession de foi des apôtres expliquée aux hommes d'aujourd'hui, Seuil, Paris, 1996

Gérard Siegwalt, Dogmatique pour une catholicité évangélique, 5 tomes, 1997-2008

Jacques Ellul, Islam et judéo-christianisme, PUF, Paris, 2004

Voir aussi: ici

L'enfer

----------------

Introduction générale au christianisme   La Bible: Ancien Testament (Premier Testament), Nouveau Testament (Deuxième Testament)
Jésus: Yochoua' ou le Jésus historique, Le message du Jésus historique, Le message sur Jésus ou le Jésus de la foi 
  Les Evangiles  Les Evangiles extra-canoniques ou apocryphes  Documents patristiques anciens évoquant la vie de Jésus
 Le credo La Trinité

Dieu dans le christianisme    L'être humain, le péché

L'éthique chrétienneLes Dix Commandements,     Le Sermon sur la Montagne  La Didachè

 Le calendrier liturgique Liturgies: Liturgie de la messe, Liturgie de l'Eglise Réformée de France

Pères de l'Eglise: Tertullien, Origène: Origène et la réincarnation des âmes  Doctrine des 12 Apôtres ou  Didaché Pasteur d’Hermas   Epître de Barnabé  Epître de Clément de Rome aux Corinthiens Lettre d’Ignace d’Antioche aux Ephésiens  Lettre d’Ignace d’Antioche aux Magnésiens  Lettre d’Ignace d’Antioche aux Philadelphiens Lettre d’Ignace d’Antioche aux Romains   Lettre d’Ignace d’Antioche aux Smyrniotes Lettre d’Ignace d’Antioche aux Tralliens Lettre d’Ignace d’Antioche à Polycarpe  

Saintes du Moyen-Âge: Hildegard von Bingen

Langues du christianisme   Langues de l'Orient ancien

Dialogue islamo-chretien  Textes bibliques annonçant la venue de Mohammed selon les théologiens musulmans   La Bible et le Coran  (1)   Protestantisme et islam