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Le part d'ombre du christianisme


© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions à l'Université de Strasbourg




A l'origine, le christianisme était une secte du judaïsme, à l'égal d'autres comme l'essénisme, le pharisaïsme ou le sadducéisme. A ce titre, il bénéficiait de la tolérance que l'Etat romain reconnaissait au judaïsme. Dès le courant du 2ème s. cette tolérance fut remise en question, au fur et à mesure que le christianisme se vivait de plus en plus comme une religion autonome, qui prenait ses distances vis-à-vis du judaïsme. Il ne pouvait donc plus bénéficier de la tolérance que l'Etat romain accordait au judaïsme.


La montée du christianisme


A partir du premier siècle, les dieux romains ont tendance à perdre leur caractère individuel et mythologique. On prie les dieux en général, ce qui tend au monothéisme, qui semble être le moyen le plus simple de n'offenser aucun dieu et d'avoir plus de chance d'être exaucé ; ce monothéisme semble encore être une tendance naturelle chez l'homme. Les ex-voto et tout autre témoignage le confirment. La religion, d'une manière générale, s'effrite.


C'était alors le bon moment d'en proposer une autre . Le fait de promettre la vie éternelle est quelque chose d'extraordinaire à l'époque où "les fidèles", quels qu'ils soient, ne savent pas si les dieux sont justes et bons, et s'il y a quelque chose après la mort.Ils accusent les dieux de la Mort d'être cruels et injustes. Bref, chez ces pauvres mortels, il y a de quoi être anxieux. De plus à partir du 1er siècle, les comportements romains changent, il est bon d'appliquer une "morale", de sacraliser le mariage, de mener une vie saine et d'être bon envers ses esclaves, de réprouver l'homosexualité : le christianisme ne fait que continuer cette idéologie, et il apporte en fait ce que chaque individu espère au plus fort de lui-même, chose que les dieux, auparavant n'apportaient pas, puisque ces dieux étaient muets et n'étaient jamais apparu de façon "collective".


Mais il y eut cependant des heurts entre la religion montante et un Etat romain sur le déclin. Le christianisme ne s'imposa pas par la violence, mais par sa force de persuasion, avec au départ le lourd handicap d'être surtout la religion des classes défavorisées.


Sur Pline le Jeune et le christianisme, voir: Elisabeth Lepidi, Pline le Jeune, La persona, son masque et l'envers du décor, 2004.


L'intolérance


Finalement, de religion persécutée le christianisme devint religion d'Etat de l'Empire romain, en 313, sous l'empereur Constantin. Mais les anciennes formes de religions n'avaient pas pour autant disparu. Elles opposèrent une résistance non négligeable. Cette opposition fut autant le fait des adeptes des grandes religions de l'Empire romain (mithriacisme.....) que des grandes écoles philosophiques comme le néo-platonisme. Des heurts éclatèrent même au 5ème s. dans le monde grec entre chrétiens et philosophes néo-platoniciens. Hypathie (370-415), chef de l'école néo-platonicienne d'Alexandrie, mourut lapidée par des chrétiens fanatiques en 415 , et le grand philosophe Simplicius (480-549) dut fuir la Grèce, à la suite de la fermeture de l'école néo-platonicienne d'Athènes par l'empereur Justinien 1er en 529, et chercher refuge dans l'empire perse, qui apparaissait à l'époque plus tolérant que l'Empire romain.


Puis apparut le phénomène de la conversion forcée sous Charlemagne (742 ou 748 - 814): les tribus germaniques rétives au christianisme furent baptisées sous la contrainte. Huit siècles plus tard, en Amérique centrale et méridionale les Espagnols eurent recours à la conversion forcée des Amérindiens et détruisirent systématiquement leur culture (notamment Diego de Landa, 1524-1579).


L'antisémitisme et l'islamophobie


Nulle part, en Europe occidentale, les musulmans ne purent se maintenir dans des Etats rechristianisés par la force: c'est le cas des musulmans d'Espagne ( lors de la Reconquista) et de Sicile. En Espagne les musulmans, et les juifs, eurent le choix de se convertir au catholicisme ou de s'exiler. La plupart des musulmans et des juifs choisirent de s'exiler en Afrique du Nord et dans l'Empire ottoman, lequel apparaissait plus tolérant que l'Europe chrétienne, y compris pour les juifs.


