Dieu et les dieux dans l'hindouisme, par Ralph Stehly, Université de Strasbourg

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Dieu et les dieux

© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg

Le Brahman (voir aussi Les doctrines fondamentales des Upanishads)

Pour l'histoire des religions (voir aussi Dieu dans l'islam Dieu dans le christianisme) , c'est la représentation la plus abstraite de Dieu qui ait jamais été conçue par l'homme. Elle est totalement libre de toute image anthropomorphique.

Le Brahman est un neutre (en allemand on dirait das Brahman), donc ni dieu, ni déesse, sans attribut, ni forme, omniprésent et pourtant inconnaissable. Il est une essence transcendante qui pénètre le monde, le vivifie et le sous-tend. Il est un principe éternel tout à la fois à l'intérieur du monde et le transcendant, monde qui est, quant à lui, périssable (voir les périodes cosmiques).

Le Brahman n'agit pas dans le monde, ce sont les divinités qui le manifestent qui agissent.

Le Brahman est impersonnel, tandis que les grandes divinités ou Îçvara (dieux-seigneurs), tels Vichnou et Shiva (voir ci-dessous), sont des divinités personnelles qui agissent dans le monde et dans l'histoire. Les îçvara sont à distinguer des divinités à karman, ou divinités mineures appelées deva-s en sanskrit (voir ci-dessous).

Cette conception abstraite du Brahman ne s'est pas seulement conservée dans la tradition védique du Vedânta, mais aussi dans la religion monothéiste du vichnouisme, du shivaïsme et du shâktisme. Elles ont la possibilité de concevoir la divinité tant de manière personnelle que de manière abstraite.

Fondamentalement, cette divinité suprême n'est rien d'autre que le Brahman, mais qui se déploie dans l'histoire.

Les Upanishads définissent le Brahman comme sat-cid-ânanda: c-à-d comme être pur (sat), comme conscience pure (cid), c-à-d qu'en tant qu'âtman il est la conscience pure en nous (non altérée par le psychologique). Il est félicité pure (ânanda), dans la mesure où il porte en lui tout ce qui existe, qu'il n' y a pas de manque en lui et de désir à cause de ce manque

Par la doctrine de l'identité de l'âtman et du Brahman, les hindous acceptent l'identité d'essence d'une partie au moins de Dieu et du monde. Dieu est l'Autre, mais pas le Tout Autre, comme dans les religions sémitiques.

Le Brahman n'est jamais qualifié de Père: l'homme fait partie de l'Absolu, mais n'est ni fils, ni fille. Le Brahman n'est pas non plus juge (sur le jugement Dernier dans l'islam, voir ici).

Le Brahman est présenté comme omniprésent, infini et subtil. il est la seule force qui agisse dans l'univers et qui le dirige; son action est autonome et automatique. Il est étranger à la morale et oeuvre par-delà le bien et le mal.

Sur le Brahman et la création, voir ici

Autour de la notion de Brahman Shankara Le Vedânta Les Upanishads L'unité de l'hindouisme

Les périodes cosmiques

Vichnou et Shiva

(voir aussi: Le monothéisme hindou)

Vichnou est toujours tourné vers le monde. Le monde lui est toujours disponible dans tous ses détails. Par ses incarnations, il intervient dans le monde. Vichnou aime ses créatures. Il fait le premier pas envers elles par sa "grâce" (voir Krishna et la Bhagavad-Gîtâ). Vichnou peut se scinder en plusieurs manifestations : les vyûha-s. La théorie des vyûha-s admet une chaîne d'émanations qui servent de transition entre Dieu et le monde. Les trois premières manifestations sont les vyûha-s proprement dits; elles sont respectivement appelées d'après le frère, le fils et le petit-fils de Krishna: Samkarshana,,Pradyumna et Aniruddha.. Mais chaque vyûha est Vichnou lui-même.

Bien voir: il n' y a pas de délimitation nette et infranchissable entre l'état de dieu et l'état d'homme. On peut glisser de l'un à l'autre. A côté de l'incarnation totale (pûrnâvâtara) de Krishna, il y a des incarnations partielles pour 1/16ème, 1/12ème, 1/8ème, 1/4, et 1/2 . Il y a aussi des incarnations d'incarnations de Krishna, des incarnations d'une seule énergie d'un dieu (les vibhûti-s), ou même d'un seul aspect de ces énergies: les amsha-s. Et dans un sens plus vaste, on peut dire que tout être humain, voire tout être vivant et même tout ce qui existe est une incarnation divine (équivalence Brahman - âtman).

Vichnou demeure dans un ciel nommé Vaïkuntha . Son épouse est Lakshmî.

Shiva est tout à fait différent. Il est un dieu des extrêmes, dont les tensions mettent le monde en mouvement.

C'est le Dieu des ascètes; il est lui-même ascète. Abîmé dans le yoga, il médite dans la solitude durant des millénaires. Le monde, il l'oublie. Ce n'est que dans la pire des détresses qu'il est possible de secouer Shiva hors de sa méditation.

Une fois qu'il est éveillé (cela signifie seulement qu'il s'agit d'un autre niveau de l'activité de Shiva, il ne s'agit pas d'une séquence historique), alors il rayonne d'énergie. Il danse sur le monde. Sa colère est mortelle pour ses ennemis.

Shiva est un dieu qui, dans cette perspective, est beaucoup plus proche du Dieu du Premier Testament (ou Ancien Testament, ou Torah) que l'impassible Vichnou à l'humeur toujours égale.

Shiva exige reconnaissance, soumission, et poursuit de sa haine tous ceux qui le méprisent. La crainte de Dieu qui joue un si grand rôle dans le judaïsme, le christianisme et l'islam existe aussi chez Shiva, mais rarement dans le vichnouisme.

Vichnou est un dieu cosmique. Des mondes innombrables émanent de lui et retournent en lui. Ses incarnations sauvent périodiquement l'ordre du monde quand celui-ci chancelle. Il désire sauver le monde entier. Il détruit les démons.

Shiva a lui aussi des activités cosmiques, mais elles ne sont pas au premier plan. S'il détruit des démons ce sont ceux qui sont dans l'homme: la concupiscence, l'aveuglement ou l'ignorance. En tant qu'extatique et que yogin, il montre aux hommes le chemin où l'on triomphe du monde, et sur ce chemin aucune convention sociale ne saurait être respectée.

Dans un certain sens, Shiva est un radical. Il choque la société établie, se moque de toutes les normes, ne laisse subsister qu'une seule valeur: celle de la libération individuelle.

Comme le Brahman, le dieu des shivaïtes et des vichnouites n'est pas non plus un dieu juge.

Divinités inférieures ou deva-s

Sur les divinités inférieures, ou dieux à karman , voir la conception du monde des Upanishads § 2 sur le bhuvar-loka. Les deva-s font partie du monde de l'incarnation, et non du monde de la divinité (voir ci-dessous). Ils demeurent dans le bhuvar-loka, tandis que les hommes habitent le bhur-loka.

Les deva-s s'ils ont plus de puissance, de bonheur et de longévité que les hommes, ne diffèrent cependant pas d'eux fondamentalement. Ils ne peuvent ni créer ni gouverner le monde, ni instaurer des lois morales ou libérer les hommes du cycle des renaissances.

Les deva-s, comme les hommes, ont leur religion; comme les Asuras, ils ont leur prêtre Brhaspati. Ils sont fidèles de Vichnou ou de Shiva, tout comme les êtres humains.

Les niveaux de l'être

1) Monde de la divinité

* Le Brahman ( L'Absolu-au-delà-duquel-il-n'y-a-plus-rien, impersonnel)

* Le Seigneur ou Îshvara (Dieu personnel, comme Vichnou ou Shiva)

Krishna (incarnation de Vichnou)

* Aspects particuliers du Brahman (le Soleil etc…)

2) Monde de l'incarnation