L'expulsion des juifs (et des musulmans) par Isabelle la Catholique, à la fin de la Reconquista, en 1492, ne fut pas la seule. Au 13ème s., les juifs avaient déjà été expulsés massivement d'Angleterre (1290). Ils avaient été accusés d'empoisonner les puits et d'être à l'origine de la Grande Peste.


Dès le début du Moyen-Âge s'installa dans l'Europe chrétienne un antisémitisme spécifique. On accusait les juifs de refuser de reconnaître le Christ, de refuser de se convertir au christianisme, « la vraie religion ». Des formulations théologiques aberrantes firent leur apparition: on accusait le peuple juif d'être un peuple « déicide », on priait dans les églises pour la conversion des juifs « perfides » (c-à-d pervertis dans leur foi). Même Martin Luther y alla de son pamphlet antisémite qu'il publia trois ans avant sa mort, en 1543: Des juifs et de leurs mensonges (Von den Juden und ihren Lügen).


Au 19ème s., l'antisémitisme traditionnel se conjugua avec le nationalisme notamment en France (affaire Dreyfus), en Allemagne, en Pologne et en Russie. En Europe centrale et orientale, s'étaient développées de très importantes communautés juives avec leur propre langue, le yiddish. Au 20ème s. la conjonction d'un ultra-nationalisme avec un antisémitisme délirant se concrétise dans le nazisme (1933-1945). Les Eglises ne purent s'y opposer, certains chrétiens croyant même voir une espèce de communauté de vues entre le christianisme et le nazisme. D'autres cependant résistèrent au nom de leur foi ( Dietrich Bonhoeffer, 1906-1945 ). Et ce fut l'indicible catastrophe de la Shoah. Certains observateurs sont d'avis que l'incapacité du christianisme des 19ème et 20ème s. de s'opposer à la montée d'un antisémitisme meurtrier et génocidaire marque la fin de l'Europe chrétienne. L'Europe chrétienne serait donc morte à Auschwitz. Et la folie de la Deuxième guerre mondiale marquerait le début du déclin du christianisme en Europe, qui se poursuit depuis lors.



Le colonialisme

Le phénomène de la colonisation, massif à partir du 19ème s., avec ses succès économique, technique, militaire, politique et culturel , firent que certains milieux chrétiens, notamment le cardinal Lavigerie à Alger (en fonction de 1867 à 1892) et les missionnaires anglais en Inde, attribuèrent très rapidement le succès des nations européennes à la la religion chrétienne, et les revers du monde musulman et du monde indien à l'islam (considéré comme une religion immorale) et à l'hindouisme ( considéré comme une religion bassement idolâtrique ). Dans ces milieux, on voyait se profiler le triomphe inéluctable du christianisme sur l'islam et l'hindouisme. On sait ce qu'il en est advenu: actuellement les mouvements hindous et l'islam sont, au contraire, solidement implantés en Europe.


L'exclusivisme


Au cours de l'histoire et jusqu'à maintenant, le christianisme s'est aussi comporté comme une religion exclusiviste, prêchant le salut par le Christ seul en tant que fils unique de Dieu. Mais il partage, bien entendu, cet exclusivisme avec les deux autres monothéismes: le judaïsme avec la notion de peuple élu, et l'islam, qui se considère comme le parachèvement du judaïsme et du christianisme.


Voir aussi: Islam et Occident

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Introduction générale au christianisme   La Bible: Ancien Testament (Premier Testament), Nouveau Testament (Deuxième Testament)
Jésus: Yochoua' ou le Jésus historique, Le message du Jésus historique, Le message sur Jésus ou le Jésus de la foi 
  Les Evangiles  Les Evangiles extra-canoniques ou apocryphes  Documents patristiques anciens évoquant la vie de Jésus
 Le credo La Trinité

Dieu dans le christianisme    L'être humain: Qu'est-ce que l'homme ? Le péché Pourquoi sommes-nous sur terre ?

EschatologieLes signes de la fin   La résurrection Le jugement dernier   L'enfer De nouveaux cieux et une nouvelle terre: la vie éternelle

L'éthique chrétienneLes Dix Commandements,     Le Sermon sur la Montagne  La Didachè

Le sacerdoce

 Le calendrier liturgique Liturgies: Liturgie de la messe, Liturgie de l'Eglise Réformée de France

